Lady Hermit est un film intéressant, car symptomatique du style du studio Shaw. Ou plutôt des styles du studio, de ses plus grandes qualités comme de ses plus grands défauts. Le film mixe le chaud (principalement) et le froid (minoritairement) pour délivrer un divertissement plaisant, mais qu'on ne qualifiera qu'abusivement de chef d'oeuvre.
Premier écueil dans lequel le film tombe, le scénario bateau, disons même paquebot dans ce cas: une "grand maître" qui ne veut plus se battre (on se doute bien que d'ici la fin du film elle aura décimé la moitié de la population de la Chine), une jeune artiste martiale fougueuse qui veut devenir son élève, un méchant très méchant qui veut la faire ressortir, un petit triangle amoureux pour ajouter un peu d'émotion, et c'est parti. Vu, revu, rerevu. Pas forcément mauvais pour autant, mais aucune surprise à signaler. Surtout que les personnes sont assez sommairement brossés, le méchant particulièrement, avec ses 10 minutes de présence à l'écran. Les dialogues sont également peu passionnants, pour ne pas dire pas du tout, l'histoire est linéaire, sans surprise. Bref, à ce niveau, c'est caricatural au possible. Cela a son charme parfois, notamment lors des scènes romantiques où la jeune apprenti joue très bien l'ingénue face à Lo Lieh. Mais globalement, la première moitié se suit sans désintérêt mais sans intérêt non plus.
Ce problème scénaristique est toutefois contrebalancé par des qualités techniques certes relatives, mais bien présentes. On connaît surtout le réalisateur pour ses films bis de la fin des 70's, la qualité de la réalisation est donc une bonne surprise. On n'égale pas King Hu, attention, les premiers plans montrent déjà les approximations de la mise en scène, mais l'utilisation massive d'extérieurs donne au film un cachet certain comparé aux dizaines de décors un peu cheap de certains films de la Shaw, et surtout on sent une volonté de faire des plans soignés. Les combats sont également bien mis en scène, bien chorégraphiés, surtout pour l'époque. Les plans séquences s'enchaînent, la vitesse légèrement accélérée des séquences donnent une grosse énergie à l'ensemble, le montage est une des plus grosses qualités du film. Rarement on a vu les "astuces" de l'époque présentées de manière aussi correct. Les sauts à l'envers et autres envolées câblées étaient souvent pauvrement mis en scène à l'époque (Chang Cheh ne dirait pas le contraire), mais le talent du monteur conduit ici à une intégration à moindre mal dans l'action. Il faut voir Sisi grimper en haut de la tour à la fin du film pour comprendre toutes les astuces employées par le monteur et le réalisateur.
L'action est justement le gros point fort du film, notamment lors d'une dernière demi heure assez jouissive, où l'on constate que les américains n'ont rien inventé finalement: Scharzie et son arbre sur l'épaule dans Commando, lopette, Cheng Pei Pei l'avait déjà fait, et Spielberg qui fait la mariolle avec son pont suspendu dans Indiana Jones, copieur, sa scène ressemble fortemment à celle du film. Laquelle viendra aisément battre celle de son successeur au niveau fun grâce à ses effets spéciaux très spéciaux, le playmobil tombant dans une bassine d'eau ayant quelque chose d'assez unique. Toutes les effets spéciaux du film sont d'ailleurs complètement anti-datés et d'autant plus fun. PLus globalement cette dernière demi heure donne lieu à une succession de combats très sanglants comme les fans les aiment: 3 contre 100, on ne discute pas, on tranche dans la viande.
Quant aux acteurs, ils s'en tirent bien, le trio principal se montrant à l'aise dans ses rôles. Cheng Pei-Pei joue la désinvolture aussi bien que la souffrance, et Sisi surjoue ce qu'il faut dans le rôle de l'ingénue de service. Lo Lieh hérite d'un rôle pûrement fonctionnel (il est là pour permettre au triangle amoureux d'exister), mais il le remplit de manière professionnelle. Pas de rôles marquant donc, surtout avec des dialogues aussi plats, mais pas de grosse faute de goût à ce niveau non plus.
