Mélogramme télougou
La bande annonce était prometteuse et Rajamouli lui-même était hypé pour cette première réalisation de Srikanth Odela, ancien assistant réalisateur de Sukumar (Pushpa). Il y avait un thème et un univers original (une communauté de "prolétaires" du charbon comme le dit le film d'entrée, soumise par l'alcool), une touche visuelle (photo poussiéreuse/terreuse) avec plans iconiques, une star (la "natural star Nani) et un thème musical plaisant..., je l'attendais donc.
Si le film ne comble pas toutes mes attentes d'action épique, celle-ci reste néanmoins d'un bon niveau même si l'élévation n'est pas totalement maitrisée, comme dans la grande scène de fin, très bonne sur le plan de la chorégraphie (ce sont les frères Anbariv qui dirigent l'action et c'est le jeune fight master Real Sathish qui s'est en particulier chargé de cette séquence) et réalisation mais à la gestion musicale plus anecdotique.
Dasara se révèle bien plus riche sur sa dimension dramatique et sociale en articulant dans un "périmètre dramatique village" la mécanique de la domination de classe par l'intoxication. Le personnage du (anti)héros lui-même - voleur alcoolique ultime - illustre cette tension et dans ce rôle Nani s'en tire très bien. Une des raisons qui me le font apprécier notamment, il sait jouer des rôles et pas que des avatars de sa persona de star. Idem pour la prestation de Keerthy Suresh qui hérite d'un vrai personnage féminin et pas d'un rôle de potiche. Dasara multiplie d'ailleurs les messages critiques et/ou progressistes dans le contexte indien, que ce soit sur le système des castes (l'accès au bar, élément central de l'intrigue, le reflète), la condition de la femme, l'inclusivité avec cette scène de danse lors d'un mariage musulman (un tube lors de la promo du film), l'évocation de fêtes religieuses syncrétiques célébrées par musulmans et hindous, ou cet enterrement interconfessionnel (unis dans le bonheur et malheur)... Il y a aussi une dimension culturelle plus difficilement perceptible même pour les indiens non télougous si l'on ne parle pas la langue (donc la grande majorité), en ce que le film se situe dans une (sous)région spécifiques et met en avant un dialecte (oui, il y a "des" télougous) et des traditions particulières, ce qui rajoute de la "fraîcheur" pour le public local. On soupoudre le tout de très belles chorégraphies musicales (dans le ton visuel et thématique), d'une violente et brillante séquence en milieu de film pour faire basculer l'intrigue, d'une direction artistique impeccable et le tour est joué.
Un film "masala" qui a de l'âme et remplit parfaitement son office malgré certaines imperfections, pas mal pour un tout premier film qui est un des grands succès du box office local de l'année. Un nouveau réalisateur à suivre...
Edit: critique revue à la hausse après 2nd visionnage en 4K (c'est rentré sur Netflix).
22 janvier 2024
par
Astec