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A Touch of Zen

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les avis de Cinemasie

8 critiques: 4.16/5

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40 critiques: 3.95/5



Alain 2
Anel 4
Arno Ching-wan 4.25 Plouf la tortue !
drélium 5 Le wu xia dont on fait la légende
jeffy 4.5 Magistral
MLF 3.75
Ordell Robbie 5 un arbre qui a caché la forêt du cinéma hongkongais 70's mais quel arbre!
VincentP 4.75
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Plouf la tortue !

Trop tard. J'arrive trop tard. Adepte de Tsui Hark – accointance générationnelle – je vois le père à chaque plan de ce Touch of Zen, « Sha-nu » en chintok, « La jeune fille poursuivie ». A l'époque révolutionnaire, ce film ne garde plus désormais qu'un charme suranné, majoré par Marjorie (Hsu Feng), quelques brillantes chorégraphies, une maniaquerie du détail encore décelable, une musique magnifique – j'ai encore le score litanique final en boucle dans la caboche - et une exigence narrative que l'on sent aussi douloureuse pour le réalisateur qu'elle l'est pour le spectateur. Car si A Touch of Zen est le plus intouchable de King Hu, le plus respecté, il n'est pas le plus accessible. Malgré ses auto-emprunts à son auberge du dragon à lui, sa morale n'est pas tout public, sa rythmique non plus. King Hu ne se dit pas bouddhiste mais semble chercher Dieu à travers les préceptes monastiques véhiculés par cette religion. En découle une recherche d'équilibre à la fois chez l'artiste et dans la narration, cahoteuse. Volontairement ? Par la grâce d'un Bouddha invoqué, King Hu y parvient, sans cela les enjeux s'écrouleraient. Le film fut tourné sur une longue période, les réécritures du scénario furent nombreuses aussi s'amuse-t-on à voir dans cette fuite en avant la méthode de Tsui Hark avec cette manie pour avoir 15 longueurs d'avances et une capacité décisionnaire de bifurquer n'importe quand n'importe où. A ces énervants génies de savoir retomber sur leurs pattes, même lorsque ici tout un long combat final oppose un personnage secondaire, le moine, à un vilain découvert seulement en dernière bobine (!) A une forme de frustration ludique et empathique d'accompagner le sentiment intellectuel de s'être mangé de la pensée brute en pleine poire, de celle que l'on retrouvera dans Le syndicat du crime 3 avec ces vilains qui se suivent, se ressemblent et font partie d'un magma maléfique. Toutefois, lorsqu'on pense au fils, à Tsui donc, on se rappelle sa vision propre quant à ce type de schéma mystique dans son Green Snake. Et l'on rigole ! Si Histoire de fantômes chinois et sa culture taoiste sont déjà bel et bien là à travers la formidable scène de la cithare issue de cette parade amoureuse entre les personnages incarnés par Hsu Feng (la femme plein de secrets) et Cho Kin (le lettré), on repère la scission entre nos deux sifu sur le versant de leur vision de la vie lié aux religions et aux femmes. Dans A Touch of Zen une femme quitte un homme en lui laissant un bébé pour sa descendance en guise de dédommagement ? Dans Green Snake, Tsui Hark vantera le plaisir de la chair sans honte et sans hypocrite tabou. On ne fait pas l'amour uniquement pour procréer ! Idem, surtout, pour la vie monastique, le replis sur soi dans une prière collective et déshumanisée, critiquée avec une violence anticléricale rarement vue ailleurs – même chez Ken Russel - dans la grande finale de Green Snake. Avec ce film, le réalisateur de The Lovers tuera le père en même temps qu'il affirmera la relève. Il lui concédera juste cette lumière dans la nuit cauchemardesque de son The Blade avec un moine qui s'y promènera comme un repère moral trop éphémère, puis rechargera la mule sur Detective Dee en choisissant un moine comme bad guy avant de rétro-pédaler à cause d'une censure mainland craignant un hypothétique veto des bouddhistes. Alors vous allez me dire : « c'est bien beau tout ça, mais quel est le rapport avec plouf la tortue ? » Un bref instant, on voit une petite mare avec autour quelques tortues. Elles n'avancent pas bien vite. La progression vers l'eau est longue, lente, un peu pénible. L'une d'elles finit enfin par tomber dans la mare. Plouf, la tortue ! Lorsqu'elle chute dans la flotte, la surprise, la vitesse et l'enchantement semblent décuplés. Question de rythme.



