The Two in Tracksuits est un film dont le dispositif est clairement affiché par son cinéaste, Nakamura Yoshihiro, découvert en France avec Route 225, présenté à la neuvième édition du festival du film asiatique de Deauville. Si Route 225 était un film habité par une légèreté presque enfantine, à la fois délicieusement naïve et poétique, The Two in Tracksuits dévoile une toute autre face. C’est un cinéma figé, pas loin d’être raide, réussissant à être drôle lorsque le cinéaste joue justement la carte de la raideur, du silence, de la fixité. Les personnages semblent être incrustés au beau milieu de vignettes décoratives, posant avec une maladresse voulue dans leurs survêtements colorés d’un autre âge. Le film se situe également entre un certain cinéma poussiéreux, presque régressif, et un autre plus intemporel : le temps n’a pas d’importance, il est aussi bien avancé que reculé, sans grande cohérence si ce n’est de dévoiler des acteurs sous un jour différent. On ne sait pas non plus où situer clairement l’action, puisqu’il y fait 35° à Tokyo tandis que cette région forestière avoisine les 20°, laissant de côté les contrastes appuyés de la capitale pour un cadre bien plus naturel et réaliste. The Two in Tracksuits arrive à être attachant non pas pour ce qu’il raconte –on discute, dort, fait les courses et ballade son chien- mais pour son absence totale de jugement, ses imprévus tantôt d’une exquise douceur (les rencontres avec la fille en vélo) tantôt tous droits sortis de la planète Mars (la voisine Toyama) et la relative répétition des séquences et de la mise en scène.
Une sorte de dualité dans la mise en scène, dont les parties s’emboitent comme des poupées matriochka : passé la première demi-heure en forme d’épilogue, on croit voir le même film dès que l’action recommence un an plus tard. Même mise en scène, trois personnages à la place de deux, changement de titre "The Three in Tracksuits", des procédés frisant le toc mais qui contribuent à forger un sacré caractère –en dépit des apparences- au film de Nakamura Yoshihiro. L’une de ses grandes qualités est de refuser la structure conventionnelle quitte à ennuyer par sa raideur, son absence d’expressions –en dépit de la « petite sœur pour l’été » dans son dernier tiers- et son intrigue quelque peu floue. Le mystère autour des personnages du père, de son fils et son épouse lassée est si grand que l’on espère une explication aussi petite soit-elle, mais ce ne sera pas pour demain, le film se terminant de manière si brutale que l’on pense à l’entourloupe (on nous a déjà fait le coup du titre qui change deux fois, alors pourquoi pas un générique avant la fin). D’où ce drôle de sentiment une fois le film terminé. Si l’on ne savait pas trop quoi en penser durant, on ressent comme cette envie d’y retourner pour partager le quotidien de cette famille isolée en forêt, cherchant désespérément le réseau pour communiquer (seul moyen de communication avec la « civilisation ») tout en prenant soin d’éviter loups et sangliers qui trainent dans les environs. Un tout petit film étonnant et singulier, plus complexe qu’on ne pense et au dispositif fleuretant souvent avec l’ennui, pour finir par surprendre.