Ayant revu ce film avec un plaisir plus que renouvelé, je me suis dit : « allons-y de notre petite contribution sur la fichounette ! » Là : frustration, mes camarades ont déjà tout dit. Et très bien. Ajoutons juste que : Mamoru Oshii voulait raconter l’histoire d’un homme et de son chien, mais qu’Hiroyuki Okiura a insisté pour y glisser plutôt une histoire d’amour. On ne lui donnera pas tort, et on peut s’amuser à opposer la noirceur du script d’Oshii à la vision jeune d’Okiura, enclin à traiter son personnage féminin assez étroitement (il est très peu écrit), que ce soit avec de nombreux plans sur les gambettes de la demoiselle ou via un doublage féminin extrêmement criard. Un peu plus de douceur et de maturité dans le personnage auraient aidé le mélodrame, beaucoup trop poussé sur la fin. La composition de MIZOGUCHI Hajime appuie cette approche avec un soundtrack formidable, très influencé par les compositions d’Eric Serra. Qui nous renvoie donc à Luc Besson et à la vision homme/femme de ses films – l’un des deux possède une naïveté autiste, l’autre non -, un traitement ici appliqué au peu loquace Fusé et à notre terroriste bancale.
Le script d’Oshii explose ce carcan, évidemment, et l’ensemble en devient une complémentarité intéressante de l’approche auteurisante d’un introverti phénoménal et de celle d’un adulescent assumant sainement un comportement humain (plutôt qu’une zoophilie refoulée ?). Les deux cumulés renforcent le discours et illustrent assez bien cette guerre perpétuelle entre la pureté des sentiments et l’horreur des magouilles de leur environnement. Sacrément puissant, mais d’un pessimisme beaucoup trop effrayant : il n’est pas interdit de penser au bout du compte que notre héros est un abruti, plus heureux comme mouton dans sa meute que comme loup solitaire. Un pauvre type. Un militaire quoi… Le recul que l’on prend avec le personnage, on le prend donc également avec l’œuvre. Ce qui ne nuit en rien à l’efficacité de la démonstration, ni surtout à la leçon de mise en scène qui nous est donnée : prodigieuse.
On a parfois taxé le film de Okiura de "politiquement ambiguë" pour ne pas dire fascisant. A tort. Car si Jin-Roh dépeint, dans son exercice d'uchronie (nécessairement) politique, un passé antérieur japonais post seconde guerre mondiale ouvertement militariste et en proie à une guerre civile larvée, ce n'est jamais avec complaisance ou tendresse. Ce n'est pas non plus avec une intention de dénonciation morale. C'est un background historique imaginaire, réaliste dans le traitement (les animateurs ont étudié moult manifestations populaires pour la séquence d'ouverture du film par exemple), sur lequel le réalisateur pose un regard qui se veut égal (itariste) dans sa propension à générer des enjeux politiques. Ici chaque camp en présence a le bénéfice de sa propre ontologie.
Car ce qui intéresse avant tout Okiura c'est de filmer une histoire d'amour, c'est de faire un film romantique là où le script d'origine de Oshii appuyait d'avantage sur l'aspect thriller politico philosophique. Ainsi une des scènes clés de Jin-Roh, le dialogue entre Fuse et son "Chaperon Rouge" -envisageant un instant de fuir ensemble- sur le toit d'un immeuble, est une séquence qui n'était pas dans l'histoire d'origine. En imprimant avec véhémence (suffit de lire les interviews du monsieur) sa sensibilité romantique au matériau "oshiien" (sans jeux de mots à plusieurs degrés bien qui si quand même parce qu'il y a le rapport chien/loup du titre du film et aussi le rapport chien/Oshii, rapport à son chien... à Oshii...) Okiura ne cherche pas seulement à s'affranchir d'un parrainage étouffant pour son ego, mais à faire sien l'univers d'un autre. Alchimie du processus de création qui double la thématique de la manipulation politique et de l'engagement politique, inhérente aux bases même de l'histoire, d'un drame romantique synonyme d'humanité. Car si on peut se permettre un petit reproche envers les histoires de Oshii c'est justement cette absence d'humanité dans des scénarios qui ne parlent souvent que d'Humanité. C'est donc dans cette tension entre deux sensibilités différentes que vient se nicher toute la force du film: le couple "okiurien" se trouve pris dans la toile "oshienne". L'amour platonique entre Fuse et sa prisonnière se heurte à un de ces moments de l'histoire où les solutions individuelles ("oublions tout et partons") se révèlent souvent des illusions car indissociables des solutions d'ensemble...