02 août 2015
par Arno Ching-wan




Le wu xia dont on fait la légende

Pour tous les asiaphiles en quête du wu xia ultime, A touch of zen semble s'approcher et même personnifier le Saint-Graal tant tout y est condensé et démontré avec la verve, l'avant-gardisme, la poésie et le talent esthétique d'un très grand maître, King Hu, véritable peintre de film.

Touch of zen débute pourtant très tranquillement, sans envolée magistrale, souci graphique forcené ou combats sous tension en guise d'entrée comme peut le faire le plus accessible come drink with me, mais c'est pour mieux nous baigner progressivement et subreptiscement dans une ambiance de plus en plus captivante et finir en apothéose mystique, véritable jouissance ultime pour tout amateur averti.

On y retrouve les thèmes chers à King Hu de la femme fatale et maternelle, force de la Chine comme le dit Christian D, discrète, humble et déterminée, et le penchant du réalisateur pour mettre en avant la subtilité des artistes et de leur intellect plutôt que la force brute. Il est ici question de finesse et d'esprit avant toute action ou tuerie insensée.

Début tranquille, donc, dans un décor de village plutôt classique qui manque cruellement de vie. Seul le peintre local semble égayer de ses oeuvres et de son innocence un malaise déjà présent et voulu, une sécheresse et un goût amer omniprésents. Mais déjà, le montage montre un savoir faire extrême à mettre en place un suspense, une tension, un mystère enveloppé de silence. Rien de bien appeurant pour un oeil actuel mais pour l'époque, c'est tout bonnement unique et tellement maîtrisé.

La seconde partie nous emporte définitivement vers les hautes cimes du mystique avec des personnages qui se dévoilent finalement grands combattants, un moine shaolin, plus que tous ses successeurs, sage et grand, Boudha en personne, des combats en tout point précurseurs, poétiques et violents, des paysages mirifiques, un souci du détail de toutes les secondes, tout autant dans la contemplation que dans l'action, les deux en même temps à vrai dire. A propos d'action, l'utilisation de trampolines pour simuler les sauts surhumains font partie du jeu et le plaisir est immense malgré les chorégraphies simples mais ultra novatrices pour l'époque. Et puis, c'est King Hu, c'est donc la grande classe. Il sait comment nous attirer pour qu'on y croit aveuglément.

L'utilisation des ralentis n'est pas souvent la bienvenue dans un wu xia pian duquel on attend forcément une bonne dose de fureur, mais c'est King Hu, c'est la grande classe, point barre ;). La fureur est là au moment où elle doit l'être, pas ailleurs, et les ralentis sont utilisés eux aussi quand ils ont une vraie valeur et un sens, lors d'instants de grâce inoubliables où la beauté de la lumière fusionne avec la beauté du mouvement, lorsque la sagesse et la paix se mêlent à la détermination et la violence, le tout en parfaite harmonie. LA-GRANDE-CLASSE.

Malgré une trame classique de combat pour le bien entre un petit groupe de bons et un seigneur très méchants bien épaulé et entouré, sur fond d'histoire de fantôme qui relève de la superstition, King Hu va loin, très loin, plus loin que quiconque dans les thèmes de la beauté face à la laideur, de la douceur face à la brutalité, de la contemplation face à l'action, de la poésie face à la violence.

Une peinture, une symphonie, un bloc de granit, un moment de grâce, un classique absolu, le Saint-Graal...

