Un homme à femmes
Après une belle année passée chez TVB à se faire ses premières armes sur les séries "Dragon, Tiger, Panther" et "CID", Ann Hui accepte de travailler pour l'organisme gouvernemental ICAC (Independant Commission Against Corruption). Un boulot plus restreint artistiquement (l'office venait d'être créé par l'Etat pour lutter contre les affaires de corruption et sensibiliser l'opinion publique contre ce véritable fléau criminel par cette série de films spécialement conçues pour la télévision sous contrôle du gouvernement), mais qui lui permet de gagner beaucoup plus et d'assumer ainsi les revenus financiers de sa famille suite au décès prématuré de son père.
Hui n'en a pas pour autant renoncé à sa propre démarche artistique en s'intéressant finalement davantage aux drames humains et aux conséquences, qu'au travail à proprement parler des hommes de l'ICAC; deux épisodes ("A man" et "Investigation") ont d'ailleurs été interdits pendant plus de 20 ans pour cause de traitement de corruption au sein même des forces de l'ordre et c'est d'un commun accord, que Hui quitte la série au bout de seulement six épisodes pour aller rejoindre la RTHK et singer trois épisodes de l'excellente série "Below the lion rock".
Une fois de plus", Homeward Bound" (aka "Three Women") est une belle preuve, que Ann hui est beaucoup moins intéressé par les "exploits extraordinaires" des agents de l'ICAC, ici personnages totalement relégués au second plan, mais les personnes inculpées par l'agence. Sur un scénario hyper touchant de Joyce Chan, elle conte ainsi l'histoire d'un riche homme d'affaires corrompu, qui n'entretient pas une, mais carrément TROIS liaisons avec des femmes foncièrement différentes. Mari distant, il est un père hyper attentionné auprès d'une ancienne maîtresse, tandis qu'il file le parfait amour avec une ancienne chanteuse à la mode. Cette situation cocasse donne lieu à d'incroyables scènes touchantes, comme celle où les trois femmes vont être amenées à se rencontrer dans les toilettes d'une station de police et prendre conscience de la situation particulière; ou celle de l'homme si arrogant, qui va finir par craquer dans sa cellule d'isolement. Transi de froid, il va demander à ce que l'on coupe l'air conditionné (qui n'est pas du tout allumé) avant de renchérir sur un vieux poème chinois ("Return to the homestead" du poète chinois du 4e siècle Tao Yuanming) prônant le retour à la simplicité et commencé par un gardien.
Un magnifique mélodrame hyper sensible avec une Ann Hui au sommet de son art.