Ici plus que jamais, il faut faire abstraction de ses préjugés et voir ce film sans se dire que le fait qu’il dure 3H30, qu’il soit japonais et en NB soit un handicap.
Eurêka est en effet une œuvre rare, quasiment jamais-vue. On peut dire que pour son sixième long-métrage, Aoyama a réussi un tour de force exceptionnel en imposant ses choix artistiques et la durée du film à ses producteurs. D’ailleurs, bien lui en a pris car il a eu tout à fait raison. Je rassure tout de suite ceux qui paniquent à l’idée de passer 217 minutes devant ce film et qui ont peur de s’ennuyer : il n’en est rien. Tout d’abord parce que Aoyama insuffle de la vie dans son cinéma par des mouvements de caméra très amples et un choix du noir et blanc « chromatique » agréable à l’œil, qui fait fonctionner le film comme un long rêve éveillé, et d’autre part parce que son histoire s’enchaîne de manière limpide, presque évidente ; tout se tient, tout semble logique, mais on ne sait pourtant à aucun moment du film ce qu’il adviendra le plan suivant.
La vision d’Eurêka occupe donc un après-midi complet ou jusque tard dans la soirée, mais elle est nécessaire. Nécessaire parce qu’elle apporte beaucoup à son spectateur par son aspect si humain qu’elle en devient bouleversante. Aoyama prend le temps d’installer son histoire et ses personnages qui, au fil des minutes, prennent de la consistance jusqu’à devenir des membres de notre propre famille pour lesquels on peut s’émouvoir. Et un peu à la manière de Kitano, il arrive à faire passer ces émotions en étant le moins spectaculaire possible : un simple plan sur les 3 personnages principaux dans le mini-bus partant pour un périple initiatique, ou le regard de la petite fille vers le train qui arrive alors qu’elle est sur la voie nous remue au plus profond, tout simplement parce que la symbolique des images et des idées est très forte.
On peut considérer Eurêka comme une séance de psychanalyse, ou comment retrouver le goût à la vie lorsqu’on est passé si proche de la mort. Sans artifices et sans psychanalystes, les 3 personnages principaux vont tenter seuls de se reconstruire. Un des trois n’y arrivera pas et sombrera dans la folie, mais les 2 autres, à force de courage et de patience, vont petit à petit renouer les liens de communication qui les avait fui un moment après cette prise d’otage. Bref, ce film vraiment est d’une finesse psychologique incroyable, tellement maîtrisée que personne ne peut y rester indifférent (il faut dire que personne n’est à l’abri d’une telle expérience...). Il nous fait comprendre que malgré ces terribles épreuves, il faut vivre tant bien que mal avec cette souffrance enfouie au plus profond de nous, et 3H30 n’étaient pas de trop pour développer ce douloureux sujet. Life goes on...
Quelque chose ne passe pas et pourtant...
Difficile de reprocher quelque chose à ce film aussi bien dans l'esthétique que dans la trame narrative. Pourtant, j'ai été géné du début à la fin et croyez moi ça fait long 3H30 quand quelque chose coince. Dans des scènes où tout semble juste, il reste cette impression d'étriqué, de contrainte. Il me semble que si Aoyama Shinji touche juste avec ce film, c'est parce que le sujet correspond à sa capacité cinématographique, mais qu'au sein de ce sujet il n'a aucune liberté. Non pas qu'il domine son sujet, mais que celui-ci cadre simplement avec ses propres limites de cinéaste. Il n'y a que deux plans dans le film qui me semblent témoigner d'un réel regard, celui du la tige coupée et celui des 4 personnages devant le bus, ce qui ne fait beaucoup pour un film de cette durée (de cette longueur dans mon cas).
C'est cette impression qui a gaché ma vision du film, dont l'histoire est par ailleurs magnifique d'humanité. Dommage.
Très beau mais pas exempt de pose.
