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Mémoires d'une geisha

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les avis de Cinemasie

7 critiques: 2.32/5

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23 critiques: 2.78/5



Xavier Chanoine 4 Sublime tout ce qu'il entreprend même si...
Ghost Dog 3 Vulgarisation pour occidentaux
Ordell Robbie 0.5 Esthétisant et d'un exotisme toc.
Arno Ching-wan 2.25 Quand l’universalisation devient démystification
Flying Marmotte 3.75 Un bon moment....
Aurélien 1
Tenebres83 1.75
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


Sublime tout ce qu'il entreprend même si...

Il faut parfois se méfier des contestations. L’air de rien, Rob Marshall a réalisé avec Mémoires d’une geisha un film à la beauté stupéfiante, trop exotique diront certains. Sans doute n’ont-ils pas tords, mais qu’il est étonnant de voir un tel film conspué sur cet aspect alors qu’il s’agit d’une œuvre à la structure très proche de celle du livre, cohérente à travers les âges et admirablement interprétée par un casting asiatique éparpillé aux quatre coins du continent. Zhang Ziyi, belle et combative, Gong Li, sournoise et « horriblement » sulfureuse, Momoi Kaori, exigeante et vraie chef d’entreprise, Michelle Yeoh, sage et protectrice (trop sage, sans doute), Kudoh Youki et son personnage à double facette entre geisha traditionnelle et star glamour capricieuse. Côté hommes pas grand-chose à redire non plus, Watanabe Ken et Yakusho Koji pour ne retenir qu’eux offrent des prestations de grande tenue. Mémoires d’une geisha un film essentiellement féminin ? Certes, mais si l’on ne devient pas geisha par envie, certaines s’en servent pour atteindre un objectif ou même une personne. Qu’importe s’il faut cinq ou dix ans pour y arriver.

On critique donc Mémoires d’une geisha parce qu’il est académique. Il l’est, dans tous les compartiments. Mais depuis quand l’académisme est-il automatiquement une gêne ? L’objectif en sans cesse mouvement est le prolongement de la grâce des personnages, tente de coller au plus près à leur évolution. Filmer en plan fixe n’aurait pas été cohérent avec une telle débauche de moyens au profit d’une direction artistique exemplaire, Rob Marshall ne joue pas dans la cours des auteurs plus intimistes, tout ici n’est que plaisir des sens en grande dimension (de la photographie aux costumes en passant par la bande-son) dans un pur soucis de divertissement 4 étoiles sans la contrainte de toucher une clientèle plus exigeante qui se sera déjà ruée sur les films de Mizoguchi si elle désire un portrait plus personnel du monde des geishas, sans cette dimension « exotique » trop bon marché selon les connaisseurs. Le genre mélodrame ne semble pas non plus être dans le rétroviseur du cinéaste puisque les émotions ne transparaissent que sur « commande » à travers certaines séquences volontairement touchantes notamment lorsque Sayuri doit faire des choix. Les personnages subissent donc davantage les blessures de la guerre (en grande partie dans son dernier tiers) que celles causées par le simple fait d’être une « œuvre d’art en mouvement », tout le contraire de l’approche du métier vue par les grands auteurs du cinéma de l’âge d’or nippon. Ces films-ci et Mémoires d’une geisha ne jouent pas du tout dans la même catégorie, ce dernier faisant plus office de « Etre une geisha pour les nuls » plutôt que d’être le prolongement des œuvres antérieures plus marquantes dans certains points, œuvres qui d’un point de vue strictement technique n’atteignent pas la beauté contemplative du film de Marshall bien que la comparaison soit osée et surtout guère appropriée. Mais qu’importe.

