Ghost Dog | 3.25 | Steven Grlscz, sa vie, ses crimes… |
Alain | 3.5 |
Leung Po-Chi n’en est pas à son premier film. Né à Hong-Kong mais étudiant en Grande-Bretagne, il a tourné pas moins d’une quinzaine de longs métrages dans l’ex-colonie avant de s’attaquer à ce projet ambitieux situé dans son île d’adoption, à savoir revisiter le mythe multi-centenaire de Dracula. Aux antipodes du chef d’œuvre en costume de Coppola, il a choisi des décors urbains, une action se déroulant de nos jours, et un vampire moderne incarné par le charismatique Jude Law : les gousses d’ail et le soleil n’ont pas d’emprise sur lui, il doit gagner sa vie comme tout citoyen anglais, et sucer le sang non pas de vierges mais de jeunes femmes qui ont obligatoirement des sentiments pour lui. Car ce n’est pas tant le sang qui le nourrit, mais les émotions qu’il véhicule, l’amour pur étant le plus puissant et le plus délicieux. Notre vampire va alors devoir s’armer de patience et de ruses de drague pour sa quête du Graal : attirer les femmes dans son lit et ainsi pouvoir survivre.
Le film entier repose sur le personnage subtil de Grlscz (prononcer Grilch, un nom soi-disant d’origine Bulgare) qui, au fil d’un scénario linéaire et continu, se révèle être une bête malade condamnée à tuer pour vivre, alors qu’aucun sentiment de haine ni de méchanceté ne l’habite. Outre le très beau portrait d’une créature qui souffre, les thèmes de la culpabilité, du Bien, du Mal ou de la responsabilité prennent un autre jour à nos yeux comme aux yeux du flic traquant inexorablement Grlscz sans parvenir à trouver le moindre indice, et qui va finalement se lier d’amitié avec lui et évoluer dans sa vision des choses. On retiendra également le personnage de Elina Löwensohn, magnifique de compassion et de volonté face à son bourreau… des cœurs !
Derrière un titre énigmatique qui trouve tout son sens dans le film se cache donc une œuvre peu commune qui installe un rythme lent et envoûtant tout en redynamisant un genre, le fantastique. Malgré un dénouement pas forcément convaincant, La Sagesse des Crocodiles vaut le détour, ne serait-ce que pour Jude Law.