Sakuran a le mérite d’être un film qui ne se prend pas au sérieux et qui aligne les fulgurances formelles toutes les cinq minutes comme pour lier la roublardise et le côté insolent de Kiyoha (Tsuchiya Anna) aux décors ultra colorés de la maison des geishas. Cette relecture décalée pop moderne du manga original de Mayoko Anno est d’une saveur particulière, sa principale qualité –mais au bout d’un temps son défaut- réside dans sa plastique aguicheuse, à l’image de son héroïne, attirante et visuellement éclatante : profusion de couleurs et de motifs, jeux d’ombre et de lumière, filmage au cordeau et montage qui évite de faire dans le tape-à-l’œil comme c’est trop souvent le cas avec les adaptations sauce MTV. Néanmoins, l’ensemble agace, à l’image d’une Sofia Coppola qui réadapta à sauce Marie Antoinette, le résultat s’apparente à une grosse tarte à la crème écoeurante et surtout extrêmement répétitive. Il manque l’humilité et la distance des grands auteurs comme Gosha, dont les œuvres de fin de vie ressemblent grandement à ce que Sakuran nous propose, à savoir l’histoire d’une jeune fille pauvre trouvée puis placée dans une maison de geishas du fait d’un physique prometteur jusqu’à sa consécration. On y trouve donc un semblant de Tokyo Bordello ou de Yohkiro, deux œuvres plus émouvantes et sensibles que Sakuran, mais l’approche du mangaka et de la cinéaste n’est pas la même, tout comme le plublic visé. Cependant on préfèrera la mise en scène de Geisha : des motifs et des couleurs souvent identiques au film de Ninagawa, mais Gosha variait les lieux et les textures pour qu’une couleur particulière puisse immédiatement sauter aux yeux lorsqu’elle apparait à l’écran. On assène au spectateur de Sakuran cette même magnifique couleur, ces mêmes motifs sur presque deux heures, l’indigestion est donc à prévoir.
On retrouve aussi ce paradoxe dans la composition musicale de Ringo Shiina. Artiste à part dans l’univers des majors nippons, la chanteuse recouvre certaines séquences du film de sa voix particulière et le côté jazzy apporte le décalage qu’il fallait pour que Sakuran soit Sakuran. Mais le bât blesse dans son utilisation médiocre, un morceau comme Gamble, chef d’œuvre de l’artiste, oublie en chemin son lyrisme pour une version rock du plus mauvais effet lors d’une séquence pourtant importante dans l’avènement de Kiyoha. Tout comme l’ensemble des morceaux présents dans le film qui font allègrement la promotion de Heisei Fuzoku, leur utilisation décalée n’a pas tout le temps l’effet escompté, pire, les titres anglais en sont presque imbuvables. Argument commercial que ce parti pris ostentatoire (le visuel) et pop (la musique, Ringo au générique et dans les teasers), Sakuran aurait pu être bien plus humble dans son approche du parcours de cette geisha qui n’a pas froid aux yeux. Lorsqu’il ne met pas en avant son insolence (dialogues modernes et parfois vulgaires), Sakuran fait dans la facilité pour pimenter son récit de jolies phrases et métaphores : la symbolique des poissons est ainsi assénée avec lourdeur, trop de plans sur les poissons rouges comparés aux geishas (incapables de vivre en dehors de leur bocal), trop de belles phrases sur les cerisiers qui sonnent incroyablement clichées « quand les cerisiers seront en fleur, je te libérerai ». Comme si l’auteur se servait de ce que l’on a déjà vu dans le patrimoine culturel nippon pour faire tendance : manque de personnalité ? Manque de matière ?
L’approche décalée et érotique ne répond pas non plus présent, Kiyoha n’a rien d’une peste, elle est juste aguicheuse de par son physique particulier et sa voix enraillée ; Sakuran est érotique en façade, à part quelques plans sur les courbes généreuses des actrices et autres séquences d’amour soft, rien n’est excitant. Evidemment, il faudra se lever très tôt pour espérer voir un bout de téton de Tsuchiya Anna, vrai fantasme geek. Et cet horrible enchaînement de plans sur les poitrines des geishas en début de métrage est aux antipodes même de l’érotisme. Au final, Sakuran n’est pas un mauvais film, mais à trop vouloir jouer la carte de l’esthétisme pour l’esthétisme et la narration rose bonbec balisée par excellence (la fuite des deux amoureux en fin de métrage n’a aucun impact émotionnel par exemple), Ninagawa oublie de donner de l’ampleur aux personnages masculins, oublie de varier le rythme en proposant rien d’autre qu’un enchaînement de séquences qui n’ont parfois pas grand-chose à voir entre elles ; dans cette optique elle vous fera immédiatement préférer les films en costume d’une autre époque. A réserver à un public qui fantasme sur le Japon d’antan et qui souhaite découvrir cette partie de l’Histoire sous un air acide, sucré et pétillant.
Prometteur, ou au moins intrigant, Sakuran avait de sérieux atouts dans sa manche : Anna Tsuchiya (qui n'est toujours pas une bonne actrice, mais bénéficie chez moi d'un capital sympathie inexplicable), de jolies couleurs, une BO signée Shiina Ringo,... la classe quoi !
Pourtant il déçoit, incapable de tenir ses belles promesses. Sans grande surprise, sans la folie que le projet invitait à attendre de lui, sans grâce particulière, Sakuran se contente de dérouler paresseusement son fil, sans véritable accroc pourtant, mais avec comme un amer goût de déception.
Relecture savoureuse pop des "Mémoires d'une Geisha" par la jeune photographe branchée Mika Ninagawa. La débauche des décors, costumes et couleurs n'est pas sans rappeler l'énorme gâteau crème de Sophia Coppola, "Marie-Antoinette", mais évite – lui – l'indigestion.
Le mérite à un casting haut en couleurs et une bonne dose de sensibilité féminine, qui met – parfois! – à égalité le fond et la forme. Car force est de constater, que le déluge des cadres impeccablement pensés et lumières bien en place fige l'ensemble comme sur du papier glacé.
Le jeu d'Anna Tsuchiya est inégal: par moments, elle réussit parfaitement à incarner cette espèce de lolita savoureuse, qui réussit à faire perdre la tête à plus d'un Seigneur par ses jolies moues; souvent, elle en fait un peu trop et ressemble au personnage de manga, dont le film est adapté.
Etrange choix également au niveau de la musique, dont le décalage apporte parfois un plus, mais sonne parfois faux (comme cette insupportable chanson pop finale).
Un drôle de petit objet arty, qu'il serait intéressant d'évaluer à intervalles réguliers au cours des prochaines années pour voir comment il supporte le poids du temps.