Extrordinaire maîtrise formelle
Chaque plan est une petite révolution en soi, redéfinissant à chaque instant les règles cinématographiques les plus élémentaires. Le tout sans la moindre hésitation, avec une conviction qui ne peut qu'étonner, comme si le film était, non pas un précis arbitraire de nouvelles règles cinématographiques, mais l'affirmation d'une certitude, celle d'un auteur qui ne doute pas un seul instant de redéfinir purement et simplement son art.
Au-dessus de mes forces
Le style adopté par Yoshida dans ce film-ci est à peu de chose près le même que celui opéré l'année d'avant pour
Eros plus massacre et plus tard
Coup d'Etat, rien de bien étonnant lorsque l'on sait que ces trois films forment une sorte de trilogie. Anarchisme, contestation, langage du corps, trois oeuvres abouties d'un point de vue formel mais difficilement accessibles à cause de leur radicalité. Et ce
Purgatoire Eroïca est certainement le film le plus complexe de son auteur car enfermé dans une bulle une nouvelle fois difficilement pénétrable pour quiconque ne connaît pas franchement l'histoire du Japon à cette époque. Yoshida revendique sa vision de la société et se sert d'audaces visuelles fameuses pour faire passer le message politique, encore faut-il être un minimum intéressé par ce qui est dit sur ces deux heures interminables d'enchaînement de séquences poseuses et de dialogues théoriques. Le film, bien que maîtrisé de bout en bout (superbes décors minimalistes ou surchargés comme ce hangar criblé de trous laissant échapper une lumière surréaliste) ne m'a pas intéressé une seule seconde, difficile alors de se sentir concerné. C'est au-dessus de mes forces, surtout lorsque le cinéaste expérimente davantage la place du corps à l'image que le contenu même de ce film visiblement anarchiste où espionne et fille sans identité assistent à la détresse des hommes : tous sont néanmoins libres et fiers, aussi bien lorsqu'ils portent des lunettes de craneur, lorsqu'ils palpent le corps d'une jeune anorexique dans leur imaginaire ou lorsqu'ils ont la corde au cou. Et, un peu comme Godard, Yoshida questionne le rapport réalité/fiction, mêle diégèse écrite de toute pièce et film dans le film (réponse à
Eros plus massacre) avec sincérité, simplement il n'intéresse déjà plus. Malgré la beauté hallucinante d'Okada Mariko...
ni érotique, ni politique, passez votre chemin
Le dernier plan du film met en évidence une pancarte sur laquelle il est inscrit "sans issu".
Ce film est en effet sans issu, cependant pas à cause du discours nihiliste et improductif d'une révolution, dont on ne comprend pas l'objet, qui contaminerait le film... Mais surtout parce que Yoshida semble avoir accouché d'un objet fumeux, ses compositions sont toujours très maîtrisées, mais elles semblent ici n'être qu'une jolie enveloppe ou un leurre au même titre que les jolis nus qui parsèment le film pour tenter de garder éveillé le spectateur, ou lui faire croire qu'il se passe entre ces plans quelque chose de significatif. Il y a parfois chez Yoshida un soupçon de publicitaire qui se serait trompé de voie.