Ce qui est intéressant chez Obayashi Nobuhiko, ce n’est pas forcément l’étiquette qu’on lui a collée au dos depuis ses premières marques au cinéma. Ce n’est pas non plus le fait qu’il soit LE cinéaste de la jeunesse, encore moins l’auteur sympathique si apprécié au Japon ou encore le faiseur d’images délirant que l’on connait depuis House en 1977. Le cinéaste est également maître du film protéiforme, multi-genre, à la thématique certes sans surprise mais contenant souvent d’innombrables idées de cinéma ou de manières d’aborder un genre somme toute banal. Le film sur l’adolescence, la découverte du corps, les états d’âme liés à l’évolution du corps, il suffit de regarder la série de base adolescente pour s’apercevoir que ces thématiques là ne sont pas nouvelles. Elles sont pourtant ici sublimées par le regard d’un cinéaste attaché à ses personnages, et une faculté à préserver un style d’une exquise douceur et simplicité au détriment de ses expériences visuelles et sensorielles délirantes, à l’image de son œuvre précédente, le beau, kitsch et illuminé The Aimed School. Ici, très peu d’artifices formels sont à déplorer si ce n’est ces moments d’enfance filmés en caméra Super 8 et accompagnés d’une musique que l’on croirait piochée de l’œuvre d’un Naruse, Ozu ou encore Shimizu quarante ans plus tôt. Tenkosei aurait également put être entièrement tourné en noir et blanc si la science-fiction ne pointait pas le bout de son nez, faisant ainsi basculer le film vers une dimension toute colorée, incroyablement chaude et accueillante à l’image de la ville d’Onomichi qui sert ici de terrain de jeu, ville d’enfance du cinéaste qui sera une nouvelle fois captée avec maestria dans ses futures œuvres.
Tenkosei est donc une œuvre très simple, déjà apaisée, sur le passage de l’adolescence vers l’âge adulte accéléré par un bouleversement surnaturel : une nouvelle élève arrive dans la classe de Kazuo et se lie d’amitié avec lui parce qu’ils se connaissent déjà depuis leur tendre enfance. La jeune fille, Kazumi, est un personnage au très fort caractère et ennuie Kazuo plus qu’autre chose. Alors qu’ils se baladaient près d’un temple sur les hauteurs de la ville, Kazuo déséquilibre Kazumi sans le vouloir, après lui avoir shooté une canette dessus. Au moment de tomber, Kazuo la rattrape mais ne peut retenir leur chute. Après avoir dégringolé les marches, les deux ados se réveillent un peu cabossés. Une fois séparés pour la journée, ils se rendent compte d’une incroyable chose : leurs esprits ont changé l’un et l’autre de corps. Résultat, Kazuo se retrouve dans un corps de fille et vice versa. Une nouvelle étape dans leur vie va alors commencer, chacun devra apprendre à vivre comme la société le leur demande : devenu une fille, Kazuo va devoir apprendre à se tenir et retenir sa langue lorsque les insultes sont tentantes, comme toute jeune fille bien éduquée du pays, parmi d’autres obligations encore. De son côté, Kazumi qui est à présent un jeune homme, va devoir affronter tous les petits tracas inhérents à son nouveau corps et à ses activités scolaires. Autant dire que le film se permet quelques libertés de ton délicieuses, portées par une composition musicale nostalgique, et des séquences d’intense émotion entre les deux tourtereaux, en particulier au cours d’une des dernières séquences où Kazumi souhaite toucher le corps qui est en fait le sien, c'est-à-dire la métaphore de la (re)découverte du corps, approche fantastique de la sexualité par un auteur tout sauf crapuleux. D’ailleurs, les plans de seins nus de Kazumi n’ont rien de politiquement incorrect malgré le fait que la jeune fille soit considérée comme une écolière.
Quoiqu’il en soit, Tenkosei est une pause artistique pour Obayashi Nobuhiko. Simple pause car le cinéaste exploitera de nouveau son sens du cadre tordu et ses expérimentations de l’image dès son œuvre suivante, The Little Girl Who Conquered Time. Néanmoins, cet opus là est loin d’être aussi marquant que prévu malgré ses immenses qualités. On pourra toujours pester face à un montage parfois étrange, très sec même, et son matériau bien exploité mais qui aurait mérité plus de folie à l’écran. Non pas que l’interprétation soit médiocre, elle est même plutôt satisfaisante et légère, mais le fait que Kazumi soit au départ très caractérielle aurait du rendre son personnage garçon tout aussi têtu et grande gueule, pour une plus grande cohérence « spirituelle ». Effectivement, le personnage « physique » de Kazuo est timide et le restera, bien que Kazumi soit aux manettes, elle pourtant si forte et hyperactive. C’en est presque frustrant de ne pas voir les rôles s’inverser complètement. Reste qu’au final, Tenkosei est une œuvre sur la jeunesse et tout ce qui l’entoure (craintes, amours, questions existentielles) traitée avec un regard de cinéaste unique au monde.
La Nouvelle de la Classe réunit le fantastique ainsi que le comique pour nous raconter les difficultés de deux adolescents. Un gars. Un fille. Les acteurs sont très bons voire excellents dans leur interprétation respective. Cette oeuvre est une véritable réussite dans cette façon qu'a le cinéaste à pouvoir raconter simplement et sobrmement tous les tracas du quotidien de ces jeunes. Une bouffée d'oxygène cinématographique.