Succédant au déjanté Tokyo Gore Police, Vampire Girl vs. Frankenstein Girl et son titre inénarrable revient mettre le boxon du côté de l’archipel nippon pour déposer ses joyeux lurons sur la tour de Tokyo et y déverser là encore quelques hectolitres de sang. Si l’exploitation de Tokyo Gore Police dans divers festivals du monde semblait logique au vu de son caractère sidérant, elle semble en tout cas moins légitime avec ce film-ci, comme si Nishimura Yoshihiro et son acolyte Tomomatsu Naoyuki (Stacy, 2001) avaient décidés d’être paresseux et en manque d’inspiration, aussi dingue que cela puisse paraître au vu de leurs récents travaux respectifs. Car autant être franco d’entrée de jeu, ce Vs. ne respecte que peu de promesses. Situant son action dans un lycée dominé par la gente féminine et leurs associations débiles, comme ce groupe adepte des entailles de veines (une obsession chez Nishimura) ou un autre revendiquant leur appartenance culturelle et raciale à l’Afrique (les ganguro, occasionnant des caricatures limites), il est question de l’arrivée de Monami, une vampire amoureuse du beau Mizushima, ce qui ne manquera pas d’occasionner la jalousie de Keiko, qui le considère comme son petit ami. Pendant ce temps là, un professeur de chimie et son assistante pratiquent d’étranges expériences dans les sous-sols, en attendant de trouver le corps parfait pour réaliser une prouesse scientifique : avec le sang de Monami, les deux pourront redonner vie au moindre macchabé. Et quel meilleur cobaye que Keiko, la fille du professeur de chimie ?
Malheureusement si sur le papier le film laisse à penser un duel à la hauteur du titre, il n’en est rien, la faute à une incroyable dispersion d’ensemble : personnages, situations, gags et fils narratifs sont à côté de la plaque. Les réalisateurs préfèrent orienter les ¾ du film autour de la relation Monami/Mizushima, sorte de bluette kawai qui ne creuse jamais les personnages et des à-côtés introduisant des personnages sans grand intérêt si ce n’est de jouer la carte du clin d’œil (Igor, l’esclave bossu de Monami) ou la blague potache (le professeur de chinois et les gaz pollueurs) alors que le spectateur, lui, attend ce fameux duel explosif qu’il ne verra pas de si tôt. Les réalisateurs préfèrent faire durer le suspense en orientant le dernier quart d’heure autour de la confrontation des deux icones du fantastique littéraire, et à part une ou deux idées sorties de la planète Mars, comme l’utilisation de bras pour en faire des hélices et un lieu potentiellement fort (la tour de Tokyo), les excès gores n’arrivent plus à nous ôter de la tête ce souhait d’en finir avec ce spectacle bien désolant. Et si Tokyo Gore Police paraissait trop long parce qu’il n’avait pas réellement de fil narratif, ce Vs. l’est tout autant malgré sa demi-heure en moins. Les hurlements, pitreries et personnages caricaturaux à l’extrême, dans un pur souci de gratuité pour la gratuité, finissent par lasser à partir du moment où l’on a compris la relative supercherie du projet. Les mecs, on vous attend au tournant.
Autant, ça reste fun à découvrir pour profiter de l'énergie et du gore "fais-moi un hélicoptère avec des jambes", "des nibards avec des doigts", "combat le Sumo de l'enfer" et autres "championnat de tailladage des poignées", bref toute l'hystérie geyserophile habituelle des effets spéciaux de Nishimura toujours bien vivace, folle et gourmande ; Autant pour qui a déjà vu Meatball Machine, Tokyo Gore Police et autre Machine Girl, ce dernier étant le plus proche niveau ambiance nawak et rigolote, tout ce qui n'est pas action gore est ici d'un m'en-foutisme record clairement pénible qui finit par lasser, le comble vu le niveau de folie de la chose.
Le Tom Savini nippon et ses amis enchaînent les titres avec insouciance seulement là, "trop d'effets finit par tuer l'effet". Cette fois-ci, il n'y a vraiment plus rien ou si peu autour du gore, ni ambiance, ni mise en scène, ni acteurs, ni scénario, tout juste quelques relents de Twilight qui nous ramèneraient presque à l'infâme Azumi. Et ce n'est pas les clichés pop culturels caricaturés à la truelle qui relèvent le niveau, bien au contraire. Mention spéciale néant ultime aux passages musicaux.
Voilà mon premier Nishimura ! Peut-être aussi le dernier, faut avouer.
Ce film au titre concept est clairement un défouloir irresponsable qui m’a dans un premier temps mis à ce point mal à l’aise avec son club de gonzesses qui se taillent les veines - bravo ! - que pour éviter le rejet immédiat, afin de mieux me désinhiber et faire fi de toute forme de principe, j’ai pris mon élan et me suis jeté dans la chose sans filets. L’espace du film, tout du moins. Je suis peut-être trop vieux pour ces conneries (usuel saxo), sûrement même parce qu’à partir du moment où un effort est nécessaire, tout est dit.