Des qualités suffisantes pour être un minimum émouvant, Eureka n'en manque pas: la variété bienvenue amenée par le mélange des genres du scénario, des acteurs excellents -Yakusho Koji en tête-, une superbe Bande Originale, un vrai sens du cadre en Scope et un sépia porteur d'optimisme pour ses personnages. On garde d'ailleurs un souvenir ému de notre découverte du film. Mais avec le recul on aurait tendance à donner en partie raison à ceux qui avaient décelé de la pose dans le film. Tout simplement parce qu'entre temps la découverte de ses autres réalisations a permis de mieux entrevoir les limites du talent d'Aoyama. Repris à l'identique dans d'autres films du cinéaste, les choix formels d'Eureka y sentaient souvent la pose artiste, le cinéaste autosatisfait se regardant filmer. On peut donc désormais revoir Eureka à la lumière de ces ratés-là.
On a encore en tête le cas Kurosawa Kiyoshi qui avait trouvé avec Kaïro un sujet capable de neutraliser une partie de ses mauvais penchants: les contraintes du film de fantômes nippons empêchèrent le déploiement de sa prétention dialoguée et de son goût pour l'image trop facilement symbolique. Ce genre de petit "miracle", Eureka le produit aussi à sa manière. Eureka parle peu, ça évite à Aoyama de glisser ses dialogues puants de prétention et d'être archidémonstratif. Eureka parle d'un lent retour à la normale après un traumatisme. Si cela offre une justification au parti pris de lenteur rythmique du film, le montage est-il alors pour autant exempt de tout reproche? Non, loin de là. Car la tendance à l'étirement des plans lorsqu'il n'y a pas grand chose à voir dans le cadre sent la pose à plein nez. Cette dernière plombe juste Eureka beaucoup moins que d'autres films de cinéaste.
Tout ceci n'enlève donc nullement au film les qualités qui le tirent vers le haut. Mais Eureka est finalement plus une réussite dans laquelle Aoyama ne gâche pas trop son talent que le chef d'oeuvre/révélation d'un grand d'Asie salué en son temps.
Prenante et belle, une oeuvre singulière
Lorsque l'on ose l'expérience Eureka, il faut avant tout être prêt à digérer un film très long à la signature évidente, celle d'un cinéaste capable d'offrir quelques grands moments de cinéma contemplatifs, ceux que l'on trouvait chez Tarkovski et que l'on trouve aujourd'hui chez Béla Tarr. Excusez du peu, et si la symbolique du "plan étiré" n'a pas la même signification que chez ces deux grands cinéastes du cinéma mondial, force est de constater que son petit effet "épate" marche du tonnerre pour quiconque approuve cette démarche de cinéaste. On y verra de la pose, il est vrai (il n'y a qu'à voir la dégaine des quatre allongés sur l'herbe, leur placement symétrique devant le bus lors du départ en voyage...), mais pourquoi pinailler? Mettons tout autre film du cinéaste de côté, et jugeons Eureka pour ce qu'il est réellement. Aoyama rentre dans la cours des "grands" de festivals le temps de trois heures trente inspirées, soufflantes malgré un rythme d'ensemble qui tend à la lenteur, la longueur, le renfermement et l'ouverture dans son plus grand paradoxe, festival d'émotions pudiques et retenues, solitaires certes mais que le spectateur analyse parce que Aoyama nous donne cette possibilité. L'étirement des plans laisse ainsi le temps de capter la moindre des émotions, d'un Yakusho Koji formidable d'abnégation à une Miyazaki Aoi ténébreuse et muette. Ce qui marque aussi c'est bien sûr l'aventure que vont vivre les quatre membres de cette "nouvelle famille", des préparatifs au sein du manoir au voyage en bus avec meurtres à la pelle en intrigue sous-jacente, bricole classique histoire d'entretenir un minimum de matière et de suspense pour qu'Eureka ne se transforme pas en film de vacance tourné en scope. Des scènes marquantes, le film n'en manque pas et parvient même à les enchaîner sévère au fur et à mesure que les personnages se séparent : Makoto rassurant Kozue dans son lit, la confrontation Naoki/Makoto seuls dans la nuit, la ballade de Kozue seule sur la plage, et bien d'autres encore hissant le film au rang de vraie réussite marquante du cinéma japonais du début des années 2000. Certains plans rappellent le style de Kitano Takeshi, notamment les champs/contre champs où les personnages se regardent, interloqués, mobiles. La musique planante épouse aussi à merveille la beauté extraordinaire des images, les cadres faisant preuve d'un soin aussi rigoureux que chez les grands maîtres plus connus. Cette tragédie moderne camouflée en poème amer est aussi bien une leçon sur une vie à reconstruire qu'une critique acerbe sur l'Homme laissé de côté. Un moment merveilleux.
