Une tempête dans un verre d'eau
"Taloompuk" a été un projet incroyablement ambitieux, dans la droite lignée d'un américain "Pearl Harbour" sorti l'année d'avant ou d'un "Australia" de Baz Luhrman sorti cette semaine en France; une énorme fresque puisant son inspiration dans les gros mélodrames hollywoodiens des années 1950…sauf que l'intrigue a été transposée à la Thaïlande des années 1960.
A la réalisation, on retrouve CHATURAPAT Piti, un réalisateur qui avait déjà bénéficié d'un budget conséquent pour son précédent "Cloning" de 1999, énorme série B qui n'avait guère convaincu. Que cela ne tienne, le voilà de nouveau aux commandes d'un nouveau projet commercial sur-budgété pour raconter un triangle amoureux sur fond de mésententes religieuses et tempête menaçante.
La première partie du film est incroyablement charmante. Chaturapat a mis les moyens pour reconstituer un petit village de pêcheurs en bordure de mer dans un cadre exotique merveilleux. Le principal attrait est sans aucun doute la communauté Malaisienne, minorité ethnique bien présente en Thaïlande, mais rarement présentée dans des films. La religion musulmane prime sur le bouddhisme et ajoute – forcément – une touche d'exotisme dans un pays du sourire que l'on ne connaissait pas forcément comme ça. Cadre et personnages sont de suite posés, Chaturapat filme le quotidien de l'époque avec beaucoup d'amour pour des petits détails et même la musique (le film aura au moins cristallisé quelques futurs tubes, malgré son échec commercial) est aux petits oignons.
La première demi-heure passée, le rythme accuse pourtant un grand coup de mou. Si l'absence d'une véritable originalité était compensée par l'émerveillement ressentie devant tant de dépaysement, les belles images ne peuvent cacher le creux de l'intrigue éternellement. Un triangle amoureux se met trop lentement en place, alors que l'histoire souffre d'une trop grande prévisibilité…et il faudra souper près d'une heure d'ennui avant de pouvoir enfin goûter à la "tempête" tant attendue.
Alors que Chatuparat avait également fait preuve d'une certaine légèreté à filmer dans la première partie, il sert des grosses louchées de mélodrame et de clichés, filmant des instants d'intimité entre personnages fadasses sur fond de cascades d'eau comme une pub pour gel douche. En fait, c'est comme si la présence de Plengpanich Chatchai ("Suriyothai", les "Narusean"), vedette extrêmement populaire de nombreux soaps thaïs, polluait de son passé télévisuel l'intrigue et amenait avec lui son lot de clichés propres à l'univers des soaps.
Et puis arrive la tempête, annoncée à grands renforts de signes prémonitoires. Impossible de ne pas penser à la situation catastrophique entraînée par le Tsunami de 2004 à la vue des images des vagues d'eau déferlant sur le petit village des pêcheurs; sauf que les effets sont tout sauf spectaculaires…Comme si l'équipe technique avait clairement manqué d'argent (et de savoir-faire), c'est une seule et même séquence d'une grosse mer agitée dans un grand Noir relatif, qui nous est servi à plusieurs (!) reprises et on a même la désagréable impression, que la vague a été extraite du film américain "La tempête" de 2000, tant cette séquence est en tout point ressemblant. La destruction du village est représentée par des acteurs les pieds dans l'eau, parfois arrosés de trombes ou par des puissants arrosoirs, qui cherchent à s'agripper les uns aux autres. Une nouvelle fois, les images surpuissantes des nombreux films amateurs lors de la déferlante du Tsunami sautent en mémoire et l'on ne peut que déplorer le manque de réalité dans ces scènes pauvrement filmées.
Il s'agit bien évidemment d'un mélodrame et le dénouement forcément fatal (au moins pour l'un des personnages pour tenter de résoudre l'épineux problème du triangle amoureux…) est fidèle au rendez-vous…Sauf qu'en l'absence total de psychologie finement approfondie, on s'en fout un peu du sort des héros principaux.
Les dernières images du film résonnent avec celles du début – superbes et vraiment touchantes – et font regretter le film attendu, que l'on n'aura finalement jamais vu.
Un film ambitieux étonnant dans l'Histoire récente du cinéma thaï (d'autant plus, qu'il n'est que très peu connu en-dehors de la Thaïlande), mais qui pêche par ses trop nombreuses maladresses.