En défaisant les liens qui unissent un couple et en les reconstruisant de nouveau, Husband and Wife entre dans la cour des beaux mélodrames signés Naruse Mikio, cinéaste du cœur, des malheurs et bonheurs. L’histoire ne s’embarrasse d’aucunes fioritures : Ikuko (Sugi Yoko) et son mari (Uehara Ken) vivent sans trop de soucis mais cherchent encore l’endroit parfait pour vivre. Takemura (Mikuni Rentaro), jeune veuf et collègue du mari d’Ikuko leur loue une chambre chez lui, un endroit qu’il ne veut pas quitter pour la mémoire de sa défunte femme. Peu à peu, Takemura va apporter à Ikuko ce que son mari ne peut plus lui offrir, c'est-à-dire un minimum d’amour et de considération. Tiraillé entre sa terrible douleur et son nouvel amour pour la jeune femme, Takemura ne tardera pas à être au centre des attentions, provoquant une certaine gêne au sein du couple.
Au-delà même du réalisme de sa mise-en-scène et de la beauté de sa musique accompagnant les personnages au gré de leurs émotions, ce qui fait la force de Husband and Wife et des meilleurs Naruse, c’est sa direction d’acteurs formidable de justesse et de sobriété. L’aficionado de Naruse s’étonnera de la présence d’un Mikuni Rentaro simplement parfait, comme il s’était étonné de celle de Mifune Toshiro, moins parfait ceci-dit, dans Coeur d'épouse. On comprend tout de suite pourquoi Mifune préférait la bagarre aux histoires d’amour mélancoliques. Plaisir aussi de prendre en plein visage les bulles de la pétillante Okada Mariko, la classe très professionnelle d’Uehara Ken ou encore la belle retenue de Sugi Yoko, personnage tenace qui n’hésitera pas à dire ses quatre vérités à un mari peu soucieux de son bonheur. Lentement, le cinéaste réussit à exprimer l’ambigüité des relations entre Ikuko et Takemura par de magnifiques petits détails : un regard trahissant la faiblesse de Takemura, une danse (sous forme d’ombres) avant que ne raisonne dans la rue la ferveur du Nouvel An, une proximité de plus en plus palpable entre les deux êtres. Ce Husband and Wife s’avère être au final du Naruse pur-souche, ou comment une grande direction d’acteurs et une réalisation princière suffisent à faire d’un mélodrame classique un bel objet soigné jusque dans ses moindres détails. Touchant.