Propos choisis sur Gô Nagai

Conséquences d'un panel d'invités plutôt large lors de cette édition 2007 du COMICON de Naples, voici quelques extraits portant sur Gô Nagai - invité d'honneur de cette édition - et les mangas tirés d'interviews avec des auteurs venant de différents horizons. Morceaux choisis.

Gô Nagai et Moebius

Gô Nzgzi et Moebius côte à côteazu COMICON de Naples (2007)C’est dans une salle de 600 places du Castel Sant'Elmo, château situé en plein centre de Naples sur une des collines qui domine la ville, que s’est tenue une des conférences publiques de Gô Nagai. Alors que celle-ci en était à sa dernière ligne droite de questions/réponses entre l’auteur et le public, un intervenant surprise prestigieux fit une entrée plutôt remarquée. C’est ainsi que notre Moebius national, également invité de cette édition du COMICON, trouva grâce aux yeux d’un public qui n’en demandait pas tant pour faire monter d’un cran un applaudimètre déjà bien sollicité. Un moment « historique », ponctué par un échange linguistiquement laborieux de louanges entre les deux légendes, via leurs interprètes respectifs : du français à l’italien, de l’italien au japonais et rebelote en sens inverse... Un « dialogue » à sens unique forcément calé sur le mode « je te kiffe, tu me kiffes, on se kiffe », conjugué au présent de l’égocentrique.

Moebius : « Je suis très content de rencontrer le créateur de Goldorak ici, l’homme qui a permis à la Science Fiction d’obtenir une très grande reconnaissance générale : ainsi, il faut savoir qu’en France les pics d’audience de la série sont allés jusqu’à atteindre 100%. A l’origine, les doctrines religieuses ou philosophiques tournaient autour de l’homme et de sa centralité, lui conférant une signification transcendantale ; alors qu’au contraire la Science Fiction, quand elle a commencé à s’affirmer comme genre à travers les formes artistiques plus populaires comme le cinéma ou la bande dessinée, l’a situé dans une position plus concrète et réelle par rapport au temps et à l’espace, notamment grâce à la contextualisation de la technologie. Aujourd’hui la Science Fiction a un peu épuisé cet élan novateur, cette étape d’introduction à l’usage de concepts nouveaux, et est désormais passée à une phase de réalisation des idées. Voilà pourquoi nous sommes maintenant à un moment où nous vivons ce que la Science Fiction avait prévu.»

Gô Nagai : « J’ai eu la possibilité de découvrir les œuvres de Moebius en France au début des années soixante dix, et je me rappelle encore de l’émotion que j’ai éprouvé en regardant ses planches, que j’avais trouvé magnifiques. Même au Japon il y a des auteurs de mangas qui ont subi son influence et, juste pour n’en citer qu’un, on peut évoquer le nom de Katsuhiro Otomo : je crois que s’il n’y avait pas eu Moebius, Otomo aurait même choisi de ne pas faire de la bande dessinée et de se dédier à autre chose. Moi au contraire, j’ai eu la chance de commencer à travailler dans le champ de la bande dessinée avant de connaître Moebius, raison pour laquelle je n’ai pas directement subi son influence. Je n’ose imaginer ce qu’aurait probablement été mon œuvre si je l’avais connu avant.»

Propos de Joann Sfar (Le Chat du rabbin, Dargaud), auteur de BD français

Goldorak...

Joann Sfar "J'ai eu une chance énorme dans ma jeunesse, c'est que mes cousins ont été les premiers industriels à importer des jouets du Japon. Donc j'ai vu les jouets de Goldorak avant même que le dessin animé ne sorte. Je me souviens encore quand la série avait été interrompu pendant un temps, lorsqu'elle avait finalement repris j'étais tellement ému que je pleurais devant ma télévision. Les gens de ma génération ont été fortement marqués et constitués par cette série, et d'ailleurs dans l'album Sardines de l'Espace, je cite et je redessine des personnages de Gô Nagai."

A propos de son système de "casting" à la Tezuka...