16 juin 2003
par drélium




Magistral

Si l'anthropologie de Chang Cheh fait du comportement humain son centre de gravité, celle de King Hu replace l'homme dans l'univers mais certainement pas en son centre. Le premier tiers de A Touch of Zen est exemplaire de ce credo qu'il reprendra dans Legend of the Mountain. L'homme y est placé dans un contexte naturaliste qui suggère magnifiquement la fragilité et la prétention de la vie humaine. Sans mot, il nous fait ressentir le décalage entre la vie politique et une vie sociale naturelle. Analogiquement à ces troncs d'arbres morts, à ces branches déséchées qui imprègnent ses paysages, ils nous fait ressentir l'absence de vie dans les comportemnts humains qui éloignent l'homme de son origine. En cela, il y a chez King Hu beaucoup plus qu'une simple esthétique naturaliste, c'est une vraie philosophie qu'il entend porter à l'écran, son idéal s'incarnant au final dans la personne du moine qui ayant renoncé à agir dans le monde et s'étant unifié à la nature est de cette manière le seul qui puisse véritablement avoir une action réelle. Le talent de King Hu est de savoir suggérer celà sans mot, en s'appuyant à peine sur la trame de l'histoire. Certes plus de la moitié du film est avant tout là pour faire coller le film au scénario, mais d'une certaine façon ce n'est pas cela qui l'intéresse, c'est un passage par la forme qui fournit un appui tangible au film. Mais l'histoire n'est qu'un vecteur relativement secondaire de son message, et c'est aussi l'aspect du film qui a le plus vieilli. Qu'importe, King Hu nous donne à sentir plus qu'il nous donne à comprendre et cela ça n'a pas d'âge.

07 mai 2005
par jeffy




un arbre qui a caché la forêt du cinéma hongkongais 70's mais quel arbre!

Durant les années 70, King Hu fut l'arbre qui permit à la cinéphilie occidentale de négliger le reste de la production hongkongaise de wu xia pian (rien de moins que Chang Cheh et Chu Yuan entre autres). Son cinéma correspondait en effet à la notion de classique tel que la définissaient les festivals et l'intelligensia de l'époque: des oeuvres qui rivaliseraient avec la densité romanesque (grand argument de certains amateurs de cinéma japonais pour dédaigner le cinéma hongkongais; ces derniers oublient qu'une abondante production de cinéma de série voisinait avec les films de Kurosawa, Mizoguchi, Ozu et Naruse durant l'âge d'or de ce cinéma). Et cette idée que la plus grande ambition du cinéma serait de rivaliser avec la littérature se retrouve encore aujourd'hui avec le cas Tigre et Dragon (ou Lagaan pour le cinéma indien): un film peu représentatif d'une cinématographie populaire obtient une sélection festivalière parce qu'il est "romanesque" (adjectif malgré tout excessif dans le cas du film d'Ang Lee dont les enjeux narratifs et thématiques ne dépassent pas ceux du tout-venant de la bluette). On pourrait se désoler de cet état de faits en rétorquant que certains classiques reconnus (Yojimbo, Pour une Poignée de Dollars, les premiers Godard) ne correspondent pas à cette définition et qu'en outre de l'eau a coulé sous les ponts de la cinéphilie qui ne regarde plus avec dédain le cinéma de genre pur (ce qui est une très bonne évolution quoiqu'en disent certains râleurs). Ou que le film d'Ang Lee était d'un académisme pesant hors de ses scènes de combat. Reste que le visionnage de A Touch of Zen est une expérience suffisamment intense pour balayer les raisons contestables de sa reconnaissance.

