Si les grandes figures de la Nouvelle vague japonaise (Imamura, Shindo, Oshima, Shinoda) firent leur révolution cinématographique à l'intérieur des studios, Teshigahara offrit au cinéma indépendant japonais de belles réussites mêlant surréalisme et commentaire social.
Fils de Teshigahara Sofu qui fut le fondateur de l'école d'art floral d'Ikebana, Teshigahara Hiroshi naît à Tokyo le 28 janvier 1927. En 1950, il est diplômé de peinture à l'huile de l'Université de Musique et d'Histoire de l'Art de Tokyo. A l'instar d'un Oshima Nagisa, il commence par être critique de cinéma avant de réaliser des courts métrages documentaires remarqués(Hokusai, José Torres). A partir de 1958, il commence à prendre part aux activités artistiques d'avant-garde et offre en 1961 un premier long métrage de fiction beau et étrange, Le Traquenard qui marque le début de sa collaboration avec Abe Kobo. Mais c'est leur seconde collaboration, la Femme des Sables (1964), produit hors des studios pour un budget de 100000$, qui le fait remarquer en Occident, gagnant notamment le Prix du Jury au Festival de Cannes. La même année, il tourne un sketche de la coproduction franco-italienne La Fleur de l'Age. En 1966, il renoue avec Abe Kobo sur Le Visage d'un Autre où Nakadai Tatsuya est saisissant, revient en 1967 au documentaire avec Bakuso avant d'adapter en 1968 Le Plan Déchiqueté d'Abe Kobo avec Katsu Shintaro dans le rôle du privé. En 1972, il adapte un script de John Nathan sur l'Occupation japonaise vue par les marginaux pour offrir le superbe Soldats d'été. En 1980, il succède à son père comme directeur de l'Ecole d'Art Floral d'Ikebana et tourne en 1984 un documentaire sur Antoni Gaudi. Avec Rikyu (1989) et Goh-hime (1992), il revient à la fiction et son cinéma semble prendre un virage néoclassique. Il meurt de leucémie à Tokyo le 14 avril 2001.
sources: imdb, 3 continents, Geocities
Si son passé de documentariste a beaucoup influencé sa façon de filmer, comment parler de des films de Teshigahara sans évoquer sa collaboration avec Takemitsu Toru? Car les scores du compositeur sont pour beaucoup dans la force surréaliste et hypnotique des films de Teshigahara. La collaboration Teshigahara/Abe Kobo/Takemitsu est un cas peut-être unique dans l'histoire du cinéma de collaboration de trois artistes d'avant-garde venant d'horizons différents.
A l'instar des romans d'Abe Kobo qu'ils adaptent souvent, les films de Teshigahara mêlent fantastique, absurde et critique sociale. Les thèmes de l'identité, du double et de la manipulation sont au centre de son cinéma de même que la notion d'évaporation (disparition sans laisser de traces). Teshigahara s'est également intéréssé à la situation des déserteurs qu'ils soient japonais (le Traquenard) ou américains (Soldats d'Eté). Son regard sur la prostitution sous l'occupation américaine dans Soldats d'Eté fait écho à celui d'Imamura à la même époque dans Histoire du Japon racontée par une hôtesse de bar.
Ordell Robbie