Le réalisateur de 28 jours plus tard a bossé 3 ans sur ce film, aidé par la co-réalisatrice indienne Loveleen TANDAN, qui l’a fortement aidé sur les détails locaux. On lui doit, entre autres choses, la langue hindi, imposée à des studios plutôt réfractaires et pratiquée dans le film - et dans la réalité - par les enfants de moins de 12 ans. Le livre : pas vu pas pris mais son auteur, Vikas Swarup, n’a jamais mis les pieds dans les bidonvilles, ce que se targue d’avoir fait Danny Boyle, fier d’avoir pris des plans sur le vif avec plein de gens regardant bien la caméra de leurs grands yeux stupéfaits (infos piochées là).
Ne tergiversons pas : oui c’est manichéen, oui c’est moral, oui il y a de la rédemption bien ricaine, oui c’est très gentil, oui c’est parfois prévisible, oui c’est un peu trop dans l’air du temps et oui la mise en scène se rapproche dangereusement des dernières hystéries de Tony Scott. Ce qui nous fait 7 « oui ». Un chiffre porte-bonheur, donc tout va bien.
C’est du Bollywood sous amphet, multi coloré, positif et entraînant, qui n’oublie pas pour autant de montrer les bas-fonds de Mumbaï, ses misères, les horreurs liées à la mendicité… mais sans en faire trop, sans nous inonder de la tristesse d’une énième cité de la joie, sans donner les leçons déplacées d’un Occident sans cesse observateur compatissant d’une misère lointaine. L’effet « crise économique mondiale » serait-il passé par là ?
« Ô Danny Boyyyyle » nous propose avant tout une histoire humaine, à la fois une superbe chronique de l’enfance - le plus beau de la chose en ce qui me concerne – ainsi qu’un mélo fonceur s’en allant au galop jovial du poulain d’Amélie, empruntant en masse à multiples bollywoods leurs amours impossible, vils ennemis très méchants et happy ends bien sucrés. L’âme, elle, lit dans les cœurs de jolies choses et l’on a envie d’y croire, de participer à cet engouement populaire pour un de ces Misérables de Victor Hugo, un Gavroche qui aurait soudain l’opportunité de jouer à « Qui veut gagner des millions ». Et de gagner. C’est du David contre Goliath clairement dans l’air du temps, une forme de passerelle bien gaulée entre le cinéma populaire indien et la succès story américaine.
PRISE DE TETE MODE <ON> : …et l’on se plait dans cet univers en même temps que l’on prend peur en sortant de la salle : si le cinéma est, avouons-le, une certaine forme d’évasion, celui de bollywood l’est davantage, offrant usuellement une sorte de pilule du bonheur à tous les pauvres ères et autres dépressifs incapables de se plaire dans ce monde si injuste et oppressant. Ils s’en créent un autre, forcément virtuel, simple, coloré, blindé de bons sentiments... Imaginez un monde à la 1984 d’Orwell avec dedans un Big Brother qui fournirait du Bollywood à son peuple en guise d’opium de masse. Après tout, la révolution, dans la fiction, est autorisée, et l’on peut se demander si le fait que ce type de cinéma se démocratise chez nous est une si bonne chose.
PRISE DE TETE MODE <OFF> : …et je retourne me shooter les oreilles avec l’excellente B.O du film.
Sur 120 minutes absolument jouissives, Danny Boyle regarde « comment va la vie » là-bas, en Inde. On y trouve un regard à la fois personnel sur les bidonvilles mais aussi une certaine fascination pour l’énergie qui s’y dégage, les couleurs, le combat de tous les instants face à la misère. Sous forme de récit fragmenté trouvant systématiquement une connexion avec l’émission Who Wants to Be a Millionaire, le film ne perd jamais le fil conducteur et mène le spectateur dans une aventure romanesque à travers l’enfance de Jamal jusqu’au moment présent l’impliquant dans une affaire de triche sur le plateau de l’émission. Passé à tabac par un gros lard puis interrogé sur chaque question répondue juste la veille, il devra se justifier auprès des policiers avant de revenir sur le plateau pour répondre à l’ultime question. Le film adopte un schéma très simple mais passionnant où l’on découvre comment Jamal a pu répondre aux questions sur le plateau simplement en se souvenant de son enfance, la clé à chaque réponse. La morale est alors légère, où dit-on que tout est écrit, qu’il y a une part de chance, une part du destin.