Un voyage éprouvant
Faire une critique cohérente d'un film pareil relève de l'exploit, et même si j'ai des doutes sur ma capacité à le faire, je vais essayer, parce que j'estime qu'il en vaut la peine. L'une des grandes qualités du film, et qui m'a énormément touché, c'est que malgré son sujet grave, le traitement ne sombre jamais dans le désespoir ou dans le mélodrame.
Le réalisateur a la décence de ne pas juger, il nous présente ses personnages, et nous les rend attachants, sans grands discours ou situations clichées. C'est un film vrai, presque de la tv réalité (dans le sens premier du terme, pas celui de ces émissions grotesques qui montrent que l'homme a de plus bas et comme il se complait dans ses bas instincts.) qui malgré tout baigne dans une ambiance à la limite du surnaturel. A part le ton sépia qui imprègne le film d'une ambiance particulière, aucun artifice ne vient troubler cette étude. Ce parti pris de travail sur la couleur est esthétiquement très approprié, et nous offre quelques plans très "anime" contribue à créer un paradoxe entre la vérité des sentiments et de l'ensemble, et ce sentiment étrange d'irréel.
Le choix des acteurs est un autre point positif. Le "héros", qui n'est pas si anti héros que ça, est qui est bouleversant d'humanisme, est magnifié par l'acteur qu'on avait déjà vu dans "cure" ou "l'anguille". Les autres acteurs, en particulier les enfants, ne déméritent pas, mais c'est vraiment lui qui porte le film, son talent est incroyable. Malgré la longueur du film, les événements s'enchaînent sans qu'on voit le temps passé, à part dans le dernier quart, qui aurait pu être un peu raccourci théoriquement. Mais dans les faits, ce dernier quart se devait d'être ainsi, pour que l'on soit frappés de plein fouet par cette fin magnifique. Difficile d'en dire davantage, tant c'est un film particulier, qu'il faut voir, qu'il faut vivre, car c'est ça le message du film, il faut vivre! et c'est le plus beau des messages je trouve!
dur à faire la synthèse
Eureka est un film unique, expérimental, inaccessible pour beacoup (très lent et long), malgré cela il s'en dégage quelque chose de fort, on se laisse hypnotiser par ces plans épurés, cette photo sépia et ces acteurs magnifiques, tout en retenue.
le réalisateur signe ici son meilleur film, espoir déçu par Desert Moon, son suivant.
Gâchis.
Mon avis va certainement bien contraster avec l'enthousiasme général, mais je dois le dire : je suis déçu, déçu...
Le film traite de sujets intéressants (la reconstruction de soi-même , notamment), mais accuse d'un énorme défaut..
Bref topo :
Une prise d'otages dans un bus par un salarymen en chute libre.
Des morts, et au final, seulement 3 survivants : le chauffeur, Makoto, ainsi qu'un frère et sa soeur, Naoki et Kozue.
Après le choc de la prise d'otages, chacun se retire et essaye tant bien que mal de reprendre sa vie...leur destins vont se recroiser...
C'est le tout début, mais je préfère ne pas spoiler plus loin.
Donc voilà, on est partis pour ~ 3 h 30 (ah oui, quand même.) de psychanalyse à l'écran.
