Asoka HANDAGAMA

Portrait

Asoka Handagama est né en décembre 1962 au sud de Sri Lanka. Il étudie les mathématiques à l’Université de Kelaniya (région de Colombo) dont il est diplômé en 1986. Après une courte expérience dans l’enseignement des mathématiques dans cette même université, il est embauché comme statisticien à la Banque Centrale de Sri Lanka. Quelques années plus tard, son employeur l’envoie suivre des études d’économie pendant deux ans en Grande Bretagne. Après avoir obtenu un "Master of Science" en économie du développement à l’Université de Warwick, il retourne à Colombo en 1995 et occupe aujourd’hui encore un poste de directeur adjoint en charge de l’information et de la communication à la Banque Centrale de Sri Lanka.

Les débuts d’un artiste autodidacte et engagé

Asoka Handagama le reconnaît volontiers : s’il a choisi une formation scientifique, c’est surtout pour le temps libre que ses études (et ses professeurs) lui accordaient : étudiant doué, il ne participe guère aux cours, ne travaille que pour préparer les examens, et obtient néanmoins d’excellents résultats. Dès son entrée à l’université (en 1982), il se consacre essentiellement à des activités artistiques : à l’image de son grand père paternel, instituteur et agriculteur, il écrit et monte des pièces de théâtre, participe à des conférences et réunions de jeunes artistes. Il se signale également par son engagement politique, ses prises de position en faveur de la paix tout au long du conflit qui secoue Sri Lanka à partir du début des années 80. Il est l’auteur de nombreux articles de politique économique, ainsi que de courtes nouvelles mais aussi d’études en anthropologie, domaine qui le passionne.

Asoka Handagama est venu au cinéma par l’intermédiaire du théâtre et de la télévision. Ses deux premières pièces qu’il met lui-même en scène, "Bhoomika" (1985), et "Thunder" (1987) traitent la question des conflits ethniques à Sri Lanka : le succès critique est immédiat, les qualités de l’écriture et de la mise en scène sont récompensées par des prix. En 1989, il écrit et met en scène une troisième pièce, intitulée "Magatha", ce qui signifie en pali : « Ne tuez pas ! ». Ce titre fait référence au règne du roi Elara, souverain juste et respectueux de la loi ancestrale interdisant de « tuer les bœufs » des paysans. A la fin des années 80, Sri Lanka est transformé en champ de bataille, la pièce aborde le conflit de manière frontale, alors que la jeunesse sri lankaise s’interroge sur le pouvoir suprême de l’Etat, comme garant de la citoyenneté de chacun mais aussi comme oppresseur. La pièce transpose le thème historique au contexte politique de l’époque et soulève la controverse en mettant en cause le système judiciaire du pays. "Magatha" est joué partout à Sri Lanka, tant dans les théâtres que dans des ateliers, des usines et dans les campagnes. En dépit des polémiques qu’elle suscite, la pièce remporte le prix de l’écriture et de la meilleure mise en scène au Festival National d’Art Dramatique la même année.

L’originalité du style et des thèmes traités par Asoka Handagama s’exprime également dans ses réalisations pour la télévision. "Dunhidda Addara" ("Au bord des chutes de Dunhidda"), son premier feuilleton, remporte d’ailleurs de nombreux prix, dont celui du meilleur scénario et de la meilleure mise en scène, en 1994. Ses réalisations suivantes, "Diyaketa Pahana" tout comme "Synthetic Sihina", rompent délibérément avec les codes du téléfilm, en tentant d’aborder les problèmes politiques de Sri Lanka par une approche que l’on pourrait qualifier de « post-moderniste ».

L’affirmation d’un style et le refus des compromis : "Moon Lady" et "Moon Hunt"

C’est cette approche que Asoka Handagama va radicaliser dans sa première œuvre pour le cinéma, "Chanda Kinnarie" ("Moon Lady"), qu’il tourne en 1992. Remarqué pour l’hyperréalisme de son style, le film accumule les prix de la critique en 1994, puis du Festival National du Cinéma en 1998 (meilleur film, meilleur metteur en scène, meilleur scénario), mais reste inédit à ce jour hors de Sri Lanka. Sa formation de mathématicien et d’économiste va désormais jouer un rôle déterminant dans l’évolution des thèmes que Asoka Handagama aborde, mais aussi des techniques qu’il utilise et de ses choix stylistiques. Conscient de sa responsabilité d’artiste, témoin des conflits sociaux et culturels qui bouleversent son pays, le cinéaste va s’employer à transformer les multiples contraintes économiques et techniques du quotidien en autant de ressources pour explorer de nouvelles voies dans le langage cinématographique.

