C'était bien sur le papier...
En voyant le Territoire du sang versé on comprend qu'à quelques exceptions près (les ninkyo eigas transcendés par Gosha ou Kato Tai) ce soient les relectures stylisées et surréalistes du yakuza eiga (Suzuki) ou les entreprises de déshéroisation des yakuzas en démolissant au passage la notion de code d'honneur (Fukasaku) qui soient plus passées à la postérité que les yakuzas eigas classiques. Si le Territoire du sang versé annonce par certains cotés la troisième vague de yakuza eigas dont parlait Schrader (cf ici pour plus d'explications là dessus), reste qu'il témoigne de l'essoufflement des grands thèmes du ninkyo eiga. Parmi les éléments annonciateurs de la troisième vague, on trouve la volonté de transposer l'univers yakuza, ses codes, ses rites dans le Japon contemporain là où les ninkyos se situaient plutot dans les années 20, certains plans d'enseigne tokyoites de nuit et des plans quasi-documentaires d'extérieurs tokyoites et une tentative de transposer dans un contexte de cinéma de genre nippon certains acquis de la série B américaine (le cinéaste revendique son admiration pour Fuller et Siegel et la mise en scène vise se veut économe de ses effets). On retrouve ici quelques grands thèmes et passages obligés du ninkyo: la notion de sacrifice, du tiraillement entre fidélité au clan et sentiment personnel, celle de code d'honneur, les combats à l'arme blanche. Sauf que si les acteurs ne sont pas mauvais il se contentent du service minimum sans transcender leurs roles et qu'en plus de franchir la frontière séparant économie de moyens de platitude la mise en scène devient brouillonne lors des rares fois où elle tente une approche plus stylisée. Et si les thèmes du film sont intéréssants, le film n'arrive jamais à dépasser la routine du genre. Au final, le film demeure une tentative intéréssante mais la volonté d'amener un peu de sang neuf ne fait que souligner l'épuisement des formules. Et la meme année Fukasaku offrait une vision bien moins ennuyeuse, bien plus empreinte de tristesse du genre (avec Tsuruta Koji, grand star du ninkyo) avec le Caid de Yokohama qui réussissait avec plus de succès à introduire une influence extérieure (Melville) dans le genre.
Un yakusa-eiga classique
Derrière ce joli titre un peu pompeux se cache un film qui se situe dans la moyenne
d'un genre exploité à outrance ; après une saisissante scène introductive de dissolution d'une organisation yakusa où seul un clan refuse catégoriquement cette décision, provoquant le trouble et la colère des autres responsables, s'ensuit une guerre fratricide avec son lot de coups de poignards et de petits doigts sectionnés qui occupera le reste des 90 minutes. Peu de personnages réellement séduisants se détachent du récit, plutôt un portrait de groupe viril et sanguin, partagé entre son code d'honneur et sa soif de pouvoir. Quant à la mise en scène, bien qu'elle soit solide, elle n'atteint jamais le niveau d'un Fukasaku. En résumé, une curiosité agréable à l'œil mais rapidement oubliée.
Une très bonne surprise que ce film traitant de la fin d'un clan yakuza. Une certaine nostalgie se fait sentir, mais c'est surtout un fatalisme implacable qui domine jusqu'à une fin extrêmement noire.
Parfois ça part un peu dans tous les sens, et les scènes de dialogues entre yakuzas (vieux sages roublards et jeunes chiens fous) ne sont pas toujours passionnants, mais l'intrigue principale, bien que mince (résumée dans ma première phrase), se suit sans difficulté, et est émaillée de scènes de combat au poignard particulièrement violentes et inspirées visuellement (SPOILERS comme l'assassinat de l'ami du héros dans un escalier ou la fin sous une pluie battante FIN SPOILERS).
C'est souvent très sanglant et la mise en scène m'a semblée asez soignée : beau travail sur les couleurs, la lumière des néons, les reflets, les gros plans, etc...
Et le jeu "monolithique" d'Akira Kobayashi sied parfaitement au personnage.