Marc G. | 4 | Sombre et désabusé |
Xavier Chanoine | 3.75 | Un film anarchiste. |
Ordell Robbie | 3.5 | pas le meilleur Fukasaku mais un polar qui fit date |
Ghost Dog | 3.5 | Ma petite entreprise |
Okita est un bagarreur à la recherche de toute forme de violence existante. Il écume les quartiers les plus malfamés à la recherche de petites frappes sur qui cogner, parcourt en long, en large et en travers les boites louches histoire de prendre du bon temps avec des prostituées, bref, un quotidien somme toute banal pour une crapule yakuza. Cet appétit de perversité va l'amener à se tourner lui-même contre sa hiérarchie histoire de varier les sensations.
Fukasaku dresse alors le portrait d'Okita, caïd né le 15 août 1945 (tiens tiens...), fils d'une mère prostituée et d'un père qu'il n'a pas connu. Tout ceci est évoqué dans l'introduction typique du réalisateur, à savoir riche en pancartes colorées, sortes d'images d'archives fixes accompagnées par l'une des meilleurs musiques jamais utilisées pour le genre, sous la voix off d'Okita évoquant son passé et ses pulsions meurtrières. Une intro brute qui annonce clairement la couleur, plutôt étonnant chez le cinéaste dans la mesure où les premières dix minutes sont absolument excellentes, dans la grande lignée de La jeunesse de la bête de Suzuki réalisé presque 10 ans plus tôt. On retrouve ce goût prononcé pour l'accumulation de scènes variées, violentes et non dénuées d'érotisme, dans une esthétique pop underground chère au cinéaste, sans cesse accompagnée d'une musique jazzy évoquant les grandes heures de Suzuki. Si je fais le rapprochement entre Suzuki et Fukasaku, c'est qu'on y trouve clairement des points communs entre les deux réalisateurs.
Le métrage est plutôt violent, les yakuza réagissent au quart de tour, prêts à tout pour entamer une bagarre et prouver leur attachement au clan. Une nouvelle fois, des hommes réduis à l'état de larbin, entièrement manipulés par leur supérieur. Mais là où le film de Fukasaku va plutôt loin c'est dans cette histoire parallèle que mène Okita et la prostituée, véritable mélange d'amour et de haine au sort final désenchanté et cruel. On se plait vraiment à suivre leur "je t'aime moi non plus" proche du masochisme pur, tout comme cette histoire de traîtrise entre yakuza, chose finalement guère nouvelle. Okita le pourfendeur est donc un métrage habile, puissamment armé (excellent casting) et réalisé avec un panache des grandes heures. La caméra, comme il est de coutume chez le cinéaste, virevolte dans tous les sens, usant et abusant de cadrages biscornus trouvés je ne sais où.
Au final Okita est un très bon yakuza eiga, dans la plus pure tradition des films du genre signés Fukasaku, une marque de fabrique que l'on retrouvera souvent, mélange de critique sociale virulente et d'extrême violence accompagnées d'un orchestre génial suivant les moindres gestes des protagonistes.
Esthétique : 3.5/5 - Il y a du style et un gros panache. En revanche, j'ai toujours un peu de mal avec la photo. Musique : 4.25/5 - Absolument excellente, harmonica, guitare sèche...que c'est bon! Interprétation : 3.75/5 - Des hommes et femmes enragés. Vraiment enragés. Scénario : 4/5 - Belle descente aux enfers avec des allures de tragédie grecque. La classe.
Yota le pourfendeur ne fait pas partie des réussites majeures de Fukasaku mais il reste malgré tout un excellent polar original par certains de ses aspects. Le film s'ouvre de façon virtuose: le héros du film nous apprend par sa voix off qu'il est né un 15 aout 1945 (date symbolique) et que sa défunte mère était une prostituée. Il y raconte en accéléré ses années de voyou et de prison. On le voit ensuite en ressortir et ayant perdu tout repère, contemplant avec malice l'occidentalisation du Japon (matérialisée ici par les enseignes anglo-saxonnes et l'explosion de la mode hippie).
Le problème est que la suite bascule dans un cinéma de genre plus ordinaire: les grands thèmes de Fukasaku n'y sont qu'esquissés. Si l'introduction faisait un lien évident entre la sauvagerie du héros et la période trouble de sa naissance, l'utiisation de la fin des codes d'honneur yakuzas comme métaphore de la réalité du miracle économique japonais est peu développée, le récit ne se passant qu'à l'intérieur des gangs et n'ayant pas les bifurcations politico-économiques des autres Fukasaku. Malgré tout, l'attirail visuel habituel de Fukasaku et le charisme d'un Sugawara Bunta qui utlise bien son physique minéral pour faire ressentir au spectateur sa rage et ses frustrations. Les acteurs font notamment beaucoup pour donner corps aux sentiments intenses des protagonistes et compensent ainsi l'aspect limité du scénario. Et on remarque quelques originalités par rapport aux autres Fukasaku: le personnage féminin qui devient le soutien du héros des années après qu'il l'ait violée est amené de façon plus habile que dans Tombe de yakuza et fleur de gardénia, le final tragique fait un usage wooien avant l'heure du ralenti.
3 ans plus tard, Fukasaku réutilisera la plupart des ingrédients du film dans le Cimetière de la morale qui les approfondira mais Yota le pourfendeur reste néanmoins recommandé à tout amateur de petit polar inventif. Qui plus est, le film fit en son temps souffler un vent de renouveau sur le yakuza eiga à une époque de déclin du ninkyo et c'est un des premiers grands rôles de Sugawara Bunta. Ce qui en fait un classique du genre ensuite surpassé par le cinéaste.
Okita est un type ambitieux, un entrepreneur, mais qui navigue à vue et se contente de saisir les opportunités au gré du courant. Après une introduction virtuose où Fukasaku nous présente ses origines, et après l’avoir fait passé par la case prison pour viol, il plonge ce personnage « tête brûlée » dans un Japon relativement apaisé et déjà prospère économiquement, loin du chaos d’après-guerre qui servira de décor à la série des Combat sans code d’honneur ou du Cimetière de la Morale. A sa sortie de taule, Okita le petit voyou a son avenir à peine ébauché, mais sa destinée va croiser tout d’abord la victime de son viol (qui tombera amoureuse de lui malgré cela, figure récurrente chez Fukasaku), puis un mentor qui lui propose de créer un clan afin de faire partie du « milieu ». Tel un manuel d’utilisation, on apprend alors comment se faire reconnaître et respecter chez les yakuza alors qu’on n’est qu’un amateur : on embauche quelques hommes de main, on fait des descentes dans des restos où l’on distribue quelques mandales, on provoque la bagarre, on tape dans l’œil d’un parrain grâce à son côté « chien fou » qui le rend nostalgique, et on fait alliance avec lui. Mais comme on pouvait s’y attendre, le retour de bâton, la rançon de la gloire sont aussi fulgurants dans le sens inverse…
Dans une structure narrative classique avec un personnage central dont on suit la grandeur et la décadence, Fukasaku expérimente avec succès des styles de mise en scène bien à lui (cadrages penchés, ralenti, caméra à l’épaule) donnant du rythme et du charme à ce film de genre de très bon niveau. Quant à Sugawara Bunta, il interprète parfaitement son rôle en lui donnant de l’envergure et du charisme.