ma note
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Night Corridor

News / A Propos


Julian Lee : note sur mon film Night Corridor

Quand je me rappelle la période de post-production, j’ai beaucoup lutté pour empêcher la musique et l’ambiance sonore de dériver vers le film de fantôme ou d’horreur. "Débarrasses-toi de la bande-son surnaturelle" me disais-je. S’il vous plaît, regardez ça comme la tragédie de mon personnage, mon Hamlet qui vit à travers sa propre torture auquel il essaye d’échapper mais qu’il doit finalement affronter.

En ce jour particulier, un célèbre acteur hong-kongais que je connaissais bien s’est donné la mort et ça résonne dans mon esprit…ce personnage.

C’est un homme blessé qui porte un regard sur son monde, qui lèche sa blessure due à un amour sans retour, simulant la haine envers la négligence qu’a eu sa mère pour lui et qui se retrouve prisonnier dans un jeu d’auto-victimisation dans le but de survivre. Il crée un monde trop parfait pour se cacher mais tout d’un coup, tout tombe en morceaux.

Une telle relation le maintient debout, le fils et la mère, le prêtre et son étudiant, frère contre frère et l’illusion que l’art et la perfection sont son salut. Un tel démon vit aussi en moi, en tant qu’artiste, à la recherche d’un alter-égo. Je veux toujours explorer le côté sombre de l’esprit humain qui nous définit en tant qu'hommes. On crée le démon et on en vit. Je partage cette même erreur en tant qu’être doué d’émotions. A travers le rendu de la complexité de mon personnage principal, Sam dans le film, mon acteur Daniel Wu m’aide à exorciser mon passé difficile à exprimer à propos de la passion, du désir, de tuer cet amour non partagé. Le fait d’être réalisateur est plus sain que d’être acteur comme c’est vous qui le voyez « chuter », on s’en remet mieux.

Peut-être que l’histoire d’amour gay, le thriller, le cannibalisme et le look gothique participent à un remix novateur qui fait de ce film une histoire Faustienne : nos vies sont empruntées. La noblesse est qu’on devrait finir nos vies entre nos mains et non à travers les décisions des autres.

Pour faire une remarque, la fin du film va au-delà de celle de la nouvelle en terme de nécessité de temps.

Pris au piège à Hong-Kong, sentant la source d’un virus mortel provenant d’une fenêtre d’hôtel ou d’un immeuble résidentiel, mon film sort dans un climat incertain qui s'est transformé en un climat de dénonciation. On est tout à coup jetés dans un abysse remplie de ténèbres et je ne veux pas aller tout droit en enfer. Promenons-nous juste dans un corridor la nuit où résonne toute la nostalgie effacée de mon souvenir d’un passé colonial qui fait écho au soleil alors que le matin est encore loin. En chinois, le titre du film est plus explicite : « un corridor circulaire la nuit » qui tourne et tourne et dont on est prisonniers. Malgré tout, dans notre tradition littéraire chinoise, nous croyons en la réincarnation de notre personne dans une autre vie et alors la torture recommence encore. On regarde la vie comme un labyrinthe, un cercle flottant, et parfois quand on est fatigués, on s’arrête sur le chemin de notre mort pour prendre un peu de repos dans ce corridor de nuit. Et je préfère une telle fin qui apporte un souffle de soulagement. Comme si on espérait que c’était juste un cauchemar. Quand on se réveille, la torture quotidienne continue encore et encore.

reproduit et traduit avec l'aimable autorisation de Julian Lee


Alain - 20 août 2003
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