Festival de Pusan (Corée) PIFF 2007

Au rapport de ce 12ème festival de Pusan, on remarquera, d'un point de vue strictement asiatique (et surtout axé sur le cinéma coréen), une grosse part laissée à l'intention du cinéma indépendant et du documentaire. On notera également le retour de nombreux auteurs renommés avec des films assez personnels, autant que des grosses productions, et deux rétrospectives au lieu d'une habituellement. Un petit mot sera dit sur les programmes de minuit ainsi que la sélection de films d'animation japonaise, et enfin, un avis sur l'ambiance générale du festival et les résultats de la compétition.

Le cinéma indépendant à l'honneur


Comme chaque année, le festival de Pusan s'attache à faire découvrir de nouveaux talents, non seulement via la compétition restreinte intitulée "New Currents" mais également dans les sections habituelles "Window on Asian Cinema" et "Korean Cinema Today". Cette année, on peut se réjouir d'une sélection de grande qualité, et d'une large représentation du cinéma indépendant. On remarque ainsi que Indiestory, le plus gros distributeur de films indépendants en Corée, n'a pas moins de 3 trois films dans la sélection, dont deux en compétition, ceux-ci attestant d'un talent incroyable de jeunes réalisateurs, notamment dans Milky Way Liberation Front, de Yun Seong-Ho, qui impose un spectacle réjouissant. Les documentaires et courts-métrages ne sont pas en reste puisque la section "Wide Angle" apporte son lot de réalisation, avec parmi elles de nombreux documentaires engagés, comme Unnie ou PhilSoong.

Mais l'action du festival ne s'arrête pas à sélectionner des films dans les différentes sections. Dans le centre du festival, à présent à Haeundae, sur la plage, était disposé un stand, Indie Lounge, destiné à promouvoir l'action d'organismes coréens sur la visibilité du cinéma indépendant. Ils faisaient, en particulier, l'annonce de l'ouverture, le 8 novembre, d'un espace complètement dédié au cinéma indépendant à Seoul ; et rien qu'à voir la programmation, on sent le soutien d'Indiestory (encore eux) derrière cette initiative. Cela montre que le cinéma indépendant en Corée n'est plus l'apanage des festivals et autres évènements particuliers, mais dénote bien d'une motivation à protéger l'esprit créatif face à une montée en puissance de la production commerciale et le ras-de-marée de films américains depuis la baisse des quotas. En effet, la Corée a réagit promptement a ce qui était prédit comme son assassinat, et même s'il est encore difficile de voir des films indépendants hors des circuits particuliers (les plus chanceux ont une sortie dans 3 ou 4 salles, quand les autres luttent pour voir leur film ne jamais passer sur un écran), de nombreuses initiatives sont ainsi lancées pour favoriser leur visibilité.

Focus sur auteurs

Comme tous les ans, certains auteurs célèbres viennent présenter leur toute dernière œuvre au PIFF, cette 12ème édition ne déroge pas à la règle, ou presque pas. 2007 aura vu l'apparition d'une nouvelle section, "Gala Presentation", où l'on retrouve des réalisateurs célèbres dont le film présenté porte d'une certaine manière une particularité. Tout d'abord, il s'agit du film franco-taiwanais Le Voyage du Ballon Rouge, produit par le musée d'Orsay et réalisé par Hou Hsiao-Hsien, dans lequel apparait Juliette Binoche. Le second, 881 (de Royston Tan), est une comédie musicale, d'un style particulier, qui a été reçue plutôt favorablement par les spectateurs. Les deux derniers sont coréens ; d'un coté M, qui marque le retour de Lee Myung-Se et de ses films d'une profondeur artistique forte, mais plutôt dénué de contexte intéressant ; de l'autre, le 100ème film de Im Kwon-Taek, Beyond The Years, reprenant la suite de La Chanteuse de Pansori.