Au final, il faut accepter la première moitié très (trop) classique et manquant un peu de surprises pour pleinement profiter du final délirant. Ce Ho Meng Hua rappelle que ce réalisateur n'a pas été qu'un auteur de nanars mais qu'à une époque, il soignait ses réalisations et délivrait des divertissements de très bonne tenue. Lady Hermit mixe ce qui faisait le charme de la Shaw, à la fois les délires complètement bis des effets spéciaux ratés et des combats délirants, et le charme des films en costume sur fond de paysages envoûtants. Bref, Lady Hermit c'est un peu du canard à la confiture de fraise, salé sucré, cheap et soigné, lent et rapide, le savoureux mélange des opposés.
Hsih Szu incarne ici pour la première fois une héroïne martiale, rôle principal qui lui permettra de prendre la relève suite au départ de Cheng Pei Pei. Elle est mignonne la petite Shih Szu avec ses moues de bébé pas content, ses joues potelées, sa peau fraîche et son petit sourire enfantin. Plutôt agréable aux premiers abords pour un premier grand rôle, elle cache difficilement un jeu à l'étendue encore limitée. Le jeune Lo Lieh joue lui un écuyer paisible qui manie à l’occasion le sabre. En gros, son seul vrai mérite est de pouvoir s’attirer les faveurs des deux jolies poupées qui tiennent l’affiche. A côté de ça, rarement on l’aura vu avec aussi peu de relief et de charisme… Les relations entre ce trio à l'affiche sont du reste franchement succintes.
La première heure de Lady Hermit n’a rien de vraiment mirobolant, et le scénario bien que plus recherché que la traditionnelle vengeance reste dans une norme peu surprenante : la jeune fougueuse qui cherche l’enseignement de la vielle louve expérimentée qui elle tient à se faire discrète. Le trio amoureux constitué avec Lo Lieh est du reste bien pâlot et manque de relief (mattez Thundering sword pour voir Cheng Pei pei vraiment amoureuse). Le tout se passe dans un village enclin à des manigances douteuses qui devraient affiner l’ambiance si elles étaient mieux mises en valeur. En effet, un clan venant d'un château lugubre ebvironnant fait payer des charmes à la population pour qu’elle se protége de soit disant attaques de fantômes nocturnes, des pseudo fantômes dont on ne voit à peine la queue d’un ce qui est déjà décevant. Plus décevant encore, pas l'ombre d'un méchant charismatique à l'horizon avant le final.
Que retenir de cette première heure honnête mais loin de casser la baraque alors ? Une jeunette dynamique qui fait tout pour être l'élève de son modèle (mouais, sans surprise). Une petite ambiance western qui pointe par moment avec une cariole qui roule sur une musique bien typique (mouais, anecdotique). Une originalité dans le montage bien nerveux des quelques combats qui la parsèment avec des accélérations pas discrètes et de beaux transpercements de bonzes qui confèrent un dynamisme assez inédit mais somme toute artisanal (mouais, pas assez exploité). L'atout principal reste la fraîcheur naturelle de Cheng Pei Pei (néammoins moins belle et habitée que dans Come drink with me ou Thundering sword) et de Shih Szu et surtout une dose de quelques idées bis bien montées qui font déjà doucement rigoler. Cheng pei pei qui s'accroche au plafond ou qui expose sa nouvelle technique à Shih Szu par exemple. Elle lance un chat en l’air, celui-ci retombe sur ses pattes et détale vite fait à toutes enjambées, puis Cheng Pei Pei se penche et ramasse à ses pieds le même chat qui ne semble pas avoir bouger d’un iota ! Autre passage qui vaut son pesant, Cheng Pei Pei donne un seul coup de hache dans un arbre, et vlan, "timbeeeer !" L’arbre entier tombe net, et elle le porte tranquille sur ses épaules !!! Dernier exemple, plutôt que de faire brûler le décor du chateau comme Chang Cheh n'hésite pas à le faire dans Golden Swallow et bien d'autres, Ho Meng Hua utilise juste un peu de fumigènes rouges et noirs pour simuler le gigantesque incendie. Sacré Ho meng Hua !
