Corée du Sud: Histoire du Cinéma (2ème partie)

Les années 70


Les années 70 marquent pour le cinéma local une longue période de déclin des entrées en salles et d’augmentation du caractère strict de la censure d’Etat. En 1973, la Korean Motion Picture Promotion Corporation (ancêtre de l’actuel Kofic : Korean Film Council) est constituée afin de revitaliser l’industrie et la Korean Film Archive est fondée l’année suivante. Mais l’industrie cinématographique coréenne ne sortira de son déclin commercial qu’à la fin des années 90

Cependant, quelques oeuvres notables de la période abordent des thèmes très personnels (et souvent même politiques d’un point de vue symbolique) à leurs auteurs avec une grande originalité. Les œuvres marquantes de la période sont signées KIM Ki-young (La Femme Insecte, L'Ile d'I-Eoh, Papillon Meurtrier…), le premier film du talentueux LEE Jang-Ho The Hometown of Stars et La Route de Sampo de LEE Man-Hee, cinéaste décédé à la quarantaine en 1975. Les années 70 furent aussi celles de la courte et fulgurante carrière de HA Kil-jong, cinéaste souvent considéré comme l’un des plus grands de Corée. Il réalisa 7 films, dont son célèbre March of fools (1975), avant de mourir prématurément à 38 ans en 1979.

1980-1996

L’arrivée de nouveaux cinéastes talentueux au début des années 80 produit un léger réveil de l’industrie locale. Malgré une fréquentation en salles toujours faible, les années 80 sont marquées par une lègere baisse du niveau de censure et une reconnaissance croissante du cinéma national hors des frontières culminant avec le Prix d’Interprétation Féminine décerné en 1987 à Venise à KANG Su-Yeon pour sa prestation dans Mère Porteuse.

De l’avis de nombreux critiques, IM Kwon-taek est le cinéaste majeur de la période. Bien qu’il ait déjà signé plus de 70 longs métrages avant 1980, c’est avec Mandala qu’il s’affirme comme le cinéaste coréen le plus célèbre. A l’opposé de son précédent travail plus commercial, Mandala explore le sens et la place du Bouddhisme dans la société coréenne au travers de la vie de deux moines. IM est depuis célébré pour avoir su capter et préserver les éléments les plus anciens et oubliés de la culture coréenne traditionnelle au travers de ses films. Son film le plus populaire et le plus célébré, La Chanteuse de Pansori (1993), suscita un revival d’un art vocal coréen nommé pansori. A ce jour, IM a réalisé 100 films et demeure une figure centrale du cinéma coréen. Dans les années 80, l’industrie cinématographique coréenne connaît les premiers pas d’une transformation majeure. Tout d’abord, le chef militaire ROH Tae-woo met en place en 1988 une nouvelle constitution entraînant un fléchissement progressif de la censure politique. Un des premiers films à en tirer parti fut Chilsu et Mansu (1988) de PARK Kwang-soo dont les images  de fin évoquent avec intelligence une manifestation de rue. PARK réalisera ensuite les tout aussi célébrés La République Noire (1990), To the Starry Island (1993) et A Single Spark (1995).

En 1984, une révision de la loi sur le cinéma avait cependant adouci certaines contraintes pesant sur le travail des cinéastes. Auparavant illégale, la production indépendante fut autorisée sous certaines conditions et le gouvernement abrogea les lois qui avaient réduit le nombre de studios. Par conséquent, une nouvelle génération de producteurs avait intégré l’industrie du cinéma coréen à la fin des années 80 et leur nouvelle approche du cinéma allait bientôt bouleverser le cinéma coréen. 

Tout n’était cependant pas positif pour les cinéastes de l’époque. En 1988, un changement de politique supprima les restrictions à l’importation du cinéma étranger et autorisa les compagnies hollywoodiennes à établir des bureaux sur le sol coréen. Jusque là, la diffusion de films américains et hongkongais était strictement réglementée et limitée par le gouvernement. Ces lois signifiaient que pour la première fois la production nationale était en compétition directe avec Hollywood.  Les années suivantes, la part de marché du cinéma national décrut, atteignant un plus bas en 1993, année durant laquelle le cinéma coréen représentait 16% de la fréquentation en salles. Le système de quotas obligeant les salles à diffuser des films coréens 106 à 146 jours par an était alors la seule protection contre l’invasion hollywoodienne. 

