Aux Sources de l'Animation Japonaise - Partie 1/4

PRESENTATION

Du 12 octobre au 16 novembre 2002, se tient le festival Aux sources de l'animation japonaise : des années 20 aux années 50, à la Maison de la Culture du Japon à Paris.
A cette occasion, la MCJP a fait venir du Japon une quarantaine de courts métrages ou extraits de longs métrages d'animation. Ces œuvres font parties d'une collection privée et sont transmises depuis le début du siècle de génération en génération au sein d'une famille. Il s'agit d'œuvres rares dont il n'existe souvent plus d'autres copies au Japon. C'est donc une immense chance de pouvoir les visionner en France.

PROGRAMME 1 : Les pionniers de l'animation japonaise (1924 - 1928) 

Samedi 12 et samedi 26 octobre 2002

La plupart des dessins animés de ce programme utilisent la technique du papier découpé et non du cellulo comme dans la plupart des autres pays. Ceci s'expliquant par le fait que le Japon a dû recréer ses propres techniques faute de documents précis indiquant comment travaillaient les Etats-Unis ou l'Europe.

Le lièvre et la tortue (Usagi to Kame) de Yamamoto Sanae - muet 1924

Le lièvre met au défi la tortue d'arriver avant lui au sommet de la colline. Mais celui-ci, fier d'avoir pris de l'avance, s'endort sur le bord du chemin et ne voit pas la tortue le rattraper.

Il s'agit du plus ancien dessin animé présenté dans cette sélection, mais aussi de celui qui nous est le plus familier. L'histoire ne demande donc pas beaucoup d'effort pour être comprise et laisse tout loisir d'apprécier l'humour de certaines scènes. Il est d'ailleurs amusant de voir comment la réalisation se joue de l'absence de bande son en faisant s'exprimer les protagonistes avec des notes de musique.

Les aventures du petit Shô (Shô-chan no bôken) d'un auteur inconnu - muet

Shô et un écureuil progressent à dos de chameau dans le désert. Surpris par une tempête de sable, ils sont forcés de stopper leur progression. Le calme revenu, il découvre qu'une ville est apparue devant eux. Personne ne semble plus y vivre mais des phénomènes étranges se produisent.

Le cadre est quelque peu dépaysant puisque l'histoire se passe dans un désert saharien. Malgré tout on croise des éléments bien asiatiques comme les moines et les statues de la ville. C'est encore une fois une histoire très courte mais dont l'intrigue est très bien pensée. A la fois drôle et palpitant.

Le père tranquille (Nonkina tôsan Yamazaki Kaidô) de Kimura Hakusan - muet

Le père tranquille s'installe sur le bord de la route pour prendre son repas. Un brigand caché derrière une meule de foin décide de s'en prendre à lui et l'attaque avec un couteau.

Résumé comme cela, on pourrait se dire que cette histoire est plus sérieuse que les précédentes. Au contraire, le dessin animé permettant beaucoup de choses, notre père tranquille se sort de cette situation de façon inattendue. Il est difficile d'en dire plus vu la rapidité de la saynète.

Momotarô, roi du Japon (Nihon ichi no Momotarô) de Yamamoto Sanae - muet 1928

Un couple de personnes âgées trouve une grosse pêche d'où sort un enfant. Ils décident de le garder. L'enfant est vorace et devient vite grand et fort mais resta toujours aussi paresseux. Cette force colossale attire l'attention du seigneur qui l'envoie se battre contre des brigands.

Basé sur un conte très populaire au Japon (Disponible ici), cette version de l'histoire a surtout un intérêt culturel pour nous autres non-japonais. Plus long, avec des scènes d'animation en ombres chinoises mais aussi moins drôle. Pour anecdote, cette histoire a été plusieurs fois reprise en particulier après la guerre où la bataille contre le démon avait des connotations plus politiques (la propagande anti-américaine notamment).
 

L'homme qui faisait fleurir les cerisiers (Hanasaka jijii) de Murata Yasuji - muet 1928

Un couple âgé voit la chance leur sourire quand de l'argent sort de terre après que leur chien ait creusé un trou. Le voisin malveillant voyant ça, décide d'emprunter le chien croyant que celui-ci lui donnera autant d'argent. Mais le chien est rusé et lui joue un mauvais tour.