Cette agréable petite saveur bis est le principal intérêt de cette première heure qui manque honnêtement de rythme, de fond (les personnages notamment) et plus gravement encore de rebondissements dignes de ce nom. A plusieurs reprises, une traîtrise, un retournement de situation quelconque, bref un twist même léger caresse l’espoir d’apparaître… Mais non, c’est Ho Meng Hua ici, pas Chu Yuan, le récit est linéaire au possible, les personnages pas franchement implicants. De même, la mise en scène est encore loin d’atteindre une quelconque magnificence propre aux grandes œuvres de la Shaw. Ho Meng Hua reste un faiseur honnête et dynamique mais sans génie aucun. Les décors en extérieurs n'ont rien à envier à un wu xia du même genre tel que 12 Gold medallions.
Mais Ho Meng Hua est un gars sympa qui n'hésite pas (même si parfois il hésite trop justement) à aller bien à fond dans le délire, et la dernière demi heure de Lady Hermit va radicalement rattraper le tout tel un chat qui retombe sur ses pattes. Plus question de dialogues insipides, place à l’action non stop et quelle action ! Du set de table qui se plante dans le crâne aux baguettes qui arrachent les yeux en passant par les corps généreusement transpercés, la violence gratuite et la nervosité goutue du montage prennent place et déjà le spectateur amateur se sent beaucoup mieux. Combat dans une auberge donc, totalement "out" suivi d'une escapade à ne surtout pas manquer, et un autre combat en simultané dans une forêt embrumée, pour finir sur un dernier morceau de bravoure rappelant la tour finale de Have sword will travel en plus improbable encore, où Cheng Pei Pei et Shih Zsu, de plus en plus éreintées, blessées, charcutent comme des lionnes… Je n’en dirais pas plus mais cette dernière demi heure assure la rédemption sans aucun problème. Pour indice, ne cherchez plus d’où vient la scène de Indiana Jones et le temple maudit sur le pont suspendu… Elle vient de Lady Hermit !!
Qu'est-ce qu'on retiendra des Griffes de Jade? Sûrement pas ses gros zooms brouillons. Pas non plus l'absence de photographie digne ce nom. Même pas Cheng Pei et Lo Lieh qui s'en tirent correctement mais ont eu de plus grands rôles. Et certainement pas un début de film tout sauf captivant. Quoi alors? Un peu de la naïveté qui fasait le charme du cinéma populaire HK jusqu'en 1997 déjà. Et surtout le fait que si comme Miike Ho Meng Hua n'a pas assez d'idées Bis pour remplir un long métrage il en a assez pour remplir un demi-long métrage. Ce qui est toujours mieux que le réalisateur d'Audition et ses films qui feraient de grands courts métrages. Petit inventaire non exhaustif dans le désordre. Une sabreuse qui se bat en usant d'un fouet. Une scène de pont en forme d'Indiana Jones et le temple maudit sous acide. Un lancer de chat. Des fumigènes colorés pour simuler un incendie. Un bad guy grotesque se touchant la barbe et armé des griffes du titre. Des cris et des vols planés ridicules. De la violence drôle parce qu'irréaliste et exagérée. Soit du set de table qui s'encastre dans les têtes et des yeux crevés portés par des effets spéciaux cheap. Le bad guy mentionné plus haut se battant aves des couteaux plantés dans le front. Et le fait qu'après avoir saboté le potentiel scénaristique de son trio amoureux le film décide enfin de se consacrer seulement à de l'action jouissive sur la fin. Associé à une mise en scène faisant souvent dans le service minimum artisanal correct, tout ceci suffit à faire un divertissement de bonne tenue mais pas un grand film. Tout au plus un wu xia pian bon pour une soirée packs de bière à condition d'avoir le doigt près de la touche avance rapide de la télécommande...