"Osamu Tezuka faisait effectivement beaucoup ça dans ses mangas, utiliser des personnages comme des acteurs d'une histoire à l'autre. Il y a un autre auteur de manga que j'aime beaucoup également qui faisait ça, c'est Leiji Matsumoto, l'auteur d'Albator, dont je me sens très proche. Ensuite, plus généralement, par rapport au manga, disons que je l'aborde comme toutes les bandes dessinées, il y a 10% de la production qui me passionne et le reste qui ne m'intéresse pas, ou moins. Le manga est un océan et ces 10% constituent déjà une bonne quantité de choses à découvrir. Mais moi je ne fais pas de grosse différences artistiques entre un manga, une BD européenne ou comic-book, c'est une différence industrielle à mes yeux. Au bout du compte ça reste un livre..."

Propos de Steven Mc Niven, dessinateur de comics (Civil War chez Marvel)

Sur Gô Nagai..

Steven McNiven "Je ne le connais pas très bien comme auteur, et donc je découvre un peu son travail à l'occasion de ma venue ici. Je le connaissais de réputation bien entendu, mais guère plus à vrai dire. Mais peut-être ai-je déjà lu ou vu quelque chose tiré de son travai ? Vous savez, les noms et les titres des séries changeant souvent d'un continent à l'autre, il est parfois difficile de s'y retrouver. Mais ce qui est certain, c'est que j'adore les histoires de gros robots et cet auteur a donc forcément un à priori favorable à mes yeux, surtout qu'il semble avoir joué un rôle important dans l'histoire du genre justement."

Anime et manga...

"Oh oui, je lis et je regarde des séries animées également. Un de mes anime préférés reste  d'ailleurs la série OAV Giant Robo: The Day the Earth Stood Still, avec ses robots géants télécommandés si imposants au style rétro-futuriste, steampunk, sa musique bien tonitruante et aussi ses scènes d'action typées ninja ou cinéma hongkongais... Une série vraiment fun à regarder."

Propos d'Igort (5 est le numéro parfait, Casterman), auteur italien et éditeur

Sur Goldorak

Igort en dédicace "Je ne suis pas de la génération qui a vécue l'arrivée de Goldorak enfant, mais lorsque j'ai constaté le phénomène à l'époque, j'ai su que quelque chose se passait, changeait. J'ai rencontré Gô Nagai quelques fois déjà et et je me souviens une fois, au Japon, il m'avait dit « bon courage »  parce que je travaillais avec les éditeurs japonais, qui sont très durs. J'ai une certaine admiration aussi pour lui parce que comme d'autres grands auteurs japonais, il a réussi à s'auto-produire au final. Et puis son écriture graphique reste intéressante pour les portes qu'elle a ouverte. Même si je ne suis pas fan de ce qu'il fait, je respecte beaucoup son travail."

Sur les mangas

"Je suis très proche de l'Asie, je vais tous les ans au Japon, j'ai été parmi les premiers auteurs européens à être publié au Japon dans un magazine  de pré-publication, avec un auteur comme Baru, et la façon dont est abordée la narration y est très différente. Et puis en Europe on a tendance a appuyer sur la posture artistique de l'auteur alors qu'au Japon il est dans une posture plus artisanale peut-être, en tous les cas différente, c'est une vision moins « gâtée ». Ici on dit qu'il faut aller doucement pour faire bien, là-bas la quantité est considérée comme de la qualité. Je me souviens une fois lorsque j'étais allé voir Taniguchi, il commençait une histoire. Trois mois plus tard, alors que je repassais le voir, il avait fait 150 planches et elles étaient déjà chez l'imprimeur. Et Taniguchi  est considéré comme un auteur lent..."

Et aujourd'hui ?

"Oui, actuellement je travaille encore une fois avec Kodansha et cela fait au moins 13 ans que je travaille pour le marché international, en particulier pour le marché japonais. J'ai tiré de cette expérience beaucoup de choses, j'ai du ré-apprendre l'approche du découpage, du rythme etc... selon le point de vue japonais. C'est une expérience qui m'a aussi permis de mieux comprendre mon propre univers. Cela m'a permis quelques années après, en montant l'éditeur Coconino Press, de pouvoir faire un travail d'editing avec mes confrères qui sont mes amis aussi."

Propos recueillis en avril 2007 par Anton GUZMAN.
Remerciements à MFL Comunicazione et à l’équipe du COMICON de Naples.

date
  • novembre 2008
crédits
Interviews