Outre ces réalisateurs talentueux, d'autres célébrités n'ont pas manqué le rendez-vous. Pour les coréens, il s'agissait dans un sens à revoir les gros films sortis plus tôt dans l'année. Ainsi Kim Ki-Duk remontrait son Souffle, alors que Jang Yun-Hyeon nous présentait son drame historique Hwang Jin-Yi, qui vient pourtant de sortir en DVD. En outre, de nombreux films étrangers avaient droit à une petite promotion, en première internationale, ou pas ; les deux films thailandais intitulés King Naresuan, de Chatrichalerm Yukol ; Hero, de Suzuki Masayuki ; Exodus, de Pang Ho-Cheung, ou encore le fameux Triangle du trio Hong-Kongais, ainsi que les deux films de Miike Takeshi, Crows 0 et Western Django. D'ailleurs, un petit mot sur Triangle et Western Django : ceux-ci étaient présentés dans une section instaurée l'année dernière, et appelée "Midnight Passion". Il s'agissait, du vendredi au lundi, de passer de minuit à 6h du matin, 3 films par soir afin de faire la nuit blanche dans les salles, chaque film étant destiné à vaincre l'assoupissement du spectateur. Tout friand de nouveauté, j'ai testé le dimanche soir, où les deux films sus-cités étaient diffusés en compagnie d'un 3ème, le film américain Sleuth, de Kenneth Brannagh ; en toute honnêteté, et au vu des synopsis, je pensais dormir sur le 3ème. Finalement, le premier, celui de Miike, était tellement bon et divertissant qu'il aurait été impensable de fermer l'œil. Pour Triangle, c'était un peu plus difficile ; commençant sur une partie assez fouillie de Tsui Hark, il était difficile de lutter contre la fatigue ; Johnnie To a tout de même trouvé la bonne corde à tirer pour me garder éveillé en fin de compte. Puis vient l'heure de la sieste, et je regrette d'être tomber sur un film si bon et accaparant car je n'ai pas pu dormir de la nuit, et le lundi a été très difficile. En tout cas, bon point pour cette série nocturne qui promettait une sacrée ambiance sur le festival pendant le weekend (et on y reviendra)



Venaient ensuite deux rétrospectives sur le cinéma coréen. Pas une, mais bien deux. La première s'attachait à l'acteur Kim Seung-Ho, figure emblématique du cinéma coréen dans les années 50 et 60. Il a notamment gagné deux fois le prix du meilleur acteur au Festival Asie-Pacifique du Film deux années de suite avec Romance Papa et Mr. Park, et a joué dans A Coachman, film ayant reçu l'Ours d'Argent à Berlin. Ces trois films faisaient partis des huit diffusés dans la rétrospective. Également, le PIFF s'est attaché à ressortir des tiroirs des films un peu particuliers, dans la mesure où les sept films ainsi présentés ont tous été classés comme trésors nationaux par les gouvernement coréen. Des films pour certains déjà connus, comme Viva Freedom ou The Wedding Days, voire sortis en DVD. J'aurais bien voulu passer un peu de temps à visionner ces films, mais je dois reconnaitre que le temps à jouer contre moi cette fois-ci.

Ambiance


Le festival de Pusan est toujours un peu particulier dans le sens où il commence juste avant un weekend et finit juste avant le suivant. En gros, on remarque un phénomène assez original autant que désagréable : le festival n'est finalement vivant que sur 4 jours : du vendredi au lundi. Autrement, il disparait comme une évènement quelconque au milieu d'une ville immense. Car il faut bien reconnaitre ceci : dès qu'on sort de Haeundae, le cœur, on se demande presque si les gens sont au courant qu'il y a un festival. C'est l'indifférence complète. Un point intéressant du centre est la plage de Haeundae où l'on peut se documenter, tester des nouveauté, acheter des films, gouter à la nourriture coréenne, et même se baigner, tout cela sur la durée entière du festival (après il commence à faire un peu froid pour aller dans l'eau). On se rend bien compte à ce niveau à quel point le festival est vivant le weekend ; il y a tellement de monde qu'il est quasiment impossible de mettre un pied devant l'autre.

Cette fréquentation est donc un bon point pour la série Midnight Passion, et la cause de son énorme succès, puisque le jour où j'y suis allé, les trois salles qui proposaient le programmes étaient toutes quasiment pleines. Mais il est regrettable de voir que malgré sa célébrité, le PIFF ne reçoive pas plus de gens pendant la semaine qui suit. Le festival se termine le vendredi et rien ne permet donc de donner une nouvelle impulsion en clôture. Si on ajoute à cela la décentralisation du festival avec des pôles trop éloignés l'un de l'autre (1h de métro pour aller de Nampodong à Haeundae), on se retrouve avec des salles quasi-vide et une ambiance générale quasi-inexistante, si les volontaires n'était pas là pour donner un peu de vie à un festival qui ne repose que sur eux.



