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Dallos

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Arno Ching-wan 3 Colon comme la lune
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Colon comme la lune

En 1983, Dallos est la toute première OAV à paraître au Japon. L'anime se pare ainsi d'un statut historique - et culte - qui lui donne indubitablement du cachet. Et il en a bien besoin, de cachet, autrement c'est "caché" qu'il serait, honteux, perdu dans les limbes d'un oubli collectif amplement pardonnable parce que pleinement justifié. Il continuerait encore de trembler, de peur d'être repéré. Gotcha ! Car pour beaucoup c'est globalement "caca" Dallos, périmé, caduque, d'un autre temps, lourd comme un bouquin de droit Dalloz posé pour faire sérieux sur une étagère pleine de mangas. Pour rappel (j'ose le rappel dès l'intro) une OAV,  « Original Animation Video », désigne un dessin animé qui sort sur le marché vidéo sans passer par la case TV ou même ciné. Il en existe de célèbres : Macross +, FLCL, Dead Leaves etc. Quatre OAV composent la créature. Elles sortent respectivement en décembre 1983 (mise en bouche) puis janvier (Kaboom !), avril (transition) et juillet 1984 (re-Kaboom !). 



Avant de scribouiller sur Dallos, j’ai d’abord vu l’interview d’Oshii et d'autres (les producteurs Yuji Nunokawa et Shigeru Watanabe, le directeur du son Shigeharu Shiba), disponible sur le DVD import. On la trouve également TRES facilement sur le net, le tout en vosta. Ces entretiens, qui datent de 2003, furent réalisés à l’occasion des 20 ans de l’objet. Très intéressants, ils nous remettent dans le contexte et, surtout, Oshii y livre quelques précieuses clefs. C’est un japonais, aussi s’il ne donne certainement pas son avis frontalement, à l’écouter attentivement, entre deux phrases on comprend qu’il ne ressent pas de tendresse particulière envers cette expérience hardue. Il en a clairement bavé.  



La sortie de la première VHS de Dallos va provoquer une véritable guerre entre les studios sur ce nouveau marché très lucratif.

Nous sommes en décembre 1983. Financièrement, les Studios Pierrot sont à la peine et cette idée géniale de l’OAV naît en premier lieu d’une étude commerciale. Bandaï pousse le projet Dallos : ils veulent du ¥en, ils veulent croquer, que ça tombe dans la poche et illico presto ! Pour cela il faut moins de partenaires, marger davantage et plus rapidement. La machine est lancée. Vite, très vite. Trop vite même, à en croire un Oshii pour qui l’histoire de cet anime n’est pas aboutie ni les personnages construits. Il donne le ton en tout début d’ITW : « J'ai fait le job (...) J’étais là pour promouvoir des jouets ». Et comme le character design du chef rebelle se calque sur le physique de Sylvester Stallone, superstar de l’époque, on décèle une direction artistique excessivement dominée par une formule commerciale en pleine application. Le dessin du perso, globalement vétuste et moche, évoque en effet le look de l'acteur dans Les faucons de la nuit sorti deux ans plus tôt.



Faucon de la nuit ou vrai con du jour ?


Pour booster cette histoire d'un vide intersidéral, même pour un jeune ado, le réalisateur d'Avalon se concentra sur l'action. "On a bénéficié de beaucoup d'imagination sur les scènes d'action" dit-il, sous-entendant qu'ailleurs la créativité relevait du néant. "Les Studios Pierrot disposent d'une bonne expérience de l'action et des explosions" ajoute t'il, "je reste même très fier des scènes avec les chiens" qu'il ponctue. A raison, parce que l'attaque des canidés reste encore de nos jours sacrément impressionnante. Il parle de son segment à lui le Oshii, le second, la pièce maîtresse de cet ensemble foutraque. S'il est difficile de retrouver dans le détail kikafékoi, lorsque commence le deuxième segment on sait où l'on se trouve en à peine quelques plans. Les scènes qui dépotent s'enchaînent, les douillent pleuvent, la bataille fait rage, l'animation est meilleure que sur un premier épisode difficile à encaisser, l'action se révèle plus généreuse et surtout c'est sacrément bien filmé. On reconnait sa patte tout du long du chapitre. C'est posé mais fluide, la forme continue certes à dominer le fond mais sur une demi-heure ça passe très bien. Le show fonctionne à fond les ballons avec même un final à la Star Wars plutôt bien recyclé.

