Douloureuses nouvelles...
Avec sa thématique abordée plutôt grave,
Une femme de Tokyo narre le parcours chaotique mais humain d'une jeune dactylo, Chikako (interprétée par la magnifique Okada Yoshiko) qui se prostitue le soir pour payer les études de son frère Riyoichi. Elle le cache, jusqu'à ce que la rumeur se fasse persistante. Le problème est que Riyoichi ne va pas accepter longtemps cette forme de revenus et provoquera un véritable séisme au sein du foyer. Oeuvre noire par excellence,
Une femme de Tokyo est l'un des films les plus pessimistes de son auteur en comparaison avec ses différentes réalisations la même année. Si l'on fait l'impasse sur le pompage pur et simple de deux séquences de
If I had a million, son oeuvre demeure personnelle, aux influences occidentales bien moins prononcées que dans
Femme d'une nuit réalisé trois ans plus tôt. Le style de filmage au ras du sol d'Ozu commence à voir le jour, tout comme l'abandon régulier des nombreux travellings quasi fétichistes (notamment sur les bouteilles d'alcool de
Va d'un pas léger (1930), briquets, chapeaux, linge) qu'on ne voit pas tant que ça ici. Ils sont remplacés par l'usage régulier de plans vides, où Ozu s'amuse à filmer une pièce, un décor, dans un simple soucis d'évacuation de toute la pression ressentie au vu du contexte difficile du film. Mais ces plans n'apportent absolument rien au récit ni à la dynamique d'ensemble, sans signification quelconque. C'est pourquoi on pourra trouver
Une femme de Tokyo parfois un peu lent et vain (pourtant le film ne dépasse pas 50 minutes) malgré toute la bonne volonté des interprètes, en l'occurrence les deux frères et soeurs Chikako et Riyoichi, tous deux extraordinaires. La séquence où ce dernier distribue une paire de baffe à sa soeur s'avère être réellement poignante, les deux protagonistes étant en larme, tous deux bien conscients de la gravité des évènements (la prostitution de Chikako) alors que paradoxalement Chikako ne veut que son bonheur. Le climax de fin demeure aussi particulièrement réussi et troublant. Un moyen-métrage à voir pour quiconque trouve le style d'Ozu période muet, trop burlesque ou trop romantique.
Frère et soeur
La même année que son Femmes et Voyous pas encore affranchi de l'influence hollywoodienne, Ozu livre ce très étrange et très court Une Femme de Tokyo. Soit un mélodrame commençant plutôt avec lenteur et retenue autant sous influence (l'usage très film noir hollywoodien du clair obscur, les scènes d'extérieur) que tentant de les dépasser par moments (les plans étirés à hauteur de tatami, quelques ellipses). Et puis ces gros plans difficilement explicables comme si Ozu se cherchait alors. Ou cette insertion d'extraits de If a had a million de Lubtisch en plein milieu du film lors de la séquence du cinéma en forme d'hommage admiratif mais aussi d'écho au récit où les difficultés financières d'une femme vont jouer un rôle capital. Le tout est souvent monté de façon assez bancale, certaines séquences s'étirant trop. Le scénario aurait sans doute mérité un peu plus de développement et le film ne se trouve vraiment que sur la fin. Cette fin qui annonce le versant le plus noir d'Ozu, celui de L'Amour d'une mère, d'Une Poule dans le vent et de Crépuscule à Tokyo. Dommage que cela s'arrête trop tôt...
melo social
ça pleure beaucoup.
Un semblant de légére mise en abyme avec cette séquence de "si j'avais un million", et l'emploi des journalistes sur la fin, qui pourrait renvoyer, peut-être, à certains penchant de spectateur venu là , par pure curiosité, chercher un drame intense, et se retire ensuite détachés, sans empathie. Car nous quittons bien ce film en accompagnant ces journalistes à la recherche de nouveaux scoops, spectacles...
Charmant mélo
Ozu signe un beau portrait de femme cachée avec ce moyen métrage mélodramatique solidement interprété (on y retrouve plusieurs comédiens fétiches du réalisateur) et honnêtement mis en scène, où la perte d'honneur d'une personne suscitera en un rien de temps une épouvantable tragédie intimiste. Parfois un brin trop solennel pour ne pas dire tire-larmes, tantôt prolixe lors de certaines séquences et concis à l'excès durant d'autres,
Une Femme de Tokyo semble assez inégal dans sa narration et peine en ce sens à susciter un intérêt perpétuel. Mais la bonne direction d'acteurs, le décor habilement utilisé et la conclusion de l'histoire somme toute émouvante par sa gravité en font un honorable petit film à réserver en premier lieu aux inconditionnels du cinéaste nippon.
Fille sans joie
"Une femme à Tokyo" annonce clairement la prochaine profonde mutation de l'oeuvre d'OZU pour un cinéma pour lequel il est mondialement réputé.
Tourné avant "Femmes et voyous" - (de nouveau plus classique et sous influence américaine que le présent film), ce court film (47 mn) contient - entre autres - ses premiers plans à "ras le tatami" et une surabondance de plans fixes sans réelle explication autre que la rupture de ton, le ralentissement de l'action et l'instauration d'une étrange atmosphère aérée.
Fidèle à son amour immodéré pour le cinéma américain, OZU intègre au film un large extrait (générique inclus) du "If I had a million" (ainsi que l'affiche de "Mädchen in Uniform") d'Ernst Lubitsch.
Quant à l'intrigue, elle se situe davantage dans l'ère du temps avec le drame d'une jeune femme se prostituant pour lui permettre de payer les études de son frère. Etrangement, OZU "caste" une nouvelle fois un homme bien trop mature dans le rôle de ce qui devrait n'être qu'un juvénile étudiant. La trame est assez prévisible, sur-dramatisé à souhait et pas totalement convaincant dans l'interprétation des différents protagonistes et il faut mieux avoir lu le résumé pour pouvoir signifier toutes les subtilités d'une intrigue pas très claire - notamment dans l'étrange fin concernant la presse (à scandale).
Film embryonnaire de la future oeuvre d'Ozu en devenir, "Une femme de Tokyo" emprunte quelques nouvelles voies inédites dans un schéma donné autrement plus classique et a bénéficié d'un surprenant succès populaire à sa sortie confortant le cinéaste à poursuivre dans sa voie engagée.