Le refus des compromis lui vaut de nombreuses difficultés dans la poursuite de sa carrière et, parfois, l’incompréhension. Ainsi, lorsqu’il fait appel, pour son second film "Moon Hunt" (1996), à Akira Takada, collaborateur de Akira Kurosawa, certains de ses pairs le critiquent vivement pour son choix d’un directeur photo venant de l’étranger. Asoka Handagama persiste, convaincu que l’expertise de Takada est indispensable à l’atmosphère nocturne du film. Le succès de "Moon Hunt" rend justice à sa persévérance : le film remporte 6 prix de la critique au Festival du cinéma Sri Lankais en 2000 (meilleur film, mise en scène, scénario, interprétation masculine, interprétation féminine, photo).

Les premiers pas vers la reconnaissance internationale : "This is my Moon"

Enfin 2001 est l’année de "This is my Moon" ("Me Mage Sandai"), film dans lequel l’intégrité du cinéaste et la plénitude de son style s’expriment librement dans l’évocation douloureuse du conflit ethnique qui continue à ravager le pays. Usant du canevas d’un mélodrame, le film décrit l’étrange histoire d’amour entre une jeune femme tamoule et le soldat gouvernemental qui l’a violée alors qu’elle tentait de fuir les combats. Le couple doit affronter l’hostilité et la jalousie des villageois.

Faute de producteur, Asoka Handagama et sa collaboratrice Iranthi Abeysinghe créent une petite structure, Be-Positive, qui leur permet de financer la production de "This is my Moon", tourné en 18 jours au Nord de Sri Lanka. Mais ne pouvant payer le tirage que de deux copies 35 MM, le cinéaste et sa productrice doivent renoncer à une distribution commerciale, et parcourent Sri Lanka pendant plusieurs mois, louant des salles pour y projeter le film et débattre avec le public. Le portrait d’un moine bouddhiste concupiscent et le choix d’un héros négatif, le soldat déserteur, suscitent une violente polémique qui se poursuit pendant plus d’un an dans la presse sri lankaise. Après quelques contacts infructueux, le film est pour la première fois présenté à l’étranger au Festival du Film de Londres, en novembre 2000, dans la section « Cinéma expérimental ». La presse, notamment la BBC, s’en fait immédiatement l’écho, et l’unique copie sous-titrée en anglais va alors circuler pendant plus d’un an dans une trentaine de festivals internationaux. Il y multiplie les prix (à Singapour, Jeonju, Delhi, Houston, Bangkok), avant d’être présenté en France au Festival d’Automne à Paris (en octobre 2001), ainsi qu’au Festival d’Amiens et au Festival des 3 Continents de Nantes. Les premières réactions de la presse française sont très élogieuses : "This is my Moon est une splendeur, aux accents imprévisibles et envoûtants. Rares sont les découvertes de cette ampleur" (Charles Tesson, Les Cahiers du Cinéma, juillet-août 2001). "Un sens de l’ellipse et de l’espace off remarquable" (Michel Ciment, Positif, novembre 2001). "Un cinéaste inspiré par Sergio Leone et les stylistes du muet" (Jean-Michel Frodon, Le Monde, novembre 2001). Les droits du film sont acquis par Héliotrope Films, qui le sort à Paris et en province sur 6 copies, le 24 octobre 2002, consacrant "This is my Moon" comme le premier film sri lankais ayant fait l’objet d’une distribution commerciale en France .

Controverses et censure : "Flying with one Wing"

Entre-temps, Asoka Handagama se lance dans la réalisation de son quatrième long métrage, "Flying with one Wing" ("Tani Tatuwen Piyabanna"), inspiré d’un fait divers qui avait défrayé la chronique à Sri Lanka à la fin des années 90, le cas d’une femme vivant et travaillant sous l’apparence d’un homme afin d’échapper aux servitudes sociales. Avec ce film, Asoka Handagama aborde de manière encore plus frontale des thématiques sociales, en empruntant les canons du cinéma populaire consommé par le milieu social qu’il décrit, et au risque de dérouter le public occidental par l’apparente naïveté de la démonstration et la rugosité du style. Toutefois, ce n’est pas le fait divers qui intéresse le cinéaste (lors de la préparation du film, celui-ci n’a d’ailleurs pas cherché à rencontrer les protagonistes de l’histoire, à l’exception du médecin), mais le choc ressenti à la lecture des comptes-rendus à sensation parus dans la presse sri lankaise. Le film est pour le cinéaste la « conceptualisation » d’une émotion face à l’hypocrisie et à la violence sociale dont a été victime cette femme, émotion qu’il choisit d’exprimer en se focalisant, par le biais de la désynchronisation des dialogues et de l’image, sur les réactions plus que sur les actions des personnages.