Mais bien plus que cette vision un poil mièvre, Slumdog Millionaire est une pure attraction visuelle et sonore de tous les instants, le directeur de la photo réalise la prouesse de livrer une idée par plan, encore faut-il apprécier les cadrages penchés, les caméras sur épaule, les focales troublantes et les jeux de couleur mémorables sous fond de musique drôlement variée et inspirée. Les vapeurs, les textures, le grain, tout confère à donner une dimension exceptionnelle aux bidonvilles surchargés. Encore heureux que le discours suive derrière avec un regard intéressant sur la mendicité chez les gosses, formés très jeunes et utilisés à des fins peu scrupuleuses par des types avides de la moindre roupie. L’amitié dépasse aussi l’abus et la manipulation, preuve en est le chemin bien différent emprunté par Jamal et Salim jusqu’à leur adolescence. Difficile de reprocher quoi que ce soit à Slumdog Millionaire qui réussit à redonner un semblant de crédibilité à un cinéaste qui n’a été bon en toute honnêteté qu’avec Trainspotting, immense attraction tragique, cool, délirante et euphorisante. Un peu comme ici aussi.
Je n'aime pas bien reprendre du service en incendiant un film et je n'aime pas bien rédiger une critique à la première personne…D'un autre côté, j'en ai marre de toujours devoir me tenir à la "charte du bon savoir rédactionnel", surtout dans un cas aussi personnel que vis-à-vis de ce film…Ou du moins, je m'en fais une affaire personnelle…
Et d'ailleurs je vais saouler le pauvre lecteur de ces lignes avec des anecdotes personnelles, rapidement passées en revue.
Danny Boyle, c'est toute une histoire de cœur, en découvrant un beau jour en plein dans les années 1990 une cassette VHS (oui, ça date) vendue au rabais d'un petit film "méconnu", mais qui attire mon attention: "Petits meurtres entre amis". Un film coup de poing, certes imparfait, mais qui va devenir un mini-film culte parmi la communauté des "ciné freaks", que nous constituions à l'époque.
Dès l'annonce de la sortie de son second film, "Trainspotting", nous nous ruions dans les salles obscures…pour élever ce film a un putain de porte-drapeau de toute une génération…Je ne me rappelle pas combien de fois j'ai pu voir ce film, en état normal ou non, au petit matin, en prenant mon déjeuner, en rentrant des cours l'après-midi ou plusieurs fois par soir.
C'était aussi l'époque des amours insouciants avec des drôles d'histories triangulaires – et pour devenir son "Jules" favori, j'ai cassé al tirelire pour l'emmener voir le film suivant de Boyle, "Une vie moins ordinaire" en avant-première exceptionnelle aux Champs-Elysées…
Ce film marquait d'ailleurs le début de la fin de ma période passionnelle: non seulement mon histoire d'amour est partie totalement en vrille par la suite (précipitant mon exil à l'étranger – mais là, je m'égare vraiment dans des souvenirs personnels, dont tout le monde s'en fiche, malgré le fait d'avoir frôlé la mort, combattu des crocodiles et des aborigènes), mais en plus Danny Boyle m'a pour la première fois vraiment beaucoup, beaucoup déçu…Et ce ne fut pas la dernière, car quoi dire du raté "The beach" (surtout pour celui, qui aura lu le bouquin), "Millions" ou du falot "Sunshine" ?!! Envoilée la fougue de ses débuts, la mise en scène toc prenait définitivement le dessus sur un fond tout simplement absent.
Si bien, que j'ai carrément fait l'impasse sur le phénomène "Slumdog…". Peur d'être déçu et d'avoir une nouvelle fois le sentiment désagréable de nager à contre-courant de l'opinion générale encensant le film. Les bandes-annonces ne me faisaient pas du tout tripper, ni le clinquant de la BO passée en boucle dans tous les lieux branchés.