Mais le véritable drame de ces deux personnages ne se joue pas dans l'impossibilité de leur amour parce qu'ils seraient dans des camps opposés, mais dans la nature opprimée de leurs caractères respectifs. Ainsi, au-delà d'un discours "à la Hobbes" (L'homme est un loup pour l'homme et tout ça...) plutôt convenue, il y a la réalité d'un Fuse transformé en machine à tuer par un processus de déshumanisation psychique typique des méthodes fascistes, et une ex. révolutionnaire "retournée" pas le même processus, mais de l'autre côté des barreaux (en générale les "retournés" sont aussi des "torturés"). Deux personnages vidés de l'élan de vie nécessaire pour consommer un amour qui n'aurait pu être que dans un monde différent, sans leurs histoires respectives de renoncement (Fuse et son indépendance d'esprit) et d'échec (le Chaperon est passé du côté du loup). Sans ce souffle vital pas d'espoir, sans espoir pas de révolte... On dit que ce sont les individus qui font l'histoire, dans Jin-Roh ils la subissent.
Jin-Roh est le dernier grand film entièrement réalisé sur celluloïd, à l'ancienne, au Japon. Le travail est colossal. Le résultat graphique est là. Désenchanté mais beau parce que touchant à quelque chose de vrai et de tragique. Ambiguë Jin-Roh ? Il faut l'être soi-même particulièrement pour y voir un discours édifiant sur quoi que ce soit. Qui aurait envie de vivre dans un monde aussi désespéré ?Je ne vais pas revenir sur les qualités techniques et artistiques de cet anime, elles sont indéniables, et comme je ne suis pas un grand connaisseur en la matière, je laisse le soin aux autres d’en dire 2 mots. Ce qui m’a par contre frappé dans ce film, c’est la complexité de son scénario qui tourne parfois à la plus grande confusion. Une voix off nous assomme dès le début avec la présentation d’une société nippone d’après-guerre fictive en usant de termes barbares (Panzer, Posem – des noms qui sonnent germaniques..), évidemment difficiles à ingurgiter dès le premier coup. Mais si la plupart des films utilisant ce moyen d’introduction laissent au spectateur le plaisir de découvrir de quoi il en retourne par la suite, il n’en est rien pour Jin-Roh.
Ce dernier ménage le flou, voire l’opacité du début à la fin par des rebondissements peu compréhensibles et une métaphore assez lourde jouant sur le rapprochement homme/animal par le biais du conte du Petit Chaperon Rouge. Même après 2 visions, je n’ai encore qu’une compréhension vague du propos du film, assurément très noir. Oshii a pour moi poussé la tortuosité de son script un peu trop loin, et Okiura n’avait peut-être pas le talent nécessaire pour donner vie à celui-ci. Il a choisi d’autre part un rythme lent qui n’est pas un gage de stimulation neuronale. Bref, cette histoire de loup ne m’a pas du tout convaincu, et m’a d’ailleurs plutôt énervé, car je ne vois franchement pas où elle veut en venir.
Jin-Roh est un vrai petit bijou de l'animation japonaise qui a attiré mon attention sur deux points : le scénario et les couleurs.
Le scénario est basé sur le thème de la manipulation. Dans ce Japon sous la pression populaire, des hommes tentent de modifier les rapports de force en manipulant autrui. Chacun, tour à tour, devient alors manipulateur ou manipulé. Le chasseur se retrouve être la proie : les humains sont poussés à devenir un prédateur (le loup). Dans cette chasse, les vrais sentiments n'ont pas leur place : tout est feint, tout est trompe-l'œil, tout est désespéré. Le monde s'écoule doucement dans un monde de plus en plus noir où la vérité n'a plus sa place. Bienvenue dans le Monde des Ténèbres, cher à Anne Rice.
Les couleurs sont en parfaite harmonie avec cette ambiance des plus gothique : les couleurs sont principalement organisées autour du brun et sont relativement pâle. Seul le rouge des petits chaperons rouges semble éclatant, symbole d'une lutte contre l'oppression et symbole d'une fin tragique sans autre issue que la mort.
