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Three Times

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les avis de Cinemasie

6 critiques: 4.04/5

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24 critiques: 3.51/5



Xavier Chanoine 3.5 Inégal mais d'une impressionnante maîtrise formelle
Aurélien 4.25 Echos qui se croisent
Yann K 5 Je vois pas quoi ajouter sinon des pages. Peut être le plus grand HHH.
Ordell Robbie 4.5 Du passé vers l'avenir...
Tenebres83 3.5
Anel 3.5
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Inégal mais d'une impressionnante maîtrise formelle

Le temps des amours (1966) ouvre le bal Three Times de bien belle manière. Cette petite histoire sous fond de "road movie" se déroule durant les années 60 en République populaire de Chine. A cause de son service militaire, Chen s'est promis de retrouver May une fois de retour mais c'était sans compter les nombreux déplacements de cette dernière. Chen décide donc de partir à sa recherche. Hou Hsiao Hsien joue la carte de la simplicité avec l'histoire d'amour très classique, très saine, de deux personnes qui se sont rencontrées dans une salle de billard. Amusante chronique sur l'amour et la nostalgie, quelque peu empruntée à cause d'un score branché rétro parfaitement -trop- ancrée dans cette époque des sixties. Vaut surtout pour l'interprétation pleine de douceur de Shu Qi, confondante de naturel lors de la séquence des retrouvailles qu'on croirait sortie tout droit d'une cour de récrée où deux jeunes ados n'arrivent pas à se dire "je t'aime". 3.5/5


Le temps de la liberté (1911) s'avère hélas la grosse déception de cet opus. Même si HHH mise sur l'originalité, style cinématographique à l'ancienne dans le rétroviseur puisque ce segment renvoie à l'époque du muet, l'ensemble n'en demeure pas moins terriblement long et ennuyeux. L'enfer, cette partition au piano qui n'a de cesse de se mettre en boucle, raisonnant dans nos têtes comme un métronome qui ne s'arrête jamais. En revanche, ce segment sur la liberté est le plus engagé des trois sur le plan politique puisqu'il traite de l'occupation japonaise à la toute fin de la dynastie Qing (avant que la Chine ne devienne une république l'année d'après). C'est la seule "consolation" de cette partie, puisqu'on n'y trouve même pas la grâce habituelle de Shu Qi dirigée par HHH, Chang Chen paraît même bien fade lui aussi. 2/5



Le temps de la jeunesse (2005) est alors un immense soulagement. On y retrouve le côté franchement "libre/anarchiste" du marquant Millennium Mambo dans cette peinture d'un milieu urbain habité par une jeunesse insouciante. La jeunesse est ici évoquée par le personnage de Shu Qi, Ling, admirable ange déchu à la beauté terrassante campant le rôle d'une jeune chanteuse épileptique sentimentalement à l'ouest. On ne sait pas bien si elle éprouve des sentiments pour sa petite amie ou pour un photographe rencontré un soir. La question de l'homosexualité n'est donc pas franchement abordée par le cinéaste qui préfère plutôt s'attarder sur le malaise de la société chinoise. Une chose est sûre, Shu Qi démontre qu'elle peut être l'une des plus grandes actrices actuelles si bien dirigée, et HHH ne s'en prive pas. J'aurai par contre préféré une fin encore plus mystérieuse (s'arrêtant par exemple après la lecture du mail) pour donner un aspect encore plus désenchanté à l'ensemble. Si l'on traite de la jeunesse en la dépeignant de façon chaotique, autant aller jusqu'au bout! Merci tout de même pour ce grand moment de cinéma. 4/5



14 mai 2007
par Xavier Chanoine




Echos qui se croisent

Critique de la version présentée au Festival de Cannes (montage non définitif).

Trois époques : 1966, 1911, 2005. Un couple qui s'aime et qui se retrouve. Bon départ pour un film que j'attendais avec une certaine impatience.

Après le très bon Café Lumière, Hou Hsiao Hsien réalise ici un film qui fait écho à plusieurs oeuvres de sa carrière. Le cinéaste ne présente pas ici un film unique mais trois moyens-métrages distincts. Trois styles différents, très différents.