En 1992, Marriage Story, premier film de KIM Ui-seok fut néanmoins un gros succès populaire et d’estime. Non seulement le film inaugura un nouveau genre cinématograhique populaire (la comédie érotico-guerrière) mais il fut le début d’une nouvelle ère du cinéma coréen. Avec ce film, Samsung, un des cinq plus grands conglomérats du pays, devient la première chaebol à intégrer l’industrie cinématographique. Avec le temps, ces conglomérats allaient bouleverser l’industrie locale, y introduisant une concentration verticale: financement, production, diffusion en salles, distribution et sortie vidéo étaient contrôlés par une même entreprise. Même si beaucoup de chaebols (dont Samsung) retirèrent leurs billes du monde du cinéma après la Crise Asiatique de 1997, des conglomérats majeurs tels que CJ, le Groupe Orion (Showbox) et Lotte font toujours partie des acteurs les plus puissants de l’industrie du cinéma coréen. 

Des cinéastes ayant débuté dans les années 80 ont continué à produire des œuvres dignes d’intérêt dans les années 90. Parmi eux, JANG Sun-woo, qui avait réalisé en 1986 son premier film Seoul Jesus, s’illustra par une série de films provocateurs et controversés tels que Le Chemin de l’Hippodrome (1993), description très noire de la liaison de deux intellectuels, et A Petal (1996) qui examine les conséquences durables du Massacre de Kwangju de 1980.

1996-aujourd'hui

En 1996, une nouvelle génération de cinéastes commence à se faire un nom. Le maître du cinéma d’auteur HONG Sang-soo débute avec Le Jour où le cochon est tombé dans le puits (1996) qui croise en un seul récit les destins de 4 personnages. Dans ce film très récompensé et ses suivants, HONG dépeindra la cruauté et la vilennie des relations humaines. C’est en 1996 que débute également le controversé KIM Ki-duk, célèbre pour son style de cinéma aussi rentre-dedans que visuellement percutant contruit de manière autodidacte ainsi que pour sa tendance à touner très vite pour des budgets réduits. Contrairement à d’autres cinéastes coréens de premier plan, des films de KIM tels que L’Ile (2000) ont été d’abord reconnus hors des frontières nationales avant de l’être par la critique locale. En 1997, LEE Chang-dong débute aussi avec Green Fish. Anciennement romancier, LEE dérochera le Prix de la Mise en Scène à Venise pour Oasis (2002) et sera Ministre de la Culture et du Tourisme de 2003 à 2004. 

Au même moment, un groupe de jeunes cinéastes aux visées plus commerciales débutaient. En 1997, The Contact de CHANG Yoon-hyun marqua une résurgence de la popularité au Box Office du cinéma naional aboutissant au succès exceptionnel du film de KANG Je-gyu Shiri (1999). Depuis, la Corée est entrée dans une période de boom représentant l’un des plus brusques et remarquables évènements de l’histoire récente du cinéma mondial. Le public coréen se précipite pour voir son cinéma au point qu’en 2001 les 60-70 films coréens tournés chaque année firent bien plus d’entrées que le films étrangers et hollywoodiens sortis cette année-là.  Au niveau mondial, la diffusion festivalière et les ventes à l’export augmentèrent à une vitesse fulgurante et de nombreux cinéastes se sont faits un nom.  

On pourrait cependant rétorquer que le boom actuel du cinéma coréen est moins un extraordinaire concours de circonstances que le cas d’une industrie atteignant enfin son état naturel. Depuis se débuts, le cinéma coréen a été étouffé par la colonisation japonaise, une nation coupée en deux, la guerre civile, des régimes militaires autoritaires, une censure strice et des lois sur le cinéma très restrictives et contraignantes. Le cinéma n’a bénéficié d’un soutien gouvernemental, d’un environnement économique stable et d’une politique culturelle attentive que dans les années 90. Même si le boom commercial actuel n’est pas forcément éternel, on peut espérer que le cinéma coréen ne retrouvera pas une période aussi perturbée que le XXème siècle l’a été pour lui.

 

Texte publié à l'origine sur le site Koreanfilm.org

date
  • February 2008
credits
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