Ma cinéphilie sans doute sélective a tenté l’arbre de généalogie inspiratrice. Elle a d’elle-même placé la Frankenhooker de l’américain Frank Henenlotter dans la case « maman », Christopher Lee dans l'un de ses (nombreux) nanars vampiresques reniés dans l’alcôve « papa », le dessin animé Le Collège fou fou fou à l’espace dédié au « tonton » et notre bon vieux copain Uwe Boll à droite de Nishimura, dans la case « grand frère maître ès-bêtises ». De préférence irresponsables les bêtises, avec un petit frère japonais qui s’essaye joyeusement à la surenchère provoc' parce qu’en plus d’être complètement stupide le scénario de VG vs FG use de blagues racistes franchement de mauvais goût ! Les noirs et les chinois en prennent honteusement pour leur grade. Mais, comme je l’ai dit précédemment, je me suis immergé dans le truc. Alors j’ai ri. Grassement, oui. Bêtement, oui. Mais j’ai ri.
A côté de toutes ces tares, qui n’en sont pas si tant est qu’on vienne les voir en connaissance de cause, le film garde un esprit bon enfant qui fait plaisir à voir. Il fait montre d’une tonalité un peu naïve même, et sa supposée méchanceté ne l’est pas vraiment. Même si le réalisateur accuse les 44 ans, on se trouve dans un cadre « Gakuen » (école) où hordes histoires délirantes se passent dans un lycée duquel les étudiants s’enfuient via justement tous ces délires qui ont inondé et inondent encore le marché vidéo : Crows Zero, le Collège fou fou fou donc (truc de vieux, je sais, et souvent bordeline d’ailleurs !), le coréen Volcano High etc etc. Je peine à trouver des exemples plus récents en anime, j’ai globalement lâché l’affaire sur ce thème. Et, non, je connais pas du tout la "filmo" de Takao Nakano !
Je garde sous mon bras cousu la scène de la vampire qui danse devant un geyser de sang au ralenti (cool), ce bras fixé sur une tête qui se transforme en pale d’hélicoptère (ou étaient-ce des jambes ?), les ondulations lascives de l’infirmières (ultra cool), et, surtout, ce bossu, bras droit (c'est une image !) de notre vampirette qui se paye une tronche hilarante à la – RIP - Paul Préboist (méga cool). Pour toutes ces raisons, Vampire Girl vs Frankenstein Girl vaut assurément le déplacement. Pour le reste...
Nishimura Yoshihiro est – à l'instar de ses amis et confrères Iguchi Noboru et Yamaguchi Yudai – un pur héritier de la vague de productions vidéo toujours plus folles à envahir les rayons et nombreux points de location nippons de la décennie 1990; un réalisateur, qui profite de l'entière liberté artistique, qui lui est offerte pour laisser libre cours à son imagination tordue et se faire plaisir avant tout…Car à regarder les résultats vente / location de ses produits (et rares entrées, quand ses productions ont la chance de sortir sur des écrans), force est de constater, que ses films n'ont su conquérir pour l'instant que de très rares cœurs de fans avertis...
Ce qui met une nouvelle fois en évidence l'énorme écart, qui existe entre la véritable nature culture nipponne et telle qu'elle est perçue par les occidentaux, car à l'étranger ce trio d'amis a réussi en une poignée de films (Machine Girl, Tokyo Gore Police, le présent Vampire Girl…, Robo Geisha et Mutants Girls Squad) à s'imposer sur un circuit festivalier et même dans un certain circuit vidéo…Les gros pontes de l'industrie cinématographique nipponne ont – eux aussi – veillé au grain en créant un label entièrement dédié ("Sushi Typhoon" par la Nikkatsu) pour tenter d'exploiter ce mince filon de grosses séries B et Z, qui tâchent pour les vendre sous couvert de "crème de la crème du cinéma japonais déviant et de l'extrême. Soit.
Qu'est-ce qui nous reste au-delà de ces pures considérations mercantiles ? Des tous petits films totalement décomplexés, tournés par une poignée de joyeux lurons qui sont totalement impliqués dans ce qu'ils font et transmettent même une partie de leur passion, mais qui gagneraient franchement à ralentir leur folle cadence de sorties pour soigner un peu plus leurs produits et qui profiteraient également à s'acoquiner à un producteur également fan du genre, mais qui réussisse quelque peu à canaliser leur folle énergie…Car à l'image des autres efforts, "trop d'effets tue l'effet", comme le prouve une nouvelle fois ce survolté "Vampire Girl…".
Ainsi la scène d'intro, très "Grindhouse" dans la typographie des caractères, met la barre tout de suite très haute dans son délire et savoir-faire point de vue maquillage et effets spécioaux. Une bande d'écolières zombis s'attaque ainsi à une mystérieuse "Vampire Girl" et son compagnon et se font totalement dépecer au cours d'une scène d'anthologie…Que tous ceux, qui auraient déjà du mal avec cette scène éteignent tout de suite leur poste, car ce n'est que le début d'un film qui accumule les situations les plus improbables à une folle cadence…mais avec une certaine usure aussi. Le sang gicle de plus en plus abondamment, les morceaux de corps finissent de plus en plus fin charcutés et les nouvelles figures faisant leur apparition sont de plus en plus débridées…Mais cette surenchère systématique finit également par lasser et ce n'est absolument pas cette intrigue flirtant très dangereusement avec le romantisme exacerbé d'un "Twilight", qui ferait que l'on accroche davantage avec les personnages ou de ce qui se passe à l'écran.
Bref, "Vampire Girl…" s'apparente à nouveau davantage à une démonstration de force de la parfaite maîtrise du maquillage et des effets spéciaux de la petite équipe de Nishimura, plutôt que comme un film complet et à part entière. On picorera bien quelques morceaux de choix par-ci, par-là, tel un vautour assis sur une carcasse fraiche, mais l'ensemble ressemble effectivement plutôt à un cadavre fumeux, qu'à un repas de fête.