Un premier film réussi, très lent et très beau... Segment qui comporte quelques instants de pure magie. Des secondes qui font qu'au milieu d'une oeuvre de cinéma, le génie d'un homme s'affirme pendant un court instant de manière aussi subtile qu'incontestable. Hou Hsiao Hsien signe ici le meilleur segment, celui qui fait écho à sa jeunesse.

Un second film, muet (les paroles s'affichent entre chaque plan à l'écran) avec de nombreux fondus par le noir. Piano et chants traditionnels. Ce film se passe dans une maison close. Les costumes et les coiffures y sont superbes. Ce segment est de la même veine que Les Fleurs de Shanghaï : même époque, mêmes couleurs, même situation. Même lenteur qui en découragera plus d'un. Premier écho à l'une des oeuvres majeures du cinéaste.

Troisième film, autre écho. 2005 et une Hsu Chi qui fume cigarette sur cigarette... Millennium Mambo, autre oeuvre phare du maître. Le temps de la jeunesse nous dit Hou Hsiao Hsien. Jeunesse qu'il dit s'être appropriée, malgré un paradoxe flagrant. Jeunesse qui le passionne. Une Hsu Chi malade et partagée entre un homme et une femme... Une femme qui l'aime plus : amours non réciproques et violence des sentiments dont l'expression impulsive dessine la jeunesse de notre temps. Attachements, détachements et point de rupture.

Un film qui fascine. Un film qui peut sembler aussi plein d'émotions que vide de tout sens.

Un film peut-être un petit peu trop long toutefois.



13 octobre 2005
par Aurélien




Du passé vers l'avenir...

Tenter (probablement en vain:)) d'évacuer toute l'artillerie lourde de la politique des auteurs, tout ce qui ne manquera pas d'être glosé autour de Three Times. Parce que oui on pourrait voir dans chaque partie le reflet d'une étape de la démarche artistique d'HHH, de la manière dont son rapport au temps à la nostalgie s'est transformé au cours du temps. La première partie évoque ainsi le Taïwan eighties des Garçons de Fengkuei et du HHH naturaliste des débuts. La seconde partie renvoie aux années 90 et aux Fleurs de Shanghaï. Soit au moment où HHH remonte vers le passé taïwanais pour élargir cette nostalgie à l'échelle d'une nation. Et enfin dernière partie en descente de Millenium Mambo où une jeunesse regrette ce qu'elle n'a pas connu, l'époque où les repères existaient encore, où la nostalgie épouse les contours du Taipei urbain contemporain. Mise en place du système HHH, sublimation virtuose de ce dernier, approche plus stylisée. Alors qu'à l'instar de Wong Kar Wai sur 2046 HHH trouve dans le travail sur les motifs de son propre cinéma une source de renouveau artistique.

A l'image d'une première partie en forme de faux Garçons de Fengkuei revisited. Jusqu'à présent, le rapport d'HHH au souvenir n'avait en effet jamais été teinté de romantisme. Spoilers Ici, on n'oublie pas la fille rencontrée dans une salle de billard, on lui écrit pour tenter d'oublier l'éloignement induit par le service militaire. Et on va d'une ville à l'autre, on questionne ceux qu'on rencontre pour tenter de la retrouver. Pour revenir vers elle, pour savourer enfin ce moment où on lui tient la main, ce moment dont le souvenir risque bien d'être éternel. Fin Spoilers A sa manière plus calme, plus discrète, HHH nage superbement dans des eaux romantiques inconnues jusqu'alors pour lui. Surtout, ce segment use d'un arsenal formel et narratif extraordinairement élaboré autour de la question du temps. L'alliage classique chez HHH de lenteur et de distance nostalgique. Trous narratifs. Chansons liant des moments temporels différents (1). Répétitions de plans (les plans subjectifs sur les routes et les panneaux marquant géographiquement la quête). Répétition de lieux (les billards arpentés par les personnages, une porte qui se ferme). Répétition de situations, d'objets (la table, les lettres lues en voix off). Ainsi que des gros plans fétichistes scrutant les détails qui sont le sel des souvenirs et un usage de la focale en descente de Millenium Mambo, mais usage plus léger, plus discret. Avec en prime une Hsu Chi au sommet de la nuance dans les jeux de regards.