Produit et tourné dans les mêmes conditions que pour "This is my Moon" (autofinancement local, tournage en 17 jours à raison d’une trentaine de scènes chaque jour faisant généralement l’objet d’une prise unique, postsynchronisation et mixage en moins d’une semaine), "Flying with one Wing" bénéficie néanmoins de l’expérience précédente : cette fois-ci en effet, un distributeur local, Sanhinda Films, participe au financement aux côtés de Be-Positive.

Présenté en première mondiale lors de la 50e édition du Festival de Saint Sébastien en septembre 2002, le film a été sélectionné par plus d’une cinquantaine de festivals internationaux et est notamment primé à Saint Sébastien, Singapour, Turin, Tokyo.

Entre-temps, le 24 juin 2002, une avant-première de "Flying with one Wing" a lieu à Colombo devant plus de 500 invités. Le film reçoit immédiatement de très nombreux soutiens. Quelques jours plus tard, la production est informée que la commission de censure exige la coupure de 7 scènes du film, ce à quoi Asoka Handagama s’oppose catégoriquement. A l’automne 2002, au terme d’ultimes négociations relayées par la presse et les festivals internationaux dans lesquels le film est sélectionné, il obtient finalement gain de cause : "Flying with one Wing" sort à Colombo et dans quelques autres villes de Sri Lanka, sans aucune coupure, le 26 février 2003. Il reste à l’affiche pendant plusieurs mois, non sans déclencher de très violentes polémiques et attaques personnelles contre le cinéaste. "L’immoralité" du film – et du cinéaste – dénoncée par certains touche moins au thème de l’homosexualité qu’à l’hypocrisie et la violence sociales qui se trouvent ainsi démasquées. L’image – forte – d’une femme conquérant sa liberté en adoptant le comportement d’un homme, suscite la controverse, mais le cinéaste se voit surtout reprocher d’exploiter sa propre femme en l’exhibant nue dans la scène finale.

"Flying with one Wing" sort en France le 4 février 2004 dans une petite combinaison de 3 salles (Paris, région parisienne et province), et bénéficie, outre le partenariat de France Culture, d’une excellente couverture presse (Le Monde, Libération, Les Cahiers du Cinéma, Positif, Télérama…) qui confirme la reconnaissance du talent du cinéaste et le franchissement d’une nouvelle étape, plus ambitieuse en termes de moyens, dans la poursuite de sa carrière. Loin d’attendre les records du box office local (plus de 450 000 spectateurs à Sri Lanka !), l’exploitation du film en France remporte néanmoins un succès d’estime. Le film sera diffusé sur Channel 4 (Grande Bretagne) à partir d’août 2005.

Depuis, Asoka Handagama a renoué avec la télévision, en réalisant un feuilleton en 13 épisodes, d’une durée de 5h30, diffusé en 2004 à Sri Lanka, où il a été très suivi. Empruntant à la fois au documentaire et au téléfilm dramatique dont est friand le public sri lankais, "Take this Road" exprime, à travers le destin croisé de trois familles originaires de la région de Jaffna (Nord de Sri Lanka) le douloureux retour à la paix et aux promesses de réconciliation entre les trois communautés déchirées par la guerre (Cinghalais, Tamouls et Musulmans). Le cinéaste s’est ensuite totalement investi dans la production de son cinquième long métrage : "La traversée du rêve" ("A Letter of Fire"). Cette coproduction entre Sri Lanka (Be-Positive, Sanhinda Films) et la France (Héliotrope Films) bénéficie du soutien du Fonds Sud. Le tournage s’est déroulé à Colombo du 27 novembre au 26 décembre 2004 : il a pris fin le matin même où le tsunami ravageait les régions côtières du sud et de l’est de Sri Lanka. La post-production du film a été réalisée pour l’essentiel à Paris, de février à juin 2005. Depuis juillet 2005, à la demande de la télévision sri lankaise, Asoka Handagama prépare une deuxième série télévisée qui fait suite à "Take this Road" et témoignera de "l’après-tsunami".

Source : HELIOTROPE FILMS

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