C'est tourné dans les tons sépia (avec très belle photo d'ailleurs), et c'est assez dépouillé...dans tous les sens du terme.
Visuellement comme narrativement.
Techniquement, c'est pas mal dans le genre, et on a le droit à quelques plans superbes...
Les acteurs sont tous très justes, malgrès le mutisme ambiant, et la musique est excellente.
Alors quoi ?
Alors au final, c'est bien fait, ça traite de sujets intéressants, y'a des scènes qui claquent méchamment...mais c'est très, trop contemplatif.
Non pas que je n'aime pas le genre hein, au contraire...j'ai beaucoup aimé Dolls de Kitano entre autres, c'est pour dire.
Mais là, il y a des limites...
Quand on décide de faire un film de 3 heures 30, faut pouvoir les justifier un minimum et savoir les gérer.
On aurait réduit le film d'une heure et demi, ç'aurait gagné pas mal de points au final.
Pour le dire en clair, le seul véritable défaut du film est sa mauvaise gestion du rythme et sa durée abusivement inutile.
C'est franchement dommage, en sachant que le film a les qualités précitées plus haut, c'est-à-dire beaucoup, de voir le gâchis énorme que ce seul (mais important) point peut provoquer...
Malgrès tout, c'est indéniablement intéressant et unique, et je pense même que je ferai l'effort de le réévaluer un de ces 4.
En tout cas, je regarderai d'autres films d'Aoyama, en espérant très fort qu'il ait appris à gérer son temps...
Comment dire...
... 3H37 de bonheur sombre. L'un des films les plus humains, pudiques et optimistes qu'il m'ait été donné de voir.
Peace
Un long et grand voyage initiatique dans un monde autre où le temps semble figé. Les personnages évoluent dans un monde désertique, matérialisation de leur âme vidée.
Le réalisateur filme les corps dans des lieux trop grands, une traversée du désert quasi Fordienne tant les espaces semblent illimités.
La caméra ne s'affole jamais, elle prend son temps, elle est objet chirurgical qui sait prendre la peine de s'attarder sur les mouvements, elle gère l'espace-temps...
Ce film est une expérience unique, une évasion perpétuelle des sens aux frontières du néant, là où l'oeil est témoin à perpétuité, une invitation au voyage.
Film d'auteur lent, contemplatif, parfois emprunt de fulgurance dans des explosions surréalistes comme ces tableaux où le détail clinquant semble annihilé dans un espace trop grand.
Film méthodique car toujours sur le fil du rasoir, jamais prétentieux, toujours contenu.
Le road movie croise le drame existentiel avec des touches de psycho-killer. Le brassage des genres passe comme une évidente déconstruction-reconstruction de l'objet cinéma, les valeurs se définissent sur l'échelle des sens, traduisent une évidente psychanalise du primate. Les personnages sont emmenés sur un long chemin de croix qu'il leur faut suivre pour tenter de ne pas succomber au fatalisme de leur destin.
Un grand questionnement sur notre destinée, sur notre capacité à la définir, sur les chemins à prendre et ceux à ne pas prendre.
Evitant les piéges de ce genre d'oeuvre, le réalisateur réussit à nous entraîner dans un long trip où nos sens sont mis à l'épreuve sans jamais être brusqués, ou le dosage des genres est si pesé, qu'il en devient presque essentiel de savoir s'attarder sur chaque thème.
Une expérience cinématographique unique dans un noir et blanc d'une beauté digne de Mizoguchi, d'une grande bouffée d'air digne de Ford, quelques touches Hitchcockiennes,...