Ici, on retrouve un des thèmes importants aux yeux des japonais : les cerisiers qui fleurissent. A première vue, on ne voit pas le rapport mais en fait le vieil homme à le pouvoir de garnir les cerisiers de pétales en les saupoudrant de cendre, ce qui donne de très jolies scènes. Les moments comiques étant bien sur ceux où le voisin essaye d'imiter le vieillard et rate systématiquement son coup.
 

La bouilloire magique (Bunbuku chagama) de Murata Yasuji - muet 1928

Un chiffonnier cherchant de quoi faire son commerce, sauve un tanuki d'un piège de chasseur. Celui-ci, reconnaissant, se transforme en bouilloire et saute dans le panier du chiffonnier qui le vend à des moines. Le tanuki étant un animal taquin, il multiplie bêtises sur bêtises chez les moines.

Cette histoire est elle aussi basée sur un conte populaire (Disponible ici), et surtout sur un animal mythique plus connu aujourd'hui grâce à Pompoko. Bien que peu apprécié par les hommes à cause de ses farces (donnant lieu ici à une scène quasi anthologique), le tanuki fait le premier pas pour la réconciliation et nous offre une autre très bonne scène d'acrobaties.
 

La vie de Shiobara Tasuke (Shiobara Tasuke) de Kimura Hakusan - parlant 1925

C'est la fête du village et pour tout le monde c'est un jour chômé. Sauf pour Tasuke qui est exploité par sa belle-mère. N'en pouvant plus, il part pour Edo où il finit par trouver du travail chez un charbonnier.

A l'origine, il s'agit d'une pièce de kabuki. Le son est, malheureusement et comme dans nombre de cas, très abîmé. L'histoire en elle-même montre qu'en restant intègre et positif et en faisant des efforts, on peut prétendre à une vie meilleure même si elle ne baigne pas dans la richesse.

Ce premier programme, composé de beaucoup de dessins-animés muets, est surprenant. D'abord parce qu'on perd vite l'habitude dans notre société de se retrouver dans une salle où le seul bruit est celui de la pellicule qui tourne. Le silence en est quasi-religieux. Ensuite parce que ces images sont génératrices de beaucoup d'émotions allant du simple sourire à des rires plus francs en passant par des moments très poétiques. C'est tellement dépaysant d'avoir un premier contact avec l'animation japonaise du début du siècle avec une séléction aussi empreinte de traditions. Cela nous change énormement de ce que l'on connait de la production américaine et européenne, plus accessible, de la même époque. Une très bonne entrée en la matière en tout cas.

PROGRAMME 2 : Les films de Ôfuji Noburô (1926 à 1955)

Samedi 12 octobre et jeudi 7 novembre 2002

La légende du singe de pierre (Songôkû monogatari) - muet 1926

Le moine Sanzo part à la recherche des soutras avec son élève Songôkû.

Il s'agit ici d'un extrait d'un long métrage dont le sujet n'est pas sans rappeler le livre Si Yeou Ki (Saiyuki Den). La pellicule est relativement abîmée et l'extrait laisse un peu sur sa faim. Le sujet choisi étant une histoire célèbre déjà adaptée sous toutes les formes, cette version aurait été intéressante à voir en entier. A noter que c'est sur ce film, que l'auteur a expérimenté l'utilisation de feuilles à motif découpées pour créer les habits des personnages.

La barque aux mandarines (Mikan bune) - muet 1926

Monzaenon est vendeur de mandarines et décide d'aller les vendre à Edo. Il part en bateau et durant la traversée, une des caisses est malencontreusement envoyée dans le ciel. Un démon la reçoit sur la tête et décide de couler le bateau.

L'histoire est peut-être un peu plus floue et expérimentale. L'essai d'accélération de rythme pour rendre la tempête encore plus terrible en jouant sur la répétition de plus en plus rapide des mêmes scènes est intéressant. Les traductions des textes en français peuvent faire sourire.

La danse des chats noirs (Kuro nyago) - muet 1930

Deux chats dansent en rythme.

Pas d'histoire mais plutôt une expérience de l'auteur en ajoutant une musique de fond jazzie. Seul hic, la bande son est absente de la copie présentée. Il faut donc imaginer la musique en fonction des mouvements des chats. Etrange et très court.