Et si Mémoires d’une geisha avait été réalisé par un japonais, tourné en japonais ? Très bien, on se résume ici à dire qu’il y a erreur sur la marchandise, le film étant réalisé par un salopard de yankee et tourné intégralement en anglais, logique lorsque les personnages féminins sont pratiquement tous d’origine chinoise. Le grand public américain (européen?) ne connaît d'ailleurs sûrement pas les grands talents féminins japonais, donc difficile d'attirer les foules dans ce cas, mais ça c'est autre chose. Une affaire de sous. On ne va pas faire causer un Yakusho Koji avec une Zhang Ziyi qui réciterait son japonais avec maladresse alors que tous deux sont, dans la diégèse, compatriotes. Le hic est donc aussi gros (si ce n’est plus) que de tourner le film dans une langue universelle malgré les formules de politesse et autres bruits ambiants qui restent, eux, papotés en japonais. On cherche l’incohérence autre part, pas sur ces broutilles qui ne sont que des contraintes au final (que dire alors de ces innombrables films de kung-fu taïwanais uniquement trouvables avec un doublage anglais ?). Libre à chacun ensuite de trouver à redire sur la profondeur faiblarde des personnages, sur l’académisme de la mise en scène, sur le contexte politique pas vraiment abordé malgré la guerre, sur les afféteries « logiques » de la prestance des geishas devenues ici motrices d’une certaine idée du fantasme à la japonaise chez l’occidental moyen. On peut en parler des heures. Mais dans son exécution la plus pure, Mémoires d’une geisha est une de ces histoires d’amour difficiles qu’Hollywood sait narrer avec talent, où tous les poncifs y sont déroulés par pure « stratégie » appliquée auprès de la ménagère de moins de cinquante ans, apte à mettre 6,50€ dans une place de cinéma pour découvrir les merveilles de l’Extrême-Orient qu’on nous narre tant dans les grimoires poussiéreux. Elle s’en fera une idée et repartira flouée ou conquise.



25 janvier 2009
par Xavier Chanoine




Vulgarisation pour occidentaux

L’étude de marché hollywoodienne avait bien défini la cible marketing : la ménagère occidentale de moins de 50 ans en mal d’exotisme et d’histoire d’amour, qui a déjà entendu le mot « geisha » en imaginant vaguement à sa prononciation une pétasse aux yeux bridés, fardée à outrance de poudre blanche sur la tronche avec un gros nœud dans le dos. Ah oui, et habillé en kimono, assise sur un tatami, et avec un grand sourire de faux derch. En somme, un énorme potentiel de dollars qui nécessitait plusieurs pré-requis :

1- La caution d’un livre qu’on a fidèlement adapté à l’écran, en gage de sérieux

2- Les dialogues doivent être en anglais, hein, on s’appelle pas Mel Gibson avec ses délires de films en araméen ou en maya je-sais-plus-quoi et ses sous-titres tout le long qui font mal à la tête, faut pas déconner.

3- Des acteurs et actrices qui se sont déjà faits un petit nom en dehors de leurs frontières d’origine, histoire qu’on puisse se dire « ah attends, on l’a pas déjà vu quelque part elle ? Mais si, elle me dit quelque chose, elle a pas joué dans le film où ils volent sur les toits là, tu sais, Lions et dragons ? Non Tigre et Dragon ! Ah oui c’est ça ! Et l’autre là, c’est pas celui qui jouait avec Tom Cruise y’a pas longtemps ? La vache, t'es physionomiste toi ! ». Du coup, peu importe leur nationalité, des chinois peuvent très bien faire l’affaire pour jouer des japonais, on ne fera de toute façon pas la différence, et en plus ils parleront anglais.

4- Des jolis décors, des jolis costumes et une jolie photo, pour faire comme là-bas dis, comme si qu’on y était vraiment.

5- Une dimension éducative, pour qu’à la fin nos jeunes ménagères se disent « Je croyais que c’était juste des prostituées mais en fait elles étaient plus que ça, elles savaient danser et chanter ! Ouais c’est dingue, elles devaient pas avoir la vie facile, vendues comme ça par leurs parents dès leur plus jeune âge… Tu m’étonnes, mais bon c’était non plus trop désagréable, elles se faisaient belles toute la journée et tenaient compagnie aux hommes sans se donner systématiquement à eux, ça c’est plutôt cool ! »

Le cahier des charges ci-dessus est sans doute cynique, mais je suis sûr qu’il y a une part de vrai… Mémoires d’une geisha est en effet un peu toc pour qui est habitué au cinéma nippon, mais il remplit correctement son rôle de vulgarisation d’une culture très peu comprise et très caricaturée en Occident. Si l’histoire s’avère sans surprises, elle se laisse suivre sans grande difficulté grâce au savoir-faire qu’ont les américains à emballer un récit dans un beau paquet cadeau esthétique qui retient l’attention. Allez, c'est déjà pas si mal.