Extinction des feux. Vous savez, vous l'avez lu, vous venez de vous engagez pour une durée dite interminable de 3h37 minutes. Un engagement volontaire et intellectuel qui ferra appel à l'ensemble des sens de votre regard. Ouverture en scope. Eblouissement sépia. Lumière. Un bloc de résistance clair commence à s'offrir et s'insinuer vers vous. Plus qu'une solution : accepter de le prendre et de tenter de le comprendre ou bien fuir. Tenter la sortie de secours, dormir. Vous n'avez pas dormi. Vous étiez là. Vous avez appris à vivre l'expérience du temps par l'image. Le temps de comprendre quelques bribes de vies. Des vies marquées par le trauma. L'expérience rare autant que commune de la mort. Mort commune pour tous, mais pas pour nos personnages qui la traverseront par la déchirante obstination cérébrale que provoque celle donnée par le meurtre. Le don divin de l'homme du droit de vie et de mort sur son prochain. La faculté troublante de prendre ou de laisser le monde à l'autre ; d'agir sur le filigrane invisible des destinées humaines.
Par la durée vous plongez en apnée dans quelques conséquences du détail. Vous perforez le système nerveux des témoins et victimes du drame. Un drame extra ordinaire : prise d'otage d'un bus avec meurtre à la clé. Le temps d'une ellipse et de quelques balles qui ne se sont pas perdues ; le temps qu'il faudra à deux enfants frère et sœur et au chauffeur pour déterminer le lieu exact où leur vie va bifurquer. Le moment donné où leur rapport avec la vie et la mort va prendre un tournant définitif. L'après n'étant plus que la conséquence. Le monde s'est perdu, il va s'agir maintenant pour nos trois personnages de le retrouver. Dans une quête mélancolique et désabusée. Comme si la mort inéluctable en chacun et dans tout avait empli chacun des pores de l'existence.
Tel le raz de marée annoncé dès les premiers plans, une vague insondable ne cesse dès lors de l'accident de parcourir chaque plan suivi. Nos personnages en quête tentent de se reconstruire. Reconstruire une famille, bâtir des liens. Solidarité de l'événement. Affinités profondes et muettes de l'expérience rare les mettant hors de portée de la réalité commune. En dehors des droits légaux, des lois. Hors champ. Réunis par des conséquences tout aussi singulières que l'événement commun, ils sont ensembles pour panser les plaies qu'ils sont seuls capables de comprendre. Et nous spectateur, suivons pas à pas par le principe de quelques images, la reconstruction tendre, fragile et amère de leurs affects déchirés par une lame à double tranchant et sans manche.
Isolés, perturbés, personnages et spectateurs se confondent dans le champ d'une histoire et de plan exceptionnels. Inimaginables. Votre regard témoin d'une douleur incisive que l'on ausculte au microscope et justifiant la durée rare d'une projection. Le minimum requis pour tenter de donner quelques facteurs intelligibles à votre conscience et à vos sens. On ne traite pas des conséquences du traumatisme sur la conscience sans prendre le temps d'examiner le plus près possible chacune des racines du mal. Chaque point de haute sensibilité visant à modifier de manière possible, toute votre perception du monde, des hommes, de l'homme.
Sur l'autoroute sans soleil du regard de nos personnages, nous poursuivons ensemble la verticale implacable qui doit nous mener vers le deuil. Pour accepter sans oubli ; renaître ; vivre avec ses morts et leur pensée ; être et redevenir avec la certitude pleine douce et amère que la mémoire sera toujours là et conséquence. Pour eux, pour elle, la mer, cette nature insurmontable, invariable de flux et reflux matériels et éphémères, déterminera enfin l'éclatement des cloisons mentales prisonnières du mal, vers la renaissance possible des pigments spécifiques d'un bonheur certain ; pour s'échapper enfin de l'impasse sombre et muette et retrouver le monde pas encore perdu des couleurs de la vie.
Un moment unique.
EUREKA est un film trés ambitieux qui réussit son pari initial:accrocher le spectateur pendant plus de 3H30 .Et cela sans effets techniques ahurissants, sans effusions ni surcharge narrative.Un authentique road-movie version japonaise, mais qui marque une date dans la façon de faire des films.
