Vibrator est un film qui roule au milieu (rien de mauvais, pas de grand cinéma non plus) mais parfois, il franchit une ligne miraculeuse ou prend des routes surprenantes. Par exemple une somptueuse scène de cérémonie aux bougies, volée au bord de la route, rêvée par l’héroïne, ou une photo de magazine qui se met à parler. Dès le le début dans la supérette, Vibrator est immédiatement attachant. Ce sera un de ces films qu’on accepte avec ses défauts (c’est quoi ces flahs back hideux dans la cuisine ?), parce que il offre beaucoup de générosité. A la première vision, on trouvera que c’est un grand rôle féminin, comme le cinéma japonais en offre presque jamais, d'après un livre finement écrit. A la deuxième, on préfèrera l’option minimaliste du jeu de Nao Omori, mâle idéal qui porte son vécu avec classe. En même temps que l’héroïne, on jugera qu’il se transcende dans une scène de bain. Ces quelques secondes disent des choses tellement difficiles à montrer au cinéma : la bonté, la gentillesse sincère, la douceur, le toucher, sans que ça coule à pic, lesté par le sentimentalisme. Vibrator déborde de sentiments, mais les contient avec subtilité.
Au premier trajet on peut voir l’histoire d’une femme qui tombe amoureuse pour la première fois et en est tellement bouleversée qu’elle n’arrive pas à le gérer intérieurement. Au deuxième celle d'un homme qui s’est fait beaucoup de films dans son camion, a tout compris au sexe mais rien aux femmes. Vibrator c’est enfin le cas d’un ancien réalisateur de films érotiques (les « pinkus ») qui réutilise ses principes (les cartons au milieu des scènes de sexe, notemment) dans un autre genre codé, le « road movie ». Comme il est plus bricolo que artiste, le sympathique Hiroki loupe certaines grandes idées, comme les voix entendues par l’héroïne qui auraient demandé une vraie recherche sonore. Mais il tient tout un film à deux personnages, invente le « road movie » qui ne bouge pas, puisqu’on sort rarement de la cabine du camion, qu’il est souvent arrêté et qu’on revient au point de départ. Un détail de la générosité de Vibrator : la B.O. de titres totalement inconnus, aussi bien choisis que judicieusement utilisés. Merci au festival des Trois continents de Nantes pour avoir fait rouler ce film.
S'il méritait d'etre distingué à Deauville (mais pas pour son scénario: là c'est un peu comme donner ce type de prix à Wong Kar Wai; cela sent le prix de compromis donné pour distinguer le film faute de mieux, parce que c'était le seul moyen de le "caser" dans le palmarès), Vibrator est loin de révéler un metteur en scène hors pair en la personne d'Hiroki Ryuichi.
Cela n'empeche néanmoins pas le film d'etre une jolie réussite récente du cinéma d'auteur japonais qui emporte le morceau malgré des défauts cinématographiques pas négligeables. Tout simplement parce qu'il compense ses défauts en terme de mise en scène par un montage de bonne tenue, un dispositif de road movie sortant rarement de la cabine d'un camion donnant lieu à quelques beaux moments de cinéma, sa capacité à exprimer des émotions simples sans verser dans la banalité ou la mièvrerie et enfin ses deux acteurs principaux habités par leurs roles. Ca ne suffit pas pour faire d'Hiroki un grand cinéaste mais cela peut donner comme ici un de ces films auxquels on finit par s'attacher grace à quelques scènes qu'on oubliera pas et une de ces petites réussites qui entretiennent l'intéret qu'on peut avoir pour une cinématographie capable de révéler à intervalles réguliers des auteurs singuliers à défauts d'etre à chaque fois grands ou de toujours s'imposer sur la durée dans un contexte pas vraiment favorable. Commençons par faire l'inventaire des défauts de ce joli portrait de femme: si en multipliant les points de vue pour éviter l'ennui lors des scènes de route la mise en scène atteint bien son objectif, reste que le plus souvent elle a tendance à ne pas éviter les clichés visuels du cinéma de festival actuel, bref de finir par etre académique meme si c'est d'un académisme "tendance"; l'usage de la caméra à l'épaule est souvent assez brouillon et ne se distingue pas de n'importe quel film relevant de cette grosse arnaque cinématographique que fut le Dogma, la combinaison ralenti/travelling fait Wong Kar Wai mal digéré, lorsque la caméra se pose, on n'est pas non plus loin du cliché visuel de festival parce qu'il y a trop souvent peu de détails révélateurs à dénicher dans le cadre (contrairement à Hong Sang Soo par exemple).