En nous montrant des images aussi dures, il doit nous faire réfléchir sur l'évolution du monde et ses jeux de pouvoir où le citoyen n'a pas son mot à dire : dans ce cas, la révolution, du moins la révolte, sont inéluctables comme l'histoire l'a déjà montrée.
Dans le style : le Japon tout détruit et reconstruit sous l’emprise de personnes plus ou moins humaines, Jin Roh est bien placé dans mon classement personnel. Habituellement je n’apprécie pas vraiment ce genre de manga, mais là…
L’histoire m’a interpellé. Pourquoi ? Sûrement pas pour l’animation ! Les dessins et l’action ne m’auront pas déconcentré. Par contre le fond de l’histoire et cet amour controversé et feint est très bien mis en scène et laisse la place à une fin assez dure et presque imprévue. Encore un auteur tordu. ;-)
Peut être aussi que le thème du loup a retenu mon attention. Et oui, je n’aime pas que les chats. ==^..^==
Une seconde vision de cet anime me permettrais peut être d’en mieux profiter et surtout de partir sans mes a priori habituels vis à vis de ce genre de scénarios.
J'aime bien les films dramatiques pourtant, mais ici on attend la limite entre le noir et le trou noir. Autant dans certains films tout le monde meurt, mais il reste quelque chose à sauver qui a été sacrifié sur l'autel de la guerre, de la cupidité, etc... Ici rien.
Le film est pourtant splendide (malgré les défauts de compression du DVD lorsque je l'ai vu, on dit merci à Sassa), avec une excellente musique. Les tons de couleur sont très pâles et tristes, les personnages sourient peu. L'ambiance est très bien définie, le scénario intéressant et bien construit sans être trop compliqué.
A tous ces niveaux, le film est très réussi, mais c'est sa conclusion qui me bloque. Tout le monde a trahi tout le monde, personne n'est humain finalement, ou si quelqu'un est humain il est tué. On hésite sur le cas de Fusé, mais plus tellement en fait sur la fin. Dommage, le noir pour le noir je n'aime pas trop.
Comme le dit Damien, ce film est techniquement parfait. Bons dessins, animation sans faille et un choix des couleurs parfait pour créer l'atmosphère idéale au récit. Rien à ajouter, la forme est irréprochable.
En ce qui concerne l'histoire, on peut être dérouté: l'être humain y est décrit dans toute sa complexité. Luttes internes au sein des sphères dirigeantes, états d'âme des combattants, mensonges que l'on fait aux autres ou à soi même, manipulations... Une intrigue complexe aux dénouements totalement innatendus (et assez terribles, une vision bien sombre de la vie...). Si vous ne souhaitez pas agiter vos neurones, inutile d'aller voir ce film !
En revanche si l'intrigue est complexe le film est parfois un peu lent (comme beaucoup d'anims japonais). Il ne faut pas exagérer non plus, Jin Roh était suffisament captivant pour tenir Damien éveillé là où Totoro avait échoué!
En conclusion: un film superbe, captivant. A ne pas manquer !
Réalisé par H. Okiura, character designer sur Ghost in the Shell, ce film s'est résolument dirigé vers une esthétique réaliste, et cela surprend. Si le trait fait immanquablement penser à Ghost in the Shell, ce qui est normal vu que c'est grosso-modo la même équipe qui a fait les deux films, Jin-Roh n'hérite pas des visages caricaturaux de Shirow. Esthétiquement, le film est donc superbe, avec des lumières, des personnages et des décors excellents à tous points de vue.
Regardons maintenant du côté de l'histoire. Basée sur un des manga de M. Oshii, elle décrit les tensions entre les différents groupe maintenant l'ordre public dans ce Japon hypothétique du passé. La POSEM doit-elle subsister, telle est la question. A travers les complots dans lesquels se trouvent mêlés Fuse, le petit chaperon rouge et les dirigeants des différents clans, se dépeint l'ignominie d'un pouvoir qui lutte pour sa survie et non pour son pays.
La métaphore utilisée est celle du monde animal, avec pour emblème le loup. Une espèce à part, qui vit en meute et chasse pour survivre. La brigade des loups n'est pas formée d'hommes, mais d'homme-loups (jin-rô), dont les motivations peuvent nous échapper. Cette unité est donc à part dans un monde guidé par l'ambition politique, et n'a de cesse que de survivre sans délaisser ses convictions.
En résumé un excellent film au scénario original et intéressant, soutenu par une animation superbe et une bonne réalisation. Ne manquez pas ce moment rare au cinéma.