D'une beauté visuelle constante, jamais cette histoire ne génère d'ennui, mais bien au contraire de l'émotion au travers de paysages parfaitement choisis, et surtout des personnages forts et crédibles.
Ballade désenchantée sur les routes nippones, elle est portée par le décidemment impeccable Koji Yakusho et deux adolescents (dont la jeune Aoi Miyazaki) troublants de vérité.Peu de dialogues, mais que de regards et d'attitudes révélateurs!Lorsque une scène est un peu plus "parlée" ,cela donne cette séquence de rupture entre le héros et son ex-femme:bouleversant.D'une pudeur incroyable, à l'image de tout le film.
Shinji Aoytama installe dés le début ce climat d'étrangeté, de langueur, qui ne quittera pas l'écran, et nous nous laissons facilement porter par ce flot de sentiments,de sensations même.Mais jamais une longueur ne vient casser ce rythme hypnotique, une gageure sur une telle durée.Car le propos n'est jamais oublié au profit de la seule esthétique,loin s'en faut.
Quant à la musique,elle accompagne magnifiquement les images, mélancolique et subtile, lyrique aussi.
Echappant au quotidien cinématographique formaté et calibré, voilà une authentique oeuvre d'auteur maîtrisée et assumée, faisant fi des contraintes économiques pour accéder à un niveau plus élevé, touchant à la vraie universalité du cinéma.
En d'autres termes, un chef d'oeuvre.
3h30 à n'en plus finir
La réal' est particulièrement irritante sur ce film. Outre le fait que les plans n'en finissent pas, on croit fréquemment que le film est enfin en train de démarrer ce qui ne se produit en fait jamais. Les situations et les postures sont très "auteurisantes" de plus et manquent donc de naturelles. Je déteste par dessus tout cette mise en scène distante et froide par rapport aux personnages C'est très abscons, très festival de Cannes et donc peu passionnant.
2 points positifs tout de même : la photo est franchement très réussie et les acteurs ont le mérite de faire vivre leurs personnages. Ces deux atouts majeurs rendent la déception d'autant plus grande.
Attention en revanche, j'ai vu ce film sur ma télé alors que c'est typiquement le genre de film qu'il faudrait voir uniquement au cinéma.
Un voyage émouvant dont on a du mal se remettre
Comment faire de son dimanche après midi pluvieux un moment inoubliable ? En regardant Eureka, voyage émouvant et intense, tant par la forme que par le contenu. +++
Allez, une petite critique pour changer...
Que cela soit clair : Eureka est un grand film. Grand comme imposant, mais non dénué de tares viscérales et gênantes. En gros, Eureka est comme l'URSS (oui je sais fallait trouver).
J'ai traversé ces 3h30 sans déplaisir, sans m'ennuyer, admirant la magnifique photo (et cette fois ci le terme est juste) de Tamura Masaki, les jeux subtils de Yakusho Koji et de la gamine, le naturel terrassant de certaines scènes...
Aoyama est vraiment un cinéaste à part, sachant éviter les tics de réalisation et donner à son oeuvre un goût de vérité irrésolue, irréfléchie. Son optimisme, ou plûtôt l'optimisme de son film est assez communicatif (et ce n'est pas chose aisée), et sa vision du monde, si elle est discutable comme toute vision du monde, a des atouts filmiques indéniables.
c'est vrai, Eureka est un grand film. Grand comme l'URSS, ça je pense que tout le monde est d'accord, mais aussi grand comme long. De ce point de vue là, il est trop grand. C'est un fait, Eureka est trop long.
Non pas qu'un film de 3h30 me dérange, on se tape tellement de comédies fashion de 2h et de peplum depuis 40 ans... non, ce n'est pas ça. En fait, c'est surtout que c'est de la branlette, et ça, ça passe mal pour qui voit juste.
