Elise | 3 | Bonne idées de mise en scène mais scénario un peu vide |
Alain | 1.75 | L'esthétique du vide |
Le film est intéressant car il montre des scènes de vie entre des personnages venant et revenant toujours au même endroit, une chambre dans un motel. Mais les personnage n'ont pas vraiment de profondeur ; on les voit brièvement chacun, revenant de temps en temps ou disparaissant complètement sans qu'on est bien pu comprendre leur rôle dans le film ; également les histoires ne sont pas très claires et on a peine à comprendre finalement les différentes séquences qui se suivent. Par contre la mise en scène est vraiment intéressante, utilisant autant de plans fixes, restant ainsi éloigné de l'action, mais aussi passant par des scènes l'épaule, avec des mouvements très fluides et proches des personnages, plus intimistes, et donnant l'impression d'une certaine intuition de la part du réalisateur (si tant est que ce soit lui qui tienne la caméra) plutôt bien gérée et agréable à voir. L'ambiance musicale blues ajoute un plus au film, lui conférant l'ambiance adéquate pour ce genre de film ; donc au final, même si le scénario est bizarre et pas réellement clair, le film vaut par sa très bonne mise en scène originale et intuitive.
Avec les années 90 est arrivé toute une génération de cinéastes rompus aux techniques et aux procédés audio-visuels de la pub et des clips musicaux. Le terme "clippeux" est assez péjoratif et décrit plus généralement un découpage ultra-serré, des faux-raccords et des mouvements et angles de caméras un peu exotiques. Mais une donnée souvent mise de côté est la photographie générale et commune à cette vague(que seraient les films de David Fincher sans cette photo sombre à souhait?) et Christopher Doyle en est le parfait représentant(ce n'est pas pour rien que Texas pompera allègrement Chungking Express pour un de leurs clips) et c'est ce qui constitue le premier élément de curiosité qui pousse les acheteurs potentiels de ce Motel Cactus à franchir le pas.
Et en voyant le film, on ne peut qu'applaudire le talent de Christopher Doyle pour le travail d'éclairage intérieur des différentes chambres qui constituent ce motel. Doyle joue à merveille avec les couleurs primaires(rouge, bleu, etc) qui se mélangent avec les différentes textures(papier-peint, carrelages,...) et on retrouve de très belles compositions au sein des pièces qui en viendraient à rappeler les éclairages si particuliers d'un Suspiria(même si les films D'Argento possède une esthétique beaucoup plus radicale). A ce niveau, Motel Cactus devient un très beau livre d'images qu'on aimerait à feuilleter au détour d'un rayon librairie mais comme c'est sensé être un film, il y'a de quoi méchamment réfrénner sa sympathie. Doyle s'étant surtout fait connaître grâce à ses collaborations avec Wong Kar-Waï, on pourrait s'amuser à établir des comparaisons. Le casting tout d'abord est du premier choix car on y retrouve les grandes stars que sont Chung Woo-Sung et Lee Mi-Yeon et d'autres acteurs moins connus mais tout aussi présent dans le ciné coréen comme Park Shin-Yang. Le résultat est à la hauteur de ce qu'on pouvait espérer et chaque sketches donne lieu à de grandes performances de leur part et on peut deviner ci et là quelques improvisations, le tout mêlant bonne humeur et proffessionalisme(Chung Woo-Sung qui fait un regard-caméra involontaire, se reprend et finit la scène comme si de rien n'était). Maintenant pour ce qui est des tenants et aboutissants du film, on bute vite sur des lacunes évidentes d'écriture des personnages, on en vient vite à la conclusion que le format sketches(plus ou moins 20-25 minutes chacun) est une très mauvaise idée et qu'en ce laps de temps il est quasi impossible de donner un tant soit peu d'épaisseur aux personnages, de cerner distinctement leurs psychologies et les raisons de leurs actes. D'ailleurs, quand on y pense, chaque personnage peut être interchangeable avec des personnages des autres sketches car vu dans son ensemble, Motel Cactus est construit sur la répetivité et chaque segment n'innove guère par rapport à un autre: on retrouve systématiquement une alternance entre scènes d'amour et de décontraction et scènes de doute et de solitude intérieure mais rien ne vient troubler ce rythme d'horloge ou apporter d'éléments neufs, comme un signe d'impuissance de la part du film à trouver sa propre personnalité.
On pourrait répliquer que Motel Cactuscherche la simplicité des sentiments décrits, l'authenticité mais dans ce cas, il n'arrive qu'à produire un flot de platitudes et de banalités. Et on en arrive finalement à la réalisation faussement géniale qui oscille entre caméra à l'épaule à vomir à force d'en faire trop et des plans fixes qui sont plus cadrés pour désservir la photo de Cristopher Doyle que le film et on en conclut que Park Gi-Yong s'est quasimement laissé bouffé par ses propres visions et celles de Doyle mais à oublier de fournir un produit fini et réfléchi. Aussi, la musique fait irrésistiblement penser à tous ces films indés américains qu'on voit chaque année au festival de Sundance et on s edit qu'avec un vrai réalisateur de la trempe d'Hal Hartley, Motel Cactus aurait pu être bien mieux qu'un film désespérement raté.