60 minutes insight
La première moitié des années 1990 a été une période de vie extrêmement prolifique pour Kore-eda. En pre-production sur son premier long, Marobosi, il tourne également en même temps les documentaires "August without him" et "Without memory", qui nécessitent tous deux des longs mois de suivi des protagonistes principaux. Tous trois projets sont reliés par la fascination et curiosité du réalisateur à étudier tout ce qui concerne la "mémoire" ou plutôt le SOUVENIR chez l'humain.
Alors que "Marobosi" concerne le DEUIL du souvenir d'un être cher disparu, "August without him" s'intéressait à un homme condamné du sida, au seuil de sa propre mort et qui se repassait son passé devant les yeux en profitant pleinement du présent.
"Without Memory" est porteur d'un sujet incroyable: suite à une erreur médicale (volontaire, comme on l'apprendra plus tard, mais impossible à condamner), un homme souffre une déficience en vitamines, qui va lui détruire une partie de son cerveau. Il saura dès lors se rappeler ses trente premières années de sa vie, mais sera incapable de se souvenir des choses au-delà d'une heure (environ) de temps. Le plus terrifiant: chaque heure, il se rappelle donc de sa terrible condition, ce qui va lui causer une souffrance terrible. Au quotidien, cela va se traduire de son incapacité à se rappeler, s'il a – ou non – servi le repas à ses enfants, visité ses parents ou simplement fait des courses. Il pense ses enfants toujours au même âge / niveau que juste avant son "accident" et lorsque sa femme tombera enceinte, il va réapprendre systématiquement chaque heure l'état de grossesse de son épouse avant d'être incapable quoi que ce soit de cette période, lorsque l'enfant sera là.
Une fois de plus, Kore-eda fait preuve d'une très, très grande délicatesse dans l'approche de son sujet, exposant les choses très simplement, suivant l'homme dans son quotidien et nourrissant son documentaire de tout un tas d'informations, en attaquant même la sacro-sainte institution médicale, comme il avait déjà pu le faire dans son précédent "I wanted to be a Japanese". Un superbe documentaire, entre rires et larmes – jusque dans sa dernière partie hypra émouvante – et d'autant plus terrible, quand on sait que le port de pêche filmé a depuis été détruit dans le terrible tsunami… …