Une révélation
Défendre un film comme Kichiku, c’est défendre une œuvre dérangeante et malsaine du même acabit qu’un Eraserhead ou qu’un Massacre à la Tronçonneuse, c’est défendre la fougue et l’audace d’un premier long métrage, c’est défendre le fait que de bonnes idées et du talent sans budget valent largement mieux qu’un gros budget sans imagination, c’est aussi défendre une vision très intime et très touchante de la jeunesse, et plus généralement de l’âme nippone.
Projet de fin d’études entrepris par un Kumakiri âgé de 23 ans à sa sortie, Kichiku surprend tout d’abord par sa maturité, loin d’un défouloir ludique mais pauvre comme Versus. Assumant totalement son statut de film culte potentiel avec ses scènes gores très explicites, il s’aventure là où on ne l’attend pas, dans un fait divers réel sanglant où une bande de jeunes étudiants s’était joyeusement massacrée dans un forêt et qui avait fortement défrayé la chronique des années 70 au Japon. Cette période de l’histoire récente de l’archipel nippon est propice à toutes sortes de scénarii tant elle a été marquée par l’avènement du modèle économique libéral et la contestation étudiante ; mais Kumakiri ne s’intéresse pas aux bouleversements politiques de l’époque – ou si peu, s’en servant simplement comme d’un cadre. Plongée en eaux troubles, Kichiku l’est incontestablement, mais il s’attache plus modestement à brosser un portrait radical de la jeunesse des seventies dans les pays développés, la confrontant ainsi comme par un miroir à celle d’aujourd’hui : si des groupuscules extrémistes alors nombreux émergeaient dans l’espoir clairement affiché de changer le monde et d’avoir la sensation que cette possibilité était entre leurs mains (cf. la magnifique scène où l’actrice principale affublée d’un costume de geisha exécute une danse grotesque et fanatique devant un drapeau japonais), cette vague de contestation a laissé place de nos jours à une jeunesse dont la volonté de révolution innée se heurte de plein fouet à l’aspect confortable et verrouillée de la société dans laquelle ils évoluent, et dont la seule contestation se réduit à la défense des acquis (cf. en France les manifs pour la démocratie ou encore contre une modification du bac). Ce constat apparaît de manière flagrante à la vision de Kichiku : qui oserait aujourd’hui s’étriper pour une vision de la société qui n’est pas conforme à ses espérances ?
Outre cette réflexion sur l’engagement politique de la jeunesse, Kichiku est également un instantané glacial de l’organisation collective nippone. En substance, l’effet de groupe semble pouvoir soulever des montagnes quand il est orienté par un leader charismatique, mais quand ce leader est mis sur le côté et préfère se suicider, le groupe implose littéralement jusqu’au pétage de plombs total, et ça fait froid dans le dos.
Sur le fond, Kichiku est donc diablement intéressant. Mais sur la forme, il ne l’est pas moins, ce qui en fait une œuvre complète. La bande-son tout d’abord est une réussite : on croirait par moments entendre du Ishikawa Chu lorsque les tambours résonnent, laissant place à des mélodies grattées à la guitare donnant un côté triste et fataliste aux images qui défilent. La mise en scène est dynamique et originale, couplée à un montage tonique qui en fait parfois un peu trop. Les acteurs, tous amateurs, ne se débrouillent pas si mal que ça, et réussissent à donner de l’épaisseur et de la justesse à l’ensemble, et notamment aux délicates scènes gores dont le réalisme est foudroyant. Bref, on peut parler de révélation, tant ce petit film sans concessions marque les esprits. Depuis, Kumakiri a confirmé avec Hole in the Sky, preuve que c’est un cinéaste sur lequel il faudra compter dans les années à venir…
Quand ça fait mal...
