Souvenirs souvenirs !
Nouvelle réussite d'Ang Lee qui nous livre avec
Taking Woodstock un film à la fois intéressant et divertissant sur la génèse et le déroulement du festival de Woodstock. La narration intègre l'histoire personnelle d'un témoin de l'époque, Elliot Tiber, dont les mémoires de jeunesse ont servi de base de travail au scénario. Cette facette intime du film colle parfaitement au contenu historique et permet d'illustrer le contexte sociologique d'une époque en pleine mutation, le tout sous couvert d'humour burlesque et bon enfant.
La réalisation assez rythmée utilise occasionnellement le super 8 et le montage en split screen, restituant ainsi idéalement l'ambiance vidéo d'il y a 40 ans et plus particulièrement du documentaire de Michael Wadleigh de 1970 pour lequel Martin Scorsese avait participé. C'est par rapport à ce documentaire fleuve que
Taking Woodstock a préféré s'orienter sur les festivités au coeur de la foule et non sur scène. Il ne pouvait y avoir meilleur choix.
Inspirés, expirez
Ang Lee – le plus américain des réalisateurs asiatiques…ou le plus asiatique des réalisateurs américains. Plus de trente ans, qu'il vit aux Etats-Unis – et pourtant, on le confronte toujours à ses racines taïwanaises…Sans doute est-ce en raison de la sensibilité exacerbée, ton (et don) typiquement oriental, qui traverse chacune de ses œuvres, qu'on le croit étranger au pays des cowboys.
Chacun des films d'Ang Lee traite d'un point de rupture. L'ancien cède sa place au renouveau, tout en ne s'effaçant pas tout à fait. Le héros, la plupart du temps sédentaire, tel cet Elliott, qui revient à son domicile familial après quelques années de vie passées à Greenwich Village et qui va connaître le chamboulement de sa vie.
Comme il l'avait fait avec le genre du western dans "La chevauchée avec le diable" ou "Le secret de Brokeback Mountain", Ang Lee s'attaque moins de front à l'institution, qu'à l'envers du décor…Woodstock ne sert donc que de toile de fond à une nouvelle histoire très personnelle, celle d'Elliott, qui vit véritablement tout cet événement, qu'il organise, qu'en marge, en assistant très furtivement et de très loin, en marge, à l'énormissime fait historique que constituera ce concert.
Plus rien ne sera jamais pareil, ni pour Elliott, ni pour ses parents, ni pour le village, ni pour l'Amérique…Ce sont el hommes, qui font les choses, qui changent le destin des hommes…En cela, "Taking Woodstock" (un titre beaucoup plus judicieux et personnel que celui choisi pour son exploitation française, "Hôtel Woodstock") tient donc parfaitement son pari et constitue une nouvelle réussite dans la filmographique beaucoup plus personnelle (même un "Tigre & Dragon" ou un "Hulk" ne font rien de moins que de raconter des anecdotes très personnels du réalisateur) qu'il ne paraît de l'artiste Ang Lee. Quant à le regarder pour le propre plaisir des yeux, le film constitue une belle petite comédie légère, aux scènes de foule incroyable, qui rend parfaitement compte d'un épisode historique (et – au-delà – d'une époque) révolu, qui prend un malin plaisir de reconstituer des saynètes et scènes entières du riche matériel documentaire qui existe (et notamment le long documentaire récemment ressorti) et de le mélanger à la libre reconstitution de l'organisation de l'événement. Une galerie de trognes immédiatement sympathiques, dont l'incroyable Liev Schreiber, incroyablement convaincant malgré son hilarant "déguisement" assure le spectacle, qui va crescendo après une première partie relativement calme, jusqu'à ce que les rouages se mettent en branle et que plus rien ne pourra arrêter cette machine monstrueuse. Tout juste regrettera-t-on que quelques épisodes pourtant marquants, comme les révélations amoureuses d'Elliott ou sa découverte du LSD (sans doute l'une des scènes les plus réussies de l'Histoire du Cinéma des effets de cette drogue) soient quelque peu "noyées" dans la masse des informations et que – d'un autre côté – Ang Lee ait pris le parti pris de se focaliser sur le côté humain et non pas spectaculaire…
Reste un trip extraordinaire, qui fait la part belle à la plupart des biopics ou pénibles reconstitutions sirupeuses typiquement hollywoodiennes…Un bon petit stick, qui colle un bon sourire aux lèvres et des étoiles plein les yeux, sans assommer pour autant son spectateur.