Ces volontaires sont vraiment ce qu'il y a de mieux ici. Mis en avant par les organisateurs du festival, ils bénéficient d'une véritable reconnaissance, ce qui leur permet de donner vraiment beaucoup pour l'évènement, sans râler, malgré des horaires difficiles. Et mieux que ça ; en préparant un adieu très sympathique après la dernière séance du jeudi, ils ont déclasser la véritable cérémonie de clôture au rang de blabla sans intérêt ; effet encore plus marquant que le dernier jour ne montre aucun film à part la clôture (donc la plupart des volontaires ne sont plus là), et que Vexille, qui passait le jeudi soir, méritait bien plus l'honneur de terminer le festival.



Et enfin un point nouveau du cru 2007 : la loi un peu trop présente. D'une part, une nouvelle loi interdit de vendre des places debout. Pour des raisons de sécurité, c'est tout à fait normal. Le seul problème en festival, et particulièrement à Pusan, c'est le nombre immense de personnes qui ont acheté ou reçu une place à l'avance et qui finalement ne viennent pas. Il est donc regrettable de voir des salles à moitié vide alors que des gens n'ont pas pu rentrer. Mais c'est la loi. Cela dit, un système d'échange était mis en place ; dommage qu'il soit peu suivi. Autre point non négligeable : la place donnée à la propag... lutte contre le piratage. Impossible de se balader sur les zones du festival sans tomber sur d'énormes affiches avec écrit dessus "No Piracy Allowed in Korea". C'est bien, il faut lutter contre le piratage ; maintenant, la publicité est un peu excessive à ce niveau, et quand on voit que la version coréenne préfère dire "il n'y a pas de téléchargement illégal en Corée", il y a de quoi se poser des questions.


Conclusion

Cette année, entre les paillettes et les grosses pointures, le festival a fait la part belle au cinéma indépendant, comme pour montrer une envie de résister à un système qui déroule le tapis rouge aux grosses productions et étouffe les petits exploitants. A coté de cela, le fossé se creuse encore entre les artistes du cinéma et le public, le PIFF étant définitivement devenu un festival de vitrine à l'instar de tous les grands festivals du monde, dans lesquels il est très difficile d'entretenir le contact entre les deux univers séparés par l'écran. La convivialité aurait presque disparu, si les nombreux volontaires n'était pas là pour créer cette interaction entre ce grand festival et un public jeune et dynamique. Et au-delà d'une ambiance en demi-teinte, une sélection très appréciable et appréciée.

Résultats


Prix Bean Pole New Currents :

<Flower in the Pocket> de LIEW Seng Tat (Malaisie)
<Wonderful Town> de Aditya ASSARAT (Thailande)

Jury New Currents :
Dariush Mehrjui - Réalisateur (président du jury)
Nan YU – Actrice
Cristian MUNGIU – Réalisateur
Goran Paskaljevic – Réalisateur
LEE Chang-dong - Réalisateur

Prix de la Pusan Bank :  <Life Track> de JIN Guang Hao (Chine/Corée)

Prix FIPRESCI : <The Red Awn> de CAI Shangjun (Chine)

Prix NETPAC :

<Hello Stranger> de KIM Dong-Hyun (Corée)
<With a Girl of Black Soil> de JEON Soo-il (Corée)

Prix du Public KNN : <Flower in the Pocket> de LIEW Seng Tat (Malaisie)

Prix Sonje :

<Woong’s Story> de LEE Ha-song (Corée)
<A Man under the Influenza> de JUNG July (Corée)

Prix Woonpa :
<Tear Drops> de MUN Jeong-hyun (Corée)

Prix du cinéma coréen :

Sabrina Baracetti, Présidente du Udine Far East Film Festival
Jean-François Rauger, Chef de la programmation à la Cinémathèque Française

Réalisateur asiatique de l'année : Edward YANG (à titre posthume)
date
  • octobre 2007
crédits
Festivals