Si la grande longueur de la séquence d'ouverture peut surprendre aujourd'hui, reste qu'elle évoque les audaces du meilleur cinéma populaire des années 70. Avec cette mise en place lente et contemplative où surgissent par moments des éléments humoristiques (la situation de la mère qui essaie par tous les moyens d'arranger un mariage à son fils est après tout très vaudevillesque, de même que les gaffes du jeune garde frontière vis à vis de sa "promise"), comment ne pas penser aux fresques bouffonnes de Sergio Leone? La mise en place d'Il Etait une Fois la Révolution était également très lente et des éléments comiques (le cow boy désoeuvré filmé en train d'uriner puis se rembraillant) affleuraient sans compromettre la montée en puissance du film. King Hu convoque également dans le début du film la figure du sabreur mercenaire, grand "héros" du cinéma japonais des années 60. Il réussit néanmoins à glisser au milieu de cette longue introduction des éléments littéraires: le garde frontière et le sabreur parlent de Confucius selon lequel les esprits existeraient seulement si l'on y croit. Ce mélange d'éléments très hétérogènes permet au film d'éviter de sombrer dans l'académisme et l'exotisme pour cinéphiles vers lequel pourraient le pousser le cadrage et le coloriage quasi-pictural de ces scènes -à l 'exception de quelques scènes d'intérieur dont les chromas bleus vifs annoncent la Workshop's touch-. Mais après cette mise en place entre polar, comédie et romanesque, le fim va dériver d'une façon imprévue: avec la lutte des esprits à l'intérieur de la demeure du garde frontière, le film bascule dans le pur plaisir des combats au sabre chorégraphiés. La frénésie que Tsui Hark rendra en accélérant les combats est rendue par King Hu avec l'usage exclusif du découpage. Les combats sont d'autant plus frappants qu'ils suivent une mise en place dilatée et contemplative qui ne nous préparait pas à l'affranchissement des lois de la gravité qui s'amplifiera au cours du film. Le combat dans la forêt est un modèle du genre.

Mais le long flash-back du milieu à propos de la trajectoire de la jeune guerrière (bien amené là où celui d'Ang Lee faisait pièce rapportée d'élève trop appliqué) va redonner de l'épaisseur thématique au film par l'inroduction d'éléments historiques et politiques (guerre dynastiques, hommage au refus des femmes de se résigner, place du poète en rebellion contre la société). Néanmoins, King Hu n'en oublie pas de divertir avec virtuosité le spectateur: le moment où les moines bouddhistes administrent une leçon de non-violence aux poursuivants comme aux poursuivis est également moment de pur bonheur chorégraphique. Et dans cette seconde partie du film, l'action va exploser en étant intimement liée aux thèmes forts du film: l'embuscade tendue par le héros aux armées aboutissant à de superbes séquences de combat dans le noir suivie d'une scène au lever du soleil révélatrice de son génie de la stratégie militaire (thème phare de King Hu qui fit la gloire de ses débuts dans le film d'auberge: comment attirer et piéger son adversaire politique dans un lieu clos), l'intervention des moines bouddhistes au milieu du second combat dans les bois pour mater l'envoyé du pouvoir tout en retenant la guerrière de ses penchants sanguinaires. Un des aspects les plus réussis de cette partie est son changement de registre musical (passage des sonorités subtiles du début à un score lyrique puis élégiaque) qui rend entre autres la découverte du bébé par le héros poignante. Et la puissance dramatique de la musique culminera dans un final dans le désert d'abord animé du souffle des meilleurs westerns pour enfin devenir quasi-surréaliste (les chromes outrés des scènes d'hallucinations) puis mystique. On mentionnera également les cassures de rythme crées par les zooms au long du film ou par des plans rapides chargés de sens (les plans hachés de la nature en plein milieu d'un combat au sabre annonçant la thématique malckienne de la guerre au milieu de la nature).

La beauté de A Touch of Zen est de se situer dans cet entre deux, cet empire du milieu capable de faire cohabiter les pôles extrêmes du cinéma mondial. Fresque romanesque digne du meilleur cinéma classique ET divertissement total chargé d'audaces formelles -ce que sera le meilleur cinéma hongkongais grand public qui prendra sa relève-. Une grandiose transition en somme.



29 janvier 2004
par Ordell Robbie


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