La pelle pour la bête
Le "Genderuwo" est une créature légendaire issue de la culture javanaise, elle-même dérivée de la culture perse; sorte de bête poilue aux yeux rouges, elle peut également prendre apparence humaine, notamment pour séduire des femmes délaissées et veuves éplorées afin d'assurer la survie et la reproduction d'autres "genderuwos". C'est donc moins un tueur d'hommes, qu'un malin farceur, aimant donner des tapes sur les fesses des femmes, leur caresser le corps, quand elles dorment ou encore changer les sous-vêtements…Un farceur coquin, qui ne demeure pas moins impressionnant sous sa forme originale.
Quel bonheur que de voir l'annonce d'un important projet dédié à cette créature mythique, même si l'on pourrait se méfier dans l'avalanche de titres d'horreur foncièrement médiocres à être sortis en Indonésie, sans parler de la censure, qui menacerait forcément l'aspect plus coquin – ce qui n'aura quand même pas empêché des producteurs malins à savamment contourner la loi et faire le bonheur des voyeurs cochons à se faire trémousser des top-modèles simplement vêtues de bikinis sur des plages désertes dans une flopée de films récents.
Et puis comment ne pas avoir une pensée émue à cette série d'adaptations de mythes et de folklore des années 1970s / 1980s comme le Babi Ngepet dans "Ingin Cepat Kaya", par exemple.
Ben, avec "Genderuwo", il n'en est rien. Pire, il s'agit sans aucun conteste de l'un des pires films d'horreur indonésiens de tous les temps, malheureusement pas assez mauvais (quoique) pour en faire une œuvre culte à consommer sans aucune modération d'alcool et autres substances illicites…
"Genderuwo" est l'un de ces nombreux exemples, où des jeunes gens malins et opportunistes se sont engouffrés dans la brèche d'un certain soubresaut de l'industrie cinématographique indonésienne et tentent de gagner rapidement quelques dollars fatigués en misant tout sur un effet de communication, une affiche et de l'accroche comme dans le cas présent, du type "LE monstre le plus effroyable de l'Historie du Cinéma d'Horreur ! Soyez prêts. Un film d'horreur définitivement différent et de qualité"…Pas que ces accroches auraient un quelconque effet sur nous…bien que la promesse de voir une immonde bête poilue tenter de violer une jeune femme aguichante saurait très certainement rameuter les aficionados.
Si bien, que le scénariste-réalisateur-producteur KK Dheeraj a donc multiplié les conférences de presse en amont de la sortie pour promouvoir le film du mieux qu'il a pu…Et là encore, on aurait dû avoir la puce avec l'oreille avec des propos du genre: "J'ai surtout accordé une importance aux effets sonores, c'est ce qu'il y a de plus important dans le film"…C'est sûr, qu'il n'a pas du tout soigné les calamiteux effets spéciaux, qui mériteraient pourtant d'être passés dans toute école de cinéma du monde entier pour servir d'exemple à ne PAS suivre…En lieu et en place d'une quelconque bête poilue, on a donc droit à une répétition d'effets de zoom avant/arrière sur une espèce de poupée rapidement maquillée et affublée de deux crocs et l'image qui devient rouge-verte, du genre "j'applique un filtre grossier sous Photoshop en deux secondes top chrono sans me prendre le chou à rien arranger d'autre". Doh ! Ca laisse perplexe la première fois, prête à sourire la seconde et devient franchement pénible la troisième, surtout après s'être tapé des longues plages dialoguées, débitées par des amateurs sans aucun talent, ni charisme, qui semblent se demander ce qu'ils foutent bien là et – surtout – à quelle heure ils seront rentrés.
Tout cela vous donne envie d'y jeter un coup d'œil ? Mieux encore vaut revoir trois fois un "Psikopat", où il y a des vrais morceaux dans le vomi cinématographique auxquels se raccrocher, plutôt que de vous abîmer les yeux et perdre votre temps devant ce néant abyssal absolu.
Le pire, c'est que K.K (un nom tout prédestiné) Dheeraj tient bon en ayant signé trois autres films tout aussi nullissimes et produit une dizaine d'autres…Et après on se demande pourquoi le cinéma indonésien risque de replonger rapidement dans l'anonymat en permettant à des gens comme ce monsieur de continuer à exercer le métier.