Fête villageoise (Mura matsuri) - muet 1930

C'est la fête au village et tout le monde chante et danse.

Encore une histoire courte qui vaut surtout pour les essais d'Ôfuji. Le texte de la chanson apparaît sur l'écran et est suivi soit par un point, soit par des personnages qui passent dessus en racontant l'histoire. Les textes se transforment pour mettre les mots en image. C'est très réussi et ludique. La pellicule a par contre bien vieilli et a viré au rose.

Chanson de printemps (Haru no uta) - muet 1931

Musique et cerisier.

De même que pour les deux courts ci-dessus, il est question d'images mises en musique et rien de plus. On assiste donc à la floraison des cerisiers, thème très cher aux Japonais.

Le chien Heihei et le trésor marin (chinkoroheihei tamatebako) - parlant 1936

Heihei le chien est en train de dormir sous un arbre. Un réveil forcé par une araignée lui vaut les moqueries d'une tortue. Il décide de la provoquer en duel pour savoir qui nage le plus vite. La tortue se cache au fond de l'eau dans un trou. L'ayant suivi, le chien se rend alors compte qu'un cérémonial se déroule chez les poissons.

Sans doute le court le plus drôle de ce programme. Des bonnes idées en pagaille qui créent un monde imaginaire extrêmement riche. Chaque scène est une vraie surprise et il est dommage que le son ait autant vieilli.

Rêve par une nuit de neige (Yuki no yo no yume) - parlant 1947

Mariko, jeune orpheline vendeuse de bougies, n'a plus le droit de rentrer chez elle tant qu'elle n'aura pas ramené assez d'argent. Il neige, il fait très froid et personne ne veut acheter de bougies.

Librement adaptée de la petite marchande d'allumettes d'Andersen, cette histoire aux personnages tout en ombres chinoises est sans doute la plus triste. Le son abîmé ne fait d'ailleurs que renforcer le malheur que l'on perçoit dans la voix déchirante de Mariko. Heureusement, cette version se finit mieux que son homologue européenne.

Fleurs et papillons (Hana to chô) - parlant 1954

Trois papillons femelles chantent et dansent dans les airs au lever du jour. Toutes trois vont chercher leur goutte de rosée sur leur fleur favorite mais la pluie commence à tomber et le vent à souffler. Chacune va essayer d'abriter ses amies dans sa fleur.

Enfin un peu de couleurs dans ce monde en noir et blanc. Et pourtant cette couleur a un grand rôle dans l'histoire présentée puisque le thème abordé à travers l'histoire de ces gentils papillons est le racisme. Systématiquement, les amies de couleurs différentes seront rejetées avec pour même reproche "de ne pas être de la même couleur". Le contraste en la gentillesse de certain personnage et la cruauté du sujet est tout de même assez dur. Pour une fois, c'est la technique des cellulos qui est utilisée et on sent l'influence américaine dans l'utilisation de cette technique.

Dangobei et les 40 voleurs (Dangobee torimonochô hirakegoma no maki) - parlant 1955

Le village a été pillé par des brigands. Dangobei trouve la cachette de ceux-ci et reprend ses biens. De retour au village, il compte l'aventure à sa sœur. Les bandits reviennent dans le village pour reprendre cette part du butin qui leur a échappé. C'est sans compter sur la ruse de Dangobei et sa sœur.

L'histoire se base bien sûr sur Ali Baba et les 40 voleurs et n'a pas été particulièrement adaptée à la culture japonaise. Encore une fois, l'inspiration pour la technique est clairement américaine. Toutefois, un fait marrant, c'est qu'il est fait allusion à la bouilloire magique qui serait sans doute passée inaperçue s'il n'y avait pas eu le programme 1 avant. Par contre, la pellicule est brûlée par endroit, ce qui est vraiment dommage car l'image était encore de très bonne qualité.

Ce deuxième programme nous emmène dans le monde d'Ôfuji. A travers ses oeuvres, on se rend vite compte qu'il aimait particulièrement expérimenter des techniques d'animation inédites pour l'époque. Certains dessins-animés sont peut-être assez étranges car ils durent parfois moins d'une minute et sont clairement des essais. Les oeuvres plus longues rendent bien compte du pouvoir imaginatif de l'auteur.

date
  • septembre 2021
crédits
Festivals