Comédie dramatique à sujet tabou d'une lenteur sidérante
Adaptation du manga de Aoki Kotomi,
My Sister, My Love est un produit romantique de série B dont le but reste encore bien flou, surtout venant d'un cinéaste comme Ando Hiroshi toujours un peu mystérieux dans sa manière de véhiculer ses idées par l'intermédiaire d'un matériau de base sulfureux et une nouvelle fois tabou. Tandis qu'il examinait les rapports homosexuels dans
Blue, il expose ici la relation incestueuse entre un frère et sa soeur. D'un côté, il est toujours louable de voir fleurir au sein du paysage cinématographique nippon des oeuvres osées et contestataires de l'ordre moral établi jusque là et tant mieux si une telle oeuvre peut faire parler de son cinéaste, mais le problème est qu'une fois qu'un tel film franchit les frontières, son approche peut différer totalement du fait d'un public ciblé bien différent de celui en premier lieu. On reconnaît d'ailleurs les traits de personnages tourmentés issus d'un shoujo/shonen, la pose hallucinante de ses derniers, comme si le cinéaste voulait reproduire les postures élégantes et racées de personnages encadrés sur vignette, mais cette pose semble être de trop dans
My Sister, My Love et l'on peut donc décrier un tel choix artistique : lorsque Yori discute avec Iku ou l'un de ses camarades de lycée, très souvent tous perchés sur le toit de leur établissement, il est souvent à 10 bons mètres de ses destinataires, au cinéaste alors de faire éclater ses talents de poseur amateur de manga. Le résultat semble très souvent surfait, comme pour masquer la relative médiocrité des mouvements de caméra : on cherche à faire du Somai Shinji de la grande époque avec deux très longs plans-séquences (au début et en fin de métrage), on tente de faire de l'épate très Andrew Lawesque avec une photo chromatique riche en contraste et dotée d'une très grande profondeur de champ (une réussite compte tenu des teintes ternes des films japonais modernes), mais le cinéaste n'évite pas pour autant des erreurs à mettre sur le compte de la jeunesse comme ce premier baiser échangé entre Yori et Uki, filmé de manière bien trop complaisante et cherchant tout sauf le recul.
C'est pourtant le recul qui est recherché dans ce genre de séquences très fortes, mais Ando ne le trouve pas et préfère jouer avec la caméra au lieu de faire preuve de sobriété, laquelle lui aurait pourtant rendu service. Si My Sister, My Love est donc très inégal d'un point de vue strictement formel, où de belles teintes sont soulignées par une mise en scène poseuse, il puise une partie de sa force dans son écriture très joueuse des codes du genre : les échanges de partenaire entre Yori et Uki sont amusants mais ne débouchent pas à grand chose de bien concret, mais leur complicité est très souvent touchante : les ballades nocturnes en vélo, les discussions à même la pelouse d'un parc, le shifumi en fin de métrage, des moments déjà vus et revus mais qui font mouche grâce à la belle interprétation des acteurs respectifs. Il est néanmoins dommage de voir qu'Ando n'a pas plus de choses à dire sur un tel sujet tabou, il préfère filmer les petites histoires adolescentes avec un regard plus proche de celui que l'on porte dans un sitcom que lorsque l'on tente de faire passer un message avec des revendications de véritable auteur, un drôle de choix dans la mesure où Ando est à la fois réalisateur, scénariste et possède les pleins pouvoirs sur le matériau d'origine. On regrettera aussi l'incroyable lenteur et la monotonie d'ensemble, sa froideur peut décourager, son absence de rythme peut créer un semblant de désespoir chez le spectateur impatient. Mais pourtant, My Sister, My Love touche par petites doses, sans doute doit-on cette formidable astuce par la beauté irréelle des acteurs.
un point pour la scène finale, et 0,75 pour le sujet et la bouille de l'actrice principale.
L'anime adapté du manga d'origine qui exploite je ne sais quel sous-genre mélant sujet tabou à romance ultra gnangnan, fonctionne assez (mais ne pisse pas bien loin). Mais je dirai que la meilleure oeuvre sur ce sujet en animation est Koi Kaze, bien plus crédible dans son approche que cette fantasmagorie.
L'adaptation ciné elle est au premier abord un objet assez bâtard, la longueur des plans semble peu correspondre au scénario et aux cadrages qui restent quand même totalement dans la lignée de base des comédies sentimentales lycéennes. A défaut de rendre le matériau intéressant, l'économie des plans maintien la curiosité (ou alors ennuie ceux habitués à la facture purement dorama de ce genre d'histoire, (suffit de remplacer l'histoire d'inceste par je ne sais quelle maladie incurable, et on obtient le même schéma "histoire d'amour impossible") bon j'exagère un peu, ça reste un sujet tabou quand même les histoires d'amour incestueuses) ... Mais bon deux heures pour si peu c'est lourd, je commençais sérieusement à m'emmerder, à attendre impatiemment la fin, quand... bah cette scène finale tant attendu pour me libérer du bidule, s'est révélée (presque) intéressante. Les deux personnages principaux (à savoir le frère et la soeur incestueusement amoureux l'un de l'autre), revenus dans un lieu où enfants inconscients ils se sont promis le mariage, découvrent que la verte prairie est rasée, remplacée par un début de chantier, plus de tige et de fleur pour faire une zolie bague à mettre au doigt... désespoir face à la fin de ce symbole d'un paradis enfantin perdu, ou le poids de la société et les représentations ne nuisent pas à cette idée insensé d'un mariage entre un frère et sa soeur... (bon c'est pas ça qui est intéressant, on reste là dans l'utra gnangnan, et même le profondément niais) et... tout d'un coup le grand frère lance une partie de janken (jeu de pierre, papier, ciseau)... Le perdant porte sur son dos le gagnant dix pas, ils jouent à plusieurs reprises... Le réalisateur filme cette longue partie de janken (qui est de l'ordre d'une symbolique aussi gnangnan que celle du début de la scène devant la prairie rasée)... il la filme en longs plans, la longueur des plans délie le jeu du frère et de la soeur de la narration, et même le cadrage semble plus inspiré que ce qu'on a vu tout le long du film... Ce moment flottant est franchement quasiment réussi mais gâché vers la fin du plan quand la musique niaise reprend et que les personnages se mettent à répandre leur douleur à l'image et nous rappellent à leur psychologie bidimensionnelle. Mais comme quoi on peut parfois être surpris dans un océan niais et chiant.