 

Des oiseaux ? C'est du Oshii. Un labor se fait ventiler ? Oshii.

 

Papoti dans un ascenseur avec éclairage intermittent ? Oshii. Un panzer-clebs ? C'est du Oshii qu'on vous dit !

Sur les interviews, on apprend qu'Oshii dut collaborer très étroitement et très difficilement avec Hisayuki - Chōkai - Toriumi, son mentor depuis Nils Holgersson, vénérable pilier de chez Pierrot décédé début 2009. On sent un réel différend artistique sur le monstre Dallos. "Quelquefois, le fait d'avoir trop de cuisiniers gâche le bouillon" suggère Oshii, qui évoque ainsi, sans fusiller le vétéran, la nécessité de n'avoir qu'un seul maître à bord pour que l'oeuvre existe pleinement. Là, c'est plutôt pleinement le bordel sur Dallos : la mise en scène change d'une OAV à l'autre, l'intrigue ne provoque jamais l'adhésion, pas un des personnages n'a la moindre consistance... quant au seul intérêt de l'affaire, le mystère Dallos, il n'est jamais vraiment résolu. Important, il permet néanmoins à cette guerre entre colons lunaires et terriens - qui luttent contre leur cancer du colon donc - d'obtenir une légère nuance, par trop aléatoire toutefois pour faire - parfois - passer le cassoulet. Mais il est beau Dallos, il faut le reconnaître. Cette sorte de figure géante qui sort de terre, forcément inspirée du boulot de Giger sur le Alien de R. Scott, invoque des esprits lointains et mystiques bienvenus. Ca a de la gueule. Son intérieur également, fait de dédales étranges, menaçants, aux matières inconnues... Et les robots sont tout autant bien foutus pour l'époque. Contrairement aux humains, ils titillent l'oeil et l'imaginaire. Pour faire simple : le deuxième segment, l'action, quelques décors, de belles séquences d'animation, un beau discours anti-colonial et le mecha design sont à sauver. Ainsi qu'un dernier chapitre généreux en affrontements mais sur lequel la quantité prime un peu sur la qualité. La marque du réalisateur de GITS Innocence s'y fait plus rare. Pour le reste... La musique ? Celle du générique, chouette, est pratiquement la seule qui tourne dans l'anime. "Je suis déçu par la musique (...) je n'y accordais alors pas assez d'importance" explique Oshii, 20 ans après. Courant 1984, éreinté, sur les rotules après avoir sué sang et eau sur Dallos et dans la foulée Beautiful Dreamer, il quitte les Studios Pierrot. Il passera à toute autre chose en 1985 avec L'Oeuf de l'Ange, appuyé par les Studios Deen.      

Très imparfait, Dallos comporte malgré tout quelques fulgurances et idées éparses qui pouvaient à l'époque - et encore maintenant - marquer durablement les esprit. La pluie de douilles fumantes et cette femme seule combattant des machines à l'aide d'un bazooka au fin fond du Dallos sont deux vignettes qui ont sans nul doute marqué les esprits. Ce fut certainement le cas des frères Wachowski, qui ont respectivement repris ces passages dans Matrix premier du nom ainsi que le troisième opus. Mais si certains évoquent parfois l'idée de pondre une suite à Dallos, Oshii, lui, a définitivement tourné la page. "Chaque oeuvre plait à des personnes différentes" qu'il nous lance à l'occasion de cette commémoration, laissant entendre qu'il ne se range pas nécessairement du côté de la dithyrambe. Pour lui, c'est du passé. Pour nous aussi. Mais n'en faisons pas table rase pour autant.
 


03 septembre 2011
par Arno Ching-wan


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