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Les demoiselles de Pyongyang

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les avis de Cinemasie

2 critiques: 3.62/5

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3 critiques: 3.42/5



drélium 4.25 Pas très fin mais quand même très très fort. D'autant plus fort même.
Yann K 3 Exceptionnel ratage
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Pas très fin mais quand même très très fort. D'autant plus fort même.

Un reportage simple et fort dont le manque de hargne reste très secondaire lorsque l'on lit entre les lignes et surtout que l'on décrypte les images. Au delà du commentaire assez simpliste et des trop rares interventions des parents, grands parents et adultes en général (la prof d'anglais avait pourtant l'air d'avoir envie de parler mais non), c'est l'immersion dans la vie de ces deux jeunes filles que j'ai trouvé vraiment captivante. Elles respirent l'enfance dans un monde qui les aveugle et les enferme et ne vivent que pour un entraînement sans relâche de 2 à 8 heures par jour toute l'année avec pour seul objectif de faire honneur et d'apercevoir le jour J le général King Jong Il, ne serait-ce que quelques secondes. Le regard admiratif des jeunes filles au mont Paektu, une sorte de journée parfaite pour la bonne petite patriote, les réactions anti américaines spontanées de la famille comme réponse immédiate à tous les problèmes quotidiens, le final où elles suent corps et âmes devant les chefs militaires aux tristes mines déterrés... Vraiment fort. Tant de dévotion, d'amour pour un seul homme, d'endoctrinement de masse qui se glisse partout même dans la cuisine. L'impression est saisissante, surtout pour quelqu'un qui n'a pas vu grand chose sur ce pays auparavant.

La réalisation est de plus efficace bien que conciliante et bien plus concluante pour le coup que le très mauvais "dans les tours du 11 septembre". La musique choisie pour la grande démonstration finale m'a semblé pertinente, plus en phase avec l'instant que la musique patriotique originale en tout cas. Les mass games, chorégraphie monstrueuse de plus de 90000 personnes réalisée chaque année en l'honneur du généralissime sont aussi une image très forte et une démonstration impressionante de travail collectif, reflet parfait de la doctrine nord coréenne omniprésente dans tous les aspects de la vie.

Un tableau certe bien édulcoré mais un film très fort malgré tout, surtout pour celui qui n'en sait pas beaucoup sur le sujet. Une bonne claque en ce qui me concerne. Le dernier paragraphe de Yann explique très bien tout ce qui fait la force véhiculée par ces vies emprisonnées qui s'écoulent sous nos yeux. Comme si ils étaient derrière une vitre sans teint et que nous étions de l'autre côté avec une terrible envie de crier pour qu'ils entendent.

07 janvier 2005
par drélium




Exceptionnel ratage

Ce documentaire est énervant car il est exceptionnel par ce qu'il a pu filmer, mais il est quand même mauvais, quoi qu'en disent les critiques paresseuses. La mise en scène est catastrophique, nous rappelant le ratage du documentaire "dans les tours le 11 septembre" par les frère Naudet : sur les séquences de Mass games, des tics clippeux, des ralentis, et de la musique techno; sur les images de vie quotidienne et les interviews, du hachage. Le commentaire est souvent affligeant pour qui a déjà eu un peu d'infos sur la Corée du Nord, ce qui commence à être le cas de beaucoup de gens, et navrant sur la technique des mass games ("Tout doit être bien en place", nooon, on avait pas remarqué). Daniel Gordon nous gratifie en prime de jolis couchers de soleil sur Pyongyang. Mais c'est pas JOLI la Corée du Nord. Se rend-il compte qu'il filme ainsi comme la propagande locale? Seulement Daniel Gordon est un anglais à la culture américanisée, il aime raconter des belles histoires de héros qui participent à un effort collectif, comme dans le hagiographique Le match de leur vie. Quelque part, ces mass games ont un côté convention républicaine, pom pom girls et flonflons. D'ailleurs le film a beaucoup plu dans le festival de Pyongyang, où Le match de leur vie avait déjà fait un tabac.

Evidemment que le cinéaste a été au moins les pieds liés à défaut des mains, évidemment qu'il a eu peur pour ces filles, que s'il faisait un terrifiant portait de leurs vies elles auraient été en danger, qu'il n'aurait pas pu retourner en Corée. Enorme dilemme proposé par les dictatures qui s'avancent sourire aux lèvres en vous mettant pistolet sur la tempe. Mais c'est là qu'il fallait être plus fin, comprendre que tout ce dont le régime est fier est ce qui le dessert le plus. Il fallait laisser parler ces filles, longtemps, garder le document brut, virer les commentaires. L'enjeu en vaut la peine, le monde entier regarde : quel documentariste ne rêve pas d'avoir carte blanche pour passer des semaines chez une famille de Corée du Nord, après des années de docu qui tournent autour du pot? Au lieu de se surpasser et faire un vrai choc de l'aubaine, Daniel Gordon n'a aucun point de vue, aucun recul. Par exemple il ne dit pas assez à quel point cette famille est une chouchou du régime qui ne mettra pas une brebis galeuse dans sa troupe d'élite de gymnastes, que ce dénuement qui peut nous faire halluciner est sans commune mesure avec celui de 95% des autres familles nord coréennes. Il n'utilise pas la puissance inouïe de certaines de ses images. Le titre original est le seul éclair de génie du film : A state of mind, un "Etat de l'esprit", qui gouverne les esprits, ou un "etat d'esprit", celui dans lequel est la famille qu'il filme.

Perdu dans cette bouillie, il y a quand même de l'or. On avait lu que les habitants de cette joyeuse prison géante avaient obligation d'avoir la radio allumée en permanence dans leurs appartements, évidemment qu'une seule chaîne, c'est l'Etat qui l'offre, qu'est ce qu'ils sont bons pour nous : voici la preuve, elle est dans la cuisine tous les matins. Un moment symbole : la famille regarde la télé (ils ont pas la TNT, vous avez compris le principe), il y a une coupure de courant, comme très souvent. "Saleté d'américains!", dit l'un. Le régime leur fait croire que c'est du sabotage des Etats-Unis. On se surprend à trouver que leur discours par rapport aux Etats-Unis a une grande part de vrai.

Sinon les rues c'est Pologne 1950 mais c'est le bonheur. Des avenues larges comme les Champs-Elysées ou passe une voiture par minute mais c'est le bonheur. Pas de riz tous les jours mais c'est le bonheur. La dictature est parfaite. Les mass games les éblouissent, comme nous, les ouvertures des jeux Olympiques à côté c'est fête de village. Combien d'argent est mis ici ou dans l'arme nucléaire qui n'est pas dans leur poche? Daniel Gordon ne se pose pas beaucoup ces questions mais heureusement les images sont plus fines que lui : en interview, la mère évoque à quart de mot la famine absolue des années 90 (deux, trois millions de morts selon les ONG). Ce qu'elle ne dit pas, ce qu'on imagine du quotidien de ces années là, est encore plus terrifiant que son aveu. La jeune fille parle de son bonheur de danser pour le régime les yeux dans le vide, avec un sourire figé. Est-ce parce que c'est une jeune fille timide ou parce qu'elle ânonne un discours la peur au ventre? A t'elle craqué, ne serait-ce qu'un regard, une seconde?



14 février 2007
par Yann K


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