09 mai 2007
par Ghost Dog




Quand l’universalisation devient démystification

... ou quand trop d’ingurgitation entraîne l'indigestion.

Que des actrices chinoises jouent des japonaises, des geishas de surcroît, ça ne passe pas, ça ne passe plus, ce type d’approche est démodé à l’heure où la Chine continentale développe son cinéma, et où la Thaïlande, le Japon, la Corée et l’Inde font de même, non plus sur des petits films d’auteur discrets, mais bel et bien sur de grosses productions notables, qui désormais s’exportent. Tourner un film aux US en faisant fi de ce « détail » identitaire relève de la gigantesque blague, méprisante à l’égard de toute production asiatique. Cette volonté n’est a priori pas le cas dans les notes d’intentions d’un Steven Spielberg, ici producteur, ayant longtemps affiché sa passion pour ce cinéma local. Il a affirmé il y a longtemps avoir montré Totoro en version originale non sous-titrée à ses propres enfants, et il a produit du Kurosawa avec son pote Coppola. Qu’a-t-il bien pu se passer sur le cas Geisha ? Les japonaises sont-elles moins « bankable » que les chinoises ? Il est difficile de croire à ce point à la renommée de ces actrices chinoises, puisqu'un Tigre et Dragon a marché au box office tel quel. Pourquoi ne pas avoir choisi une japonaise comme KURIYAMA Chiaki (Kill Bill) par exemple, voire même des inconnues totales, le succès du livre garantissant déjà un afflux conséquent de spectatrices? Est-ce un choix délibéré, une provocation pour universaliser une histoire et calmer le racisme ambiant entre chinois et japonais? Non, il suffit d’imaginer qu’un acteur allemand joue le rôle d’un français pour cerner l’ampleur de l’aberration, ce qui, soit dit en passant, n’a pas été le cas sur le Munich du même « Tsui Hark américain ». Cette fois-ci réalisateur... donc davantage impliqué?

Attention à la marche!Outre qu’il soit difficile de trouver du plaisir en tentant de contourner cette enclume géante, « Mémoires d’une Geisha » gère très moyennement ses ressorts dramatiques. Le film enchaîne les évènements avec une fainéantise très professionnelle. Chacun y met du sien pour toucher la thune des autres en assurant le minimum syndical sur ce livre d’images convenu. Du beau monde cachetonne pour aboutir à un bel objet, aussi joli qu’une vitrine de magasin qui aguicherait le chaland avec des chinoiseries colorées, sans aucun état ni aucune once d’âme. Pourtant, et c’est là que ça devient intéressant, en se détruisant ce film en devient un autre. Enorme. Il ridiculise le bouquin en démystifiant, malgré lui, les geishas. Parce que les actrices sont chinoises, le fan de cinéma asiatique prendra soudain beaucoup de recul par rapport à ces personnages. La fausseté de la plupart des scènes - dominées par le grotesque apprentissage donné par Michèle Yeoh - renforce la superficialité même de ces femmes, accentuant davantage leur statut de pute de luxe, et ridiculisant plus encore la voix off, douce et factice, d’une ancienne geisha trouvant dans toutes ces paillettes de quoi contester cette évidence. Ainsi le folklore japonais tant apprécié par certains y est joyeusement saccagé par ce choix irrespectueux, amusant pour ceux aimant voir les conventions bousculées, mais ne suffisant pas pour autant à sauver les meubles. On aurait pu se rattraper sur le fort potentiel sexuel de la chose, mais non, même pas, tout est aseptisé par des images très softs et des mots clefs modifiés. La virginité devient une « valeur », la btie une « anguille », le vagin une « grotte » etc… On préfèrera apprécier le jeu charmant tout en nuances de KUDOH Youki, et celui motivé de YAKUSHO Koji, plutôt que de pleurer sur un WATANABE Ken bientôt spécialiste de la disparition des icônes japonaises made in USA. Après avoir été Le Dernier Samouraï, le voici aux côtés d’une des dernières geishas. Gageons que dans un prochain film, c'est lui qui piquera la dernière part de sushi.



07 mars 2006
par Arno Ching-wan


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