Hiroki est par contre bien plus convaincant lorsqu'il réutilise dans un contexte de road movie son passé de réalisateur de roman porno en entrecoupant le film d'écriteaux reflétant les pensées de son héroine ou en la cadrant de très près pour créer une sensation d'intimité avec son personnage. Le hic, c'est que cette belle idée des écriteaux a tendance à faire double emploi avec la voix off et que la manie du cinéaste de souvent couper le son lorsqu'un écriteau apparait vire au tic de mise en scène agaçant. A vouloir surprendre à coup d'idées bricolées pour apporter de la variété à la narration du film (les flash backs ratés ou la photo de magazine parlante par exemple), le film ne convainc donc pas toujours meme si sa spontanéité pousse à l'indulgence. Et s'il n'évite pas toujours la cliché visuel de festival Hiroki évite en revanche le gros cliché thématique de "la solitude amoureuse et l'incommunicabilité dans le monde moderne industrialisé" qui a tendance à polluer le cinéma d'auteur depuis des décennies par la faute des disciples prétentieux d'Antonioni: les observations sur le quotidien d'un Japon en crise se révèlent de la façon la plus naturelle au détour d'un dialogue sans jamais sombrer dans le démonstratif et les personnages ne sont pas là pour incarner une vision d'ensemble des rapports entre les sexes dans le Japon contemporain, juste pour faire partager au spectateur des choses plus simples mais aussi plus intemporelles comme la magie du hasard d'une rencontre, le plaisir de découvrir quelqu'un qui ouvre des horizons parce qu'il vient d'horizons différents, la joie de ressentir que l'autre est attentionné... Projet modeste en apparence mais touchant parce que bien retranscrire au cinéma les émotions les plus simples est parfois aussi difficile que d'avoir les moyens d'une ambition cinématographique mégalomane. En témoigne la scène du bain, un des plus beaux moments de cinéma vu cette année du coté de l'Extreme Orient et où le projet du film trouve son plein accomplissement.
Pour ce genre de moments de cinéma, pour son regard tendre sur ses personnages, on a envie de remercier Hiroki. Et on se dit que le pitch Boy meets Girl n'a pas fini d'etre cinématographiquement fécond au Japon comme ailleurs...
Voilà comment on pourrait résumer Vibrator, il n'en faut pas plus pour faire un bon film. On a l'impression que le rôle de femme seule boulimique/anorexique/alcoolique a été écrit pour Shinobu Terajima, elle ne joue pas, elle vit son personnage. On pourrait en dire autant de son partenaire à l'écran Nao Omori qui au fil des minutes devient presque aussi attachant qu'elle (j'ai bien dit presque ^__^). A noter l'apparition éclair de l'actrice principale de Musumedojoji, le réalisateur HIROKI Ryuichi ne s'est pas trompé lors de la distribution des rôles et a su déceler le talent où il était, c'est à dire chez Shinobu Terajima et non chez Riho Makise.
La réalisation minimaliste est parfaite pour ce genre de récit ; les encarts où l'on voit les pensées de la jeune femme ou encore lorsqu'on entend sa voix intérieure sont bien sentis, l'utilisation de ces deux procédés est harmonieuse. L'encart nous permet de stopper l'action en cours afin de nous imprégner de ses songes, et le fait qu'on entende sa voix intérieure évite justement de trop morceler le récit dès le début. L'alternement des 2 est judicieux.
Une fois la projection terminée le film reste en nous, il nous hante : on a qu'une seule envie c'est de revoir les plus belles scènes comme la première relation sexuelle entre nos deux protagonistes où Shinobu Terajima pense "je t'Aime" plusieurs fois puis "Aime moi" de la même manière alors qu'elle s'apprête à coucher avec un inconnu, toute cette tristesse et cette solitude sont réellement touchantes ; ou encore cette séquence où elle prend un bain avec Nao Omori et qu'elle s'effondre en larmes... Non, franchement, Vibrator est un film précieux.
Pour son 11ème long métrage, Hiroki a choisi le road movie comme support à une rencontre amoureuse entre un routier solitaire et une jeune femme un peu perturbée. Genre visité à de multiples reprises de par la planète, on s’attendait donc à un peu d’inventivité du côté du scénario ou des personnages. Première surprise, il n’y a en tout et pour tout que 2 personnages se suffisant à eux-mêmes et évitant au maximum les rencontres fréquentes que l’on fait quand on taille la route. Deuxième surprise, le couple est d’un ordinaire stupéfiant, ce qui engendre des dialogues très plats lors de leur phase de connaissance mutuelle, avant de devenir banals (cf. l’épisode de la CB), puis inexistants car n’ayant plus rien à se dire.
Troisième surprise et non des moindres, c’est le non-développement de la fragilité intérieure de la jeune fille par le biais des voix intérieures, qui aurait pourtant pu donner des scènes captivantes et un véritable objet au film : dans le magasin, ces voix censées la perturber restent pourtant douces, ni agressives ni entêtantes, à tel point que l’on se demande s’il ne s’agit pas tout simplement de ses pensées propres. Par la suite, dès qu’elle monte dans le camion, ces voix se taisent pour laisser la place à des panneaux noirs frisant bien souvent le ridicule (« aime-moi, aime-moi, aime-moi », « adieu mes lentilles de contact », …). Le fait de voir cette idée intéressante si peu exploitée à de quoi frustrer.
Les 2 acteurs sont convaincants, mais ne parviennent jamais à relever la fadeur de l’ensemble, et surtout ce sentiment d’inachevé qui lui colle à la peau. En clair, Vibrator est tout sauf vibrant. Le récompenser à Deauville du prix du meilleur scénario ? Allons M. Assayas, ce n’est pas sérieux,...