Je reviens sur l'optimisme communicatif: je le redis, ce n'est pas une chose aisée (bcp plus difficile à communiquer que le pessimisme); et ce film s'en sort pas mal, sans plus. C'est plus subtil que Amélie Poulain (mais est-ce bien difficile), mais qu'est-ce que ça fait chier. Je m'explique : sur 3h30, on peut compter 1 heure de plans contemplatifs interminables pseudo-poétiques que pas mal de crétins qui n'ont rien compris s'empresseront d'encenser en criant à l'art. C'est difficile à accepter, mais la distinction entre l'art et la branlette échappe souvent aux plus aguerris des critiqueurs.
Pas que ce soit horrible; mais là où n'importe quel grand cinéaste prend 5 secondes pour filmer un bus roulant sur une nationale paumée, Ayoama en prend 30. Pas que ce soit horrible, non. Mais au bout d'un moment, un peu fatiguant.
La première réplique du film, dite par Kozue, est une grande réplique, qui laissait présager de grandes choses. Grandes choses, tout est relatif... car après une première séquence-choc très bien foutue (même si les 2 gosses auraient du être montrés un peu plus "humain" avant le drame), les grandes choses se font attendre... on va me dire que tout est en finesse, en profondeur, à l'image de la vie, qui est longue, laborieuse, chiante et douloureuse, oui, à l'image de la vie, longue, et pourquoi pas de la vie d'une marmotte pendant qu'on y est, mais oui, pourquoi ne pas filmer pendant 3 heures la vue subjective d'une marmotte qui a été témoin du drame et qui depuis vit recluse séparé de sa famille marmotte... pas mal le concept, faudra le refiler à Aoyama.
C'était la séquence gueulante. Plus objectivement... non rien du tout. Ayoama a fait chier tout le monde avec son Desert Moon, je ne sais pas pourquoi tout le monde s'est extasié devant Eureka, si ce n'est une raison: son unicité. 3h30 en sepia sur la vie. C'est pas courant... ça force le respect! "alors c'est décidé: quand je verrai ce film, je l'aimerai!", ou un truc dans le genre...
Eureka aurait été parfait sur 2h, 2h30 grand max. Là, il est très bon et trop long. Ca cohabite mal... et malgré des fulgurances remarquables comme l'idée de la communication en "toc toc" ou les ruptures du silence des 2 gosses, on ne peut s'empêcher de se dire qu'en 3h30, il en avait des choses à raconter ce con de Aoyama, au lieu de filmer un pneu ou une fleur...
(presque) merveilleux
deja en 1er lieu je tenais à dire que la durée est parfaite je trouve aussi,ni plus ni moins n'est necessaire pour raconter cette histoire pas qu'elle soit longue mais un retour à la vie ça se fait pas en claquant des doigts.
mon regret principal par rapport à ce film c'est le rendu du traumatisme 1er.je trouve qu'il est pas assez fort,les 2 enfants sont muets et le conducteur s'en va 2 ans comme ça sans laisser de trace.c'est un peu maigre à mon gout :-/
ce qui rend entre autre le film vraiment excellent mais pas grandiose comme il aurait largement pu l'être.une petite deception pour un tres bon film j'insiste tout de même :-)
Grandissime
Un acteur principal de premier choix, de très belles scènes et même quelques passages drôle, ce qui donnent un excellent film de 3h30 avec certaines lenteurs bien employées qui en font tout son charme.
AOYAMA Shinji à un style bien particulier que j'ai grandement apprécié ici. La couleur du film entre sépia et N&B, les dialogues et surtout tout ces grands espaces blancs qui séparent les actions et les répliques des comédiens, ce qui adhérent parfaitement à l'ambiance tendue du film.
Sa très longue durée n'est en rien gênante et je dirai même assez utile au film contrairement a son successeur Desert Moon que j'ai trouvé vachement moins convaincant.
Bref ce film est une réussite totale.
La vie est un long fleuve tranquille
C'est beau mais c'est long. Personnellement j'ai trouvé la deuxième partie du film bien plus intéressante contrairement à la première plus ou moins soporifique (20 minutes en moins ne lui aurait pas fait de mal).
