MLF | 3.5 | Le ridicule ne tue pas |
Junta | 3.25 | |
jeffy | 3.5 | Délicieux mélange des genres |
Anel | 2.5 | |
Alain | 2.75 |
Second Time Around est, en un sens assez spécifique, l’exemple même, le prototype du problème que peut poser le film d’auteur ou plus largement le cinéma d’auteur.
Le film en lui-même est caduc. Trop de choses, d’éléments, de diversité et de nœuds de raccordement perdent facilement le spectateur et l’intérêt qu’il peut porter au film. Bref, dans son dispositif, le film donne l’impression de se noyer dans un verre d’eau. La gestion du temps, le principe de la répétition temporelle ou plus exactement la continuité des actes dans un temps qui se répète est un dispositif très compliqué à gérer et qui tend facilement à devenir d’une extrême lourdeur.
Le film ne s’arrête pas là ! En tête d’affiche, deux personnes que nous connaissons bien Ekin Cheng et Cecilia Cheung et qui dans ce film sont catastrophiques. La palme revient certainement à Cecilia qui avec une telle prestation est en-dessas même du niveau amateur des moins de quatorze ans (qui, cela dit, peuvent parfois faire de très belle chose). Il ne s’agit nullement de revenir sur la carrière d’une actrice, mais de pointé du doigt un événement particulier (quoi que): la résonance parfaitement vide, creuse et insipide de sa présence dans ce film. A ce niveau, on peut dire qu’il s’agit d’une performance remarquable. Bien entendu, il y a un sarcasme moqueur qui me fait faire une légère surenchère, mais que dire d’autre quand un personnage devient à l’écran plus maladroit qu’un François Pignon parce qu’il a reçu deux ou trois consignes du réalisateur.
Jeff Lau est non seulement un auteur, mais aussi un cinglé absolu. D’ailleurs, selon toute vraisemblance, il y a un lien de réciprocité active entre les deux termes : Lau est un auteur parce qu’il est cinglé ; Lau est cinglé parce que c’est un auteur. Lorsqu’on aborde Second Time Around en ayant en mémoire (intellectuelle ou affective) l’œuvre de Lau, le film prend une tout autre dimension..
Lau, malgré un sens de l’image très évident (Chineese Odyssey 2002 suffit à le prouver), est bien plus efficace dans la comédie que dans le romantisme (Treasure Hunt est une bonne illustration des films où il tente de faire passer le romantisme avant l’humour) qu’il affectionne pourtant beaucoup. Cela vient de la démesure dont il peut faire preuve et de l’absence de limite matérielle à ses projets. Entendons-nous bien, il n’est pas question de dire que Lau a à sa disposition tous les moyens financiers qu’il souhaiterait. Il s’agit de souligner son aptitude à ne pas tenir compte de cette limite financière dans son travail et d’être capable, jusqu’à l’absurde, d’utiliser des subterfuges de moindre coût pour réaliser ses idées. Bien entendu, il y a un impact direct sur le film qui acquière de fait un caractère humoristique et c’est même pour cela (la démesure) que Lau semble plus efficace en comédie qu’en romantisme. Pour le dire clairement, tout ceci est un peu ridicule. Nous le savons tous, le ridicule ne tue pas et même, dans les mains de Lau, il devient une arme puissante, un élément fondateur de son système narratif, de son dispositif filmique, une marque de fabrique.
Et c’est là un point essentiel. A l’échelle du film, le ridicule est travaillé, façonné, poli pour avoir plus d’éclat encore. C’est dans ce sens que va la musique caricaturale ou les chemises à fleur d’Ekin. Son personnage est un petit « m’as-tu-vu », une sorte de playboy démodé qui a toute l’arrogance du coq gaulois. Et Cecilia, pomponnée comme une princesse dont les mouvements ont la frénésie et l’inexactitude de la jeunesse, cocue crédule comme une jeune fille à son premier flirt et qu’on veut nous fait passer pour miss Détective. Attention, il n’y point de critique à ce niveau car cela participe d’une manière toute volontaire à l’humour du film. Je le répète une fois encore, Lau a fait du ridicule une arme qu’il maîtrise parfaitement. Quant au romantisme ! Lau en a tellement en lui que c’est quand il ne s’en soucie plus que celui-ci se glisse discrètement dans les ondulations de l’histoire et donne au film la touche finale qui nous séduit.
Second Time Around apparaît donc comme un petit film ou une grande oeuvre… c’est selon notre posture de départ.