Une fois le segment achevé, HHH aura ainsi une première fois renouvelé son rapport à la nostalgie. Le second segment, c'est le retour des "amoureux" Hsu Chi et Chang Chen cette fois en costumes d'époque, dans un univers de maison close. Même corps, époque différente, faisant ressentir le temps par le retour du même. Même revenant parfois sous une autre forme. Aux éclairages du billard s'est substituée la lampe à huile, aux slows obsédants les chants de Hsu Chi, Spoilers à l'éloignement subi du service militaire celui résultant de la volonté de Chang Chen. La proximité physique des êtres induite par un lieu clos ne fait en effet que souligner ici l'écart profond entre les désirs de Hsu Chi et Chang Chen: désir amoureux pour elle, désir de se consacrer au politique pour lui. La nostalgie qui émane des lettres est du coup celle induite par un tumulte historique mis hors du champ. Nostalgie triste sur laquelle s'achève un segment plus pessimiste que le précédent. Car si dans Les Fleurs de Shanghaï la maison close était vue comme un lieu où malgré la hiérarchie et les rapports de force les êtres pouvaient se rapprocher à leurs risques et périls, c'est l'idée de séparation (des désirs, des êtres) qui semble ici dominer. Fin Spoilers Et à la reprise du dispositif des Fleurs de Shanghaï (plans séquences, fondus au noir) s'ajoute ici le choix de faire un film muet. Choix dicté par les contraintes de tournage. Il aurait en effet fallu du temps aux acteurs pour apprendre le mandarin d'époque. Cet "hommage" fonctionnant bien mieux que Café Lumière se met à dédoubler le souvenir: à un souvenir d'époque s'ajoute un souvenir de cinéma. Et ce choix fonctionne parce qu'il offre un élargissement au passé du cinéma du projet récurrent d'HHH de filmer ce qui a disparu ou est en train de disparaître.

Et enfin dernier acte. Soit mêmes acteurs, un style proche de Millenium Mambo mais avec une photographie moins flashy. La nostalgie s'exprime désormais non par les lettres mais le net et les SMS. Le néon a remplaçé les lampes à huile. Et tout cela est toujours scruté par le cinéaste avec ce goût fétichiste, romantique du détail inoubliable. Où Hsu Chi chante son mal être comme rockeuse et non comme courtisane. Et où malgré les accès de noirceur c'est la vitalité qui finit par primer dans un monde où le romantisme est désormais un romantisme motard très eighties. Vitalité renforcée par les trous narratifs rendant la partie à la fois contemplative et hachée. Spoilers Une sexualité montrée et non suggérée comme précédemment reflète peut être cela. Vitalité qu'on retrouve justement lors des passages motards du film et sur laquelle le film s'achève. Fin Spoilers La noirceur de l'univers décrit est amplifiée par rapport à Millenium Mambo mais le désir de tenir bon malgré tout, de s'accrocher à son humanité, à sa vitalité l'est encore plus. Comme si dans cet univers éclaté le cinéma d'Hou Hsiao Hsien trouvait encore un nouveau rapport à la nostalgie. A l'image d'un film signé HHH et autoréférentiel en surface mais à l'arrière boutique renouvelée de fond en comble. Sublime faux "film for fans only".

D'où un film qui est tout sauf trois moyens métrages mis bout à bout. Un film qui est même plus que ce lieu commun de la politique des auteurs qu'est le film somme. Un film qui a dépassé cela comme la maîtrise d'HHH s'est faite naturelle, moins ostentatoire que dans les années 90. Un film où la juxtaposition d'époques aide à faire ressentir le temps en action, un film retravaillant en permanence son rapport au temps pour en trouver un nouveau. Un film où retravailler le même libère.

(1) Avec un grand moment de ringard sublimé méritant d'être signalé. HHH réussit à créer une fascinante interaction musique/image à l'aide de Rain and Tears d'Aphrodite's Child. Soit le Canon de Pachelbell transformé en slow à succès des sixties finissantes avec Demis Roussos au chant, Vangelis comme muscien et Boris Bergman aux paroles. Chapeau bas...



28 mai 2005
par Ordell Robbie


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