Tolérance.
Quatrième film de NIMIBUTR Nonzee (si on omet son sketch Three: The Wheel), Baytong confirme une bonne partie du bien que l’on pensait de ce réalisateur. Son nouveau long métrage est un hymne à la tolérance.
Suite à un attentat islamiste ayant tué sa grande sœur, le moine Tum (Puwarit Poompuang) va dans la ville de Baytong pour s’occuper de sa nièce Maria (Saranya Kruangsai) qui se trouve désormais seule vu que son père a quitté le foyer depuis longtemps. La première partie du film suit l’arrivée et l’acclimatation du jeune moine à la vie en ville qui s’occidentalise de plus en plus. Il est en proie à ses doutes qui se révèlent sous forme de double dans le miroir et discute avec lui pour répondre à ses questionnements. Cette initiation à la vie urbaine bien que classique est très drôle et se laisse suivre agréablement, les péripéties du moine amusent et touchent. On pense alors que le film ne dépassera pas le simple divertissement intelligent puis le dernier tiers du métrage reprend le ton sérieux du tout début et le conclu ainsi de toute beauté.
Baytong étant une ville majoritairement musulmane, musulmans et bouddhistes cohabitent et on a donc à faire à des personnages des 2 religions, Nimibutr montre la manière dont tout le monde se côtoie et vit ensemble sans manichéisme. On pourrait craindre que le réalisateur tombe dans le cliché facile du rapprochement des religions mais ce n’est heureusement jamais le cas et Nimibutr montre que la connaissance et le respect de l’Autre en plus du pardon et de la prise de conscience de ses erreurs pourraient résoudre bien des maux. Baytong est un beau film tolérant, traité de bien belle manière et essentiel en cette période de tension.
L'enfer c'est les autres…MOI
Un chef-d'œuvre dès ses premières images: Nonzee Nimibutr nous fait rentrer de plein pied dans l'histoire toute personnelle du personnage principal Tum: le film démarre sur des plans subjectifs, caméra à l'épaule du point de vu (la caméra se "substitue au regard / aux yeux du personnage) du moine. Il regarde ses congénères vaquer aux tâches du quotidien: l'heure du repas, lavage rudimentaire des tuniques oranges et balayage de la cour. La première chose que l'on apercevra du moine, ce sera son reflet dans une vitrine d'armoire (une véritable prouesse technique, ce plan, pour ne pas s'y faire refléter la caméra); un plan lourd de sens, car plus jamais Tum ne sera le même; ce sera la dernière fois, qu'un objet lui renverra l'image de ce qu'il était.
La suite est à l'avenant de cette introduction géniale: l'explosion de la bombe. Un attentat, comme il s'en passe quasiment tous les jours depuis des années (près de 3000 morts) dans le Sud de la Thaïlande, sans que les médias ne daignent en parler outre mesure, l'attention mondiale se tourner vers cette véritable guérilla urbaine. Des attentats perpétués par une poignée d'extrémistes, qui s'en prennent indifféremment aux petits comme aux grands, à des CIVILS avant tout, qui n'ont ABSOLUMENT rien à voir avec leurs revendications. Nimibutr insiste pour ne désigner pour responsable que CERTAINS de la communauté lors du bref plan halluciné de Tum, de passage sur les lieux du crime et qui voit soudain se dresser devant lui une poignée d'hommes armés jusqu'aux dents (alors qu'à l'extérieur, des musulmans vivent en parfait harmonie avec les autres communautés). Une image entre drôlerie et tragédie, toute à l'image du film.
La suite, un autre moment délicieux (et ce après quelques rares plans, mais parfaitement représentatifs d'un déplacement en Thaïlande pour ceux qui s'y seraient déjà rendu: perdu dans une gare grouillante, entre somme et réveil dans un car sur fond de film passé à la télé et le flacon de parfum sous le nez pour masquer les mauvaises odeurs, une tradition 100% thaïe…), où une Mercedes n'est pas forcément un signe extérieur de richesse (elle tombe toujours en panne) et un train de vie dit "moderne" auquel le moine n'est pas habitué (il vomit – et le fera encore, après avoir goûté aux "pêchés" de la société moderne). Et ce n'est là que la première de ses déconfitures: logé chez sa famille, au-dessus d'un salon de coiffure, il est propulsé de plein pied dans une société moderne, dont il ne maîtrise absolument pas les codes. Il se coince ses parties les plus chères dans la braguette (Stiller l'avait fait avant lui, mais l'air penaud de ce petit moine est un autre véritable délice de comique), est abasourdie par une déferlante d'images télé et de piailleries féminines et croit sa dernière heure arriver à l'arrière d'une mobylette taxi. En attendant s'éveille sa libido masculine totalement inconnu le mettant dans les situations les plus burlesques. L'humour n'est pourtant jamais grossier, ni les situations exploitées à ne plus soif; il est – au contraire – appliqué par petites touches simplistes, provoquant d'autant plus rire et enchantement.
La seconde partie ne saura tenir la brillance de la première partie – mais ne perdra jamais de vue l'histoire avant toute personnelle de Tum.
Nimibutr est – pour l'instant – le seul réalisateur à s'être frotté intelligemment au véritable mal que ronge une partie de la Thaïlande. Il ne juge aucunement – toute la seconde partie démontrant que l'intégration est chose toute naturelle.
Et par-dessus tout, il prône l'amour – la chose qui fait réellement avancer les choses; même s'il peut s'avérer également cruel pour certaines personnes, qui s'en remettront!!