Astec | 3 | Quartier lointain |
Grand succès de YAZAWA lors de sa parution au Japon entre 95 et 98, Gokinjo a également connu des déclinaisons animées produites par le studio Toei sous la forme d’une série de 50 épisodes (aussi diffusée en Italie) et d’un petit film de 30 minutes.
Manga plein d’énergie à l’humour efficace, Gokinjo est aussi un shôjo bien écrit, qui brode intelligemment avec les codes du genre, et sait enrichir son univers par la présence d’une galerie de personnages secondaires bien campés, possédant leurs dynamiques propres. Le point de départ est classique, voire banal, mais tout le talent de Yazawa est d’en tirer quelque chose de léger et d’amusant, avec juste ce qu’il faut de gravité pour rendre crédible les péripéties amoureuses des personnages. Histoire d’enrichir un peu plus l’intrigue tout en jouant sur l’ambiguïté des relations à l’âge adolescent, YAZAWA place son propos sur l’éveil amoureux à la frontière entre amour et amitié, jouant sur la porosité de cette frontière pour en faire un ressort dramatique efficace, un ressort certes éculé dans le monde du shôjo, mais efficace. Il n’y a pas de mystère, les qualités narratives de l’auteur de Nana se retrouvent aussi dans Gokinjo, mais à un degré moindre en raison du ton - plus léger et frivole - comme du temps : l’auteur a depuis progressé.
Si graphiquement YAZAWA a également évolué depuis Gokinjo, son dessin paraît tout de même déjà bien installé et le lecteur familier avec son travail retrouvera sans déception son style caractéristique, avec un soin particulier pourla garde robe des personnages. On retrouve également la propension de l’auteur à créer un univers fictif souvent intimement lié à son quotidien (tel bar ou restaurant évoqué dans le manga existe pour de vrai, tel personnage secondaire aussi...) et se prolongeant d’un manga à l’autre, sans pour autant rendre ses récits interdépendants au point d’en interdire l’accès aux lecteurs non familiarisés. Bref, ça plaît aux fans et ne gêne pas les autres. Les manga Gokinjo et Paradise Kiss - dont la publication en France s'est faite en même temps, par deux éditeurs différents - entretiennent d’ailleurs une relation particulière qui ne fait pas de l’un la suite directe de l’autre, mais presque. Paradise Kiss, publié plusieurs années après Gokinjo, en plus de se situer dans le même univers, comporte ainsi plusieurs personnages secondaires intimement liés à ceux de Gokinjo, dont la petite sœur de Mikako. Si dans l’absolu les deux intrigues ne sont prolongent pas et peuvent donc s’aborder indépendamment, Paradise Kiss, par la seule existence de certains de ses personnages, peut amoindrir le « suspense sentimental » d’une ou deux histoires secondaires de Gokinjo. Donc dans l'idéal, lisez ces 2 mangas dans le bon ordre.
Gokinjo une Vie de Quartier a beau se présenter sous les meilleurs auspices en tant que shôjo, il est tout de même probable qu’il ne fera pas l’unanimité de la même façon que Nana (de la difficulté de découvrir une bibliographie à rebours...) en raison de sa tonalité plus bon enfant, correspondant au public visé. Les (grands) garçons ayant été séduits par Nana sont donc prévenus...