Par contre au niveau de la réalisation c'est propre, carré, méticuleux et
Shinji Aoyama maitrise parfaitement son histoire et sa caméra. Ce qui nous donne droit parfois à quelques moments magnifiques (le début notamment ainsi que la rencontre à l'aéoport). Les acteurs quant à eux sont vraiment exceptionnels.
Pas vraiment déçu mais j'en attendais peut être beaucoup trop (vu la réputation du film aux yeux de certains).
Éprouvant, fascinant, bouleversant : un chef-d'oeuvre
Eureka est éprouvant, tellement éprouvant... Non pas à cause de sa durée pharaonique (3h30 !), mais par ce long et douloureux processus de cicatrisation et de guérison des blessures psychologiques de ses protagonistes. Un long calvaire que Shinji Aoyama tente d'étaler sur toute la durée du film, durée qui après coup me paraît tout à fait nécessaire. 2h n'auraient pas suffi à extirper tout le mal être enfoui au plus profond de leurs coeurs...
Après le drame, leurs âmes sont dévastées, rongées par un mal bien plus ignoble et cruel que le triste événement en lui-même : leurs sentiments. La culpabilité, la honte, la peur, la haine, la tristesse, la solitude, le désespoir, la folie...
Eureka ne se contente pas de soulever tous les problèmes qu'un tel événement pourrait engendrer chez ses victimes, non, il en apporte également toutes les solutions. Et c'est en cela que le film est brillant, si brillant... Saluons également le travail magnifique sur la photo (noir et blanc ou sepia) avec des plans somptueux parfaitement composés pour extraire de l'image toute l'ambiance de désolation et de mélancolie nécessaire à l'histoire.
Venons-en à la révélation principale de ce film : deux jeunes acteurs portant le même nom (logique puisqu'ils sont frères et soeurs), Masaru et Aoi Miyazaki respectivement dans le rôle du frère Naoki et de sa soeur Kozue. Interprétation phénoménale car réduite à sa plus simple expression, les deux personnages ayant temporairement perdu la parole, mais ce qui ne les empêchera pas d'envahir l'écran d'un maelström de sentiments et ressentiments refoulés. Si Masaru est impeccable, Aoi est l'essence même de son personnage, l'incarnation de l'innocence souillée et à jamais perdue. Qu'une actrice si jeune soit capable d'autant de fulgurance sans prononcer le moindre mot (du moins pendant l'écrasante majorité du film) a de quoi forcer l'admiration et le respect.
Quant à Koji Yakusho dans le rôle de Makoto, il est tout bonnement intouchable. De mémoire, jamais pareil acteur n'aura réussi aussi fabuleuse interprétation, et le lien si intense qui l'unit au personnage de Kozue (et par extension à Naoki) est d'une force émotionnelle rarement vu au cinéma. Il EST le héros du film, le grand sauveur, le père protecteur et aimant qui manquait aux enfants et son personnage est de loin le plus abouti de tous.
Le parcours vers la guérison se fera dans la souffrance. Certains n'arriveront pas au bout. Les rescapés de cette introspection, ceux qui auront vaincu leurs peurs ainsi que leurs propres démons, accèderont à la délivrance tant attendue, à l'image de Kozue retrouvant l'usage des mots, libérant son âme en criant les noms de tous ceux qui auront vécu ces heures sombres. Le sourire qui s'en suivra, tendu comme un cadeau d'une valeur inestimable à celui qui aura sauvé son âme, Makoto, ira jusqu'à rendre ses couleurs au film. Ça c'est du cinéma.
Leur long voyage pour sortir de l'enfer s'achève enfin avec la certitude qu'ils ont enfin trouvé la lumière au bout du tunnel, l'illumination salvatrice, la fragile étincelle appelée raison de vivre... Et quant à moi, celle d'avoir vu l'un des films les plus bouleversants de mon existence. Sur ce, je vous laisse pour pleurer toutes les larmes de mon corps.