Mais voilà, que mon passé m'a rattrapé et après avoir renoué contact avec la fameuse demoiselle d'une "Vie moins ordinaire", j'ai donc osé confronter mes peurs les plus primales pour me frotter à ce prétendu chef-d'œuvre aux multiples Oscars.
Et je n'en suis pas déçu…Non, loin de là: J'ABHORRE cette grosse merde.
Tout le mal, que je pouvais penser du film est condensé dans les cinq premières minutes: effets clinquants, style tape-à-l'œil totalement dépassé et une volonté d'imiter le déjà très énervant "La cité de Dieu" dans sa façon de multiplier les plans à l'arraché. S'y ajoute une mise en place de trois lieux temporels réellement chaotique, qui brouille les repères et ne donne pas vraiment envie de s'attacher à l'histoire.
Ca se calme quand même après une dizaine de minutes de film et l'on commence à entrevoir les tenants et aboutissements, malheureusement à travers une historie hautement lacrymale et improbable. Le seul moment, ou je me suis réellement attaché à l'histoire, c'est lors de cet épisode des "trafiquants d'enfants", des séquences assez bien réalisées (malgré des effets de style trop appuyés) et durant lesquelles on ne sait réellement pas où Boyle va vouloir aller…
Mais alors la suite…Le principe même de l'histoire commence à être mis à rude épreuve: quel heureux hasard, que notre héros connaisse toutes les réponses grâce à des événements de sa vie particulièrement forts. Pas besoin d'éducation, l'école de la rue se chargera de tout. Magnifique. En parallèle de ça, on assiste à une love story franchement larmoyante et tout simplement ridicule, quand la belle de service devient l'amante du caïd du coin…On se retrouve alors dans des décors "de rêve", façon "Beverly Hills" avec une intrigue à la "Santa Barbara"…Bouh, le méchant caïd…Ohhh, la malheureuse fillette…Et Ahhh le valeureux amoureux transi…
Le pompon est atteint à la toute fin du film, condensé des éléments les plus improbables avec la participation de notre héros au fameux jeu TV, l'heureux hasard, que sa belle l'écoute et les retrouvailles tout simplement ri-di-cules.
Histoire ridicule sur fond de métaphores grossièrement illustrés et un fond, plus que douteux…Magnifier la misère humaine par un style clinquant peut être un moyen comme un autre (il y a bien des téléréalités à se tourner dans des bidonvilles dans certains pays aujourd'hui), mais faire miroiter la réussite sociale en prenant des tels chemins de travers, c'est tout simplement honteux. Dans la vraie vie, les petits acteurs sélectionnés sur place sont d'ailleurs retombés dans un relatif anonymat et leur quartier a été rasé pour faire place à un projet immobilier "de grande envergure", sans qu'ils aient perçu aucun dédommagement. Quant au DVD du film et à la BO, il se vend aujourd'hui à moins de 5 Euros dans des bacs de grandes enseignes. La roue a continué à tourner. Je verse une autre larme invisible sur un passé révolu avant de me prendre une vraie claque avec des premiers films d'autres auteurs à (peut-être) connaître leur future heure de gloire internationale.
J'ai globalement beaucoup aimé Slumdog Millionaire avec déjà un gros capital sympathie pour l'ambiance Indienne sortie du contexte Bollywood mais avec des clins d'oeils superbes à ce cinéma pourtant peu attirant. Visuellement le film est réussi et j'ai trouvé que Danny Boyle et son Chef opérateur se sont beaucoup inspirés de Time and Tide, même si la photo de Slumdog est un peu trop contrasté façon Tony Scott. Mais le dynamisme de l'image, les cadrages et certaines idées de plans rappellent furieusement le chef d'oeuvre de Tsui Hark (comme cette caméra posée sur un plateau de serveur de restaurant), le génie en moins bien sûr mais c'est assez chouette à observer. Mention spéciale aux acteurs qui jouent les personnages enfants.
Ce n'est pas parfait non plus je trouve, mais c'est tout de même une sacré réussite et à titre personnel sans doute le Boyle que j'ai le plus apprécié.