Ce film est un gros coup de poing dans le bide. Divisé en trois parties plus ou moins distinctes,
Kichiku nous narre dans la première d'entre elle le quotidien d'un groupe d'étudiants d'extrême gauche limite babas-cool 70's, dont le leader, emprisonné, a temporairement cédé les fonctions à sa petite amie, une sorte de nymphomane quelque peu névrosée. Ce premier tiers, filmé avec les pieds et d'une longueur interminable, se veut probablement une – maladroite – approche « pseudo-documentaire » de plus dans le paysage cinématographique indépendant; au moins quinze bonnes minutes de tout ce torchon pelliculaire auraient gagné à passer à la trappe, et ce malgré un jeu d'acteurs dans le ton. Puis
Kichiku amorce un virage à 180 degrés lorsque les relations du groupe dégénèrent subitement: après le suicide de l'un des membres, la fiancée du leader, désormais « cheffe » à sa place, décide d'aller en faire voir de toutes les couleurs à l'un d'entre eux, encombré d'une un peu trop grande gueule, et ordonne au groupe d'aller exécuter leur sinistre tâche dans une forêt. Rapidement, le film se métamorphose en une explosion de violence trasho-gore rarement atteinte: d'abord un, puis deux membres du groupe, se font méchamment et interminablement tabasser à coups de poing/pied pour la plupart portés sur la tête, avant que la leader ne fasse exploser la tronche de l'un au fusil de chasse (sans aucun doute le « headshot » le plus cru et impressionnant de l'histoire du cinéma avec celui de
Maniac), puis découpe le pénis de l'autre au rasoir.
Kichiku adopte par la suite une dimension filmique tout autre, déterminée par une succession de mouvements de caméra quasi virtuoses. Mais revenons-en à l'histoire: après avoir explosé la carcasse d'un fuyard du groupe avec le fusil de chasse, les bourreaux de celui-ci prennent possession d'une gigantesque maison en ruine, dont les décors crades et sordides, mais en même temps vivement éclairés par la lumière du jour, semblent faire vaguement allusion à l'univers barré de Tsukamoto; tout cela représente la troisième et dernière partie du métrage, dans lequel les surprises trash n'ont de loin pas dire leur dernier mot: alors que le membre le plus énigmatique du groupe s'amuse à achever la victime à laquelle on a tranché le pénis au rasoir à coup de morceau de bois sur la tête, la leader, elle, arrache de ses dents le zizi d'un de ses amants/tortionnaires principaux, avant que celui-ci ne lui fasse exploser le corps via le vagin au moyen d'un fusil de chasse – percutant plan gore. Le dernier membre du groupe, un adepte du sabre, terminera le travail en sectionnant la main puis décapitant l'amant/tortionnaire – explosion d'artère carotide à l'appui – pour finir par se suicider lui-même avec son arme blanche. Une conclusion riche en SFX gore et en hémoglobine.
Vous l'aurez compris,
Kichiku est l'une de ces bandes de violence hardcore assez « over the top » dans son domaine. La crédibilité des situations et de l'interprétation renforcent bien évidemment l'intérêt de l'œuvre, en dépit de cette satanée entrée en matière sous anesthésie qui annonçait le pire. Alors que « vrai gore » et « dérangeant » sont rarement parvenus à trouver un terrain d'entente, ils font ici bon ménage, et
Kichiku est à la fois un film profondément dérangeant ET un must du gore graphique. Vraiment pas pour les enfants.
Rouge
Du Wakamatsu revisité avec une bonne touche de gore:le concept a de quoi laisser sceptique mais contre toute attente, ce film s'avère une excellente surprise!
Passivité et petage de plomb au programme! On regrettera l'absence d'une veritable trame ou d'un message politique convaincant sur l'extreme gauche nippone dommage donc... mais quelle ambiance!
Quel ennui mes petits amis!
Après une heure quart de film mon lecteur dvd décide qu'il n'en peut plus, m'arrachant à ma torpeur devant l'ennui profond dans lequel je croupissais: après une heure de Gus Van Sant raté enfin du gore mais même là le film n'arrive pas à me dérider. Toutes les plans sont interminables, distendus à l'extrême, l'actrice du film me gonfle avec son petit rire pourri et tous les autres acteurs ont l'air de demeurés (et qu'ils jouent des demeurés n'est absolument pas en cause).
Si jamais mon lecteur dvd accepte le film à nouveau peut-être que j'updaterai mon avis après avoir vu la fin mais là c'est trop.