Réalisé après la mauvaise expérience Black Mask 2 mais distribué avec seulement quelques mois de décalage et une discrète exploitation en salle à Singapour, Era of Vampires marque un petit retour à des bases un peu plus sûres pour un Tsui Hark qui ne se "contente" ici que de la production et du script. Dans le doute rien de tel que les bonnes vieilles méthodes et un retour aux formules éprouvées. La démarche ne présageant pas d'un sommet d'originalité, au moins laisse t-elle augurer, pour l'amateur de vampires sauteurs quelques bons moments dans une industrie HK reconvertie, en caricaturant, aux comédies romantiques et aux productions à potentiel "international". Si le standing de production assez bas de Era of Vampires destine le film à un cercle de spectateurs plutôt restreint, il ne restreint aucunement le plaisir que ces derniers auront à le visionner. Une petite production sans prétentions, « à l’ancienne », qui remplit amplement son contrat.
C’est en partie dans cette approche plus « humble » (pas de dialectique de l’ordre et du chaos ici...) à tous les niveaux que le film de Tsui Ha... -pardon, de Wellson Chin- réussit à atteindre son objectif de divertissement rafraîchissant. Exit toute envie de double ou triple lecture à « ouatmille » degré du genre en question. Dans Era of Vampires tout respire bon l’application et le sérieux quant à l’approche, à commencer par une utilisation des sfx en adéquation avec le budget, donc le retour des vieilles ficelles (du métier) couplées à de discrets effets numériques mais néanmoins signifiants. On retrouve ainsi une sorte de mixe de l’esthétique pré et post Legend of Zu dans un mélange du pauvre parfois très sombre (pré) et parfois trop vert (post), mais dans l’ensemble réussit. Tout en masquant ainsi les limites budgétaires du film, cette photographie contribue aussi à donner une atmosphère un peu plus « gothique » que les précédentes productions du même style.On n’est pas dans le Dracula de Coppola non plus question ambiance, mais il est indéniable que le rapport comédie cantonaise et film fantastique (un chouïa gore) en sort plus équilibré, même si ça ne fait pas monter au rideau l’habitué. La note d’intention reste pourtant assez bonne pour se traduire par quelques enjeux plus sérieux que de coutume dans la résolution de l’intrigue, à commencer par un nombre de victimes plus élevées que la moyenne...
Rythmé et inventif sans aller jusqu’à l’hystérie, Era of Vampires se veut donc également un peu plus digeste, amusant sans lorgner vers le drolatique, sanglant sans tomber dans le gore guignolesque, soigneusement chorégraphié sans virer à la démonstration martiale, parfois légèrement romantique sans verser dans le romanesque, avec un certain souffle tout en ne s’enferrant pas dans un projet « épique » auquel le film n’aurait pu prétendre... Era of Vampires n’est donc pas un film de figures héroïques, malgré ce qu’en dit la voix off du narrateur au début. Et si les héros sont au nombre de 4, possédant tous les attributs de leur supposé statut (chacun porte le nom de sa technique de combat), on se rend assez vite compte que cette posture ne sert qu’à mettre en exergue, par petites touches, la dimension plus trivialement humaine de ces chasseurs de vampires qui ne sont jamais à l’abri d’un « glissement » de leurs motivations « morales » vers des raisons plus « prosaïques » (une femme, de l’argent). Cette ambiguïté latente trouvera ainsi sa résolution de façon assez logique en toute fin de film, comme un petit pied de nez à la tradition, ce dont est coutumier Tsui Hark... Tout ça ne fait pas de Era une révolution dans le genre (le film arrive avec quelques années de retard) mais lui évite la redite.
Pas de figure véritablement héroïque donc, mais une galerie de personnages proprement campés par des acteurs parmi lesquels on remarque un Yu Rong Guang grimé pour un rôle secondaire consistant, qui nous fait apprécier les talents martiaux d’un acteur à la carrière hélas trop discrète. L’autre attraction réside dans le personnage du frère de Sasa (Anya), véritable méchant légèrement psychopathe qui ne fait pas vraiment avancer le schmilblick de l’intrigue mais vient tout de même densifier le côté « fun » de l’entreprise. Pour ce qui est des chorégraphies à proprement parler, Era of Vampires nous permet en plus de découvrir un inconnu en la personne de Tam Chun To qui s’acquitte plutôt bien de sa tâche, les combats purement martiaux étant certes brefs mais très bien menés. Donc rien de vraiment nouveau mais un bon recyclage soft de la « Hark’s touch » version 90 agrémenté de quelques gimmicks visuels plus récents..., histoire de se ressourcer avant de replonger dans le grand bain... ?
L'exploitation de Era of Vampires reste pour le moment un mystère assez étonnant. Sorti dans quelques salles à Singapour, le film n'a ensuite pas été sorti à Hong-Kong, pourtant son marché principal a priori (film en cantonais, très axé sur la culture locale). On pouvait alors se poser des questions: film trop mauvais pour l'exploitation en salle ? Petit budget plutôt orienté sur une exploitation en vidéo? La vision de ce film tant attendu (une production Tsui Hark est toujours attendu) vient contredire ces suppositions et donner naissance à cette incompréhension. Non Era of Vampire n'est pas un tout petit budget sans intérêt, c'est au contraire un film fort soigné et qui possède plein de qualités.
Son intérêt principal est de réussir à moderniser le mythe du vampire chinois, jusqu'ici quasiment exploité dans une veine comédie d'action. Il faut dire que les Hong-Kongais sont tous sauf des maîtres quand il s'agit de faire peur, et le manque de moyens était aussi une sérieuse entrave à une exploitation horrifique du mythe des vampires (des maquillages moyens, ça fait rire plutôt que peur...). Ici fini le ghost kung-fu comedy, le ton du film est sérieux, les vampires n'ont rien d'amusant. La qualité des effets spéciaux, nettement en hausse, y est pour beaucoup, leurs attaques étant assez convainquantes (les vampires aspirant la vie de leur victimes, au lieu de classiquement les embrocher avec leurs ongles). On apprécie également la photo très soignée d'Herman Yau (ainsi que de ses deux collègues), conférant au film une esthétique de très bon niveau et assez typique de la Workshop.
Autre intérêt du film, sa richesse. Là où on aurait pu attendre un scénario simpliste pour justifier la non-distribution du film, c'est un peu l'inverse: multiplication des personnages, intrigues annexes, durée plutôt plus longue que la moyenne. Bref, à ce niveau aussi c'est soigné. Le film mélange également assez aisément plusieurs genres, avec une petite touche d'humour plutôt réussie à plusieurs reprises et une touche de romance moins convainquante (dommage, Anya est craquante). Quant aux deux genres principaux, le kung-fu et le fantastique, ils présentent également beaucoup de qualités, avec notamment des combats de très bon niveau, surtout pour les passages au sabre. On découvre avec plaisir un jeune acteur très convainquant (jouant le frère d'Anya), et on revoit avec plaisir Yu Rong-Guang, toujours aussi charismatique.
Evidemment, tout n'est pas parfait: la réalisation est bonne mais pas aussi inventive que celle d'un Tsui Hark (malgré quelques passages assez originaux et dynamiques, ainsi que du Legend of Zu like parfois). Ensuite,le fait que l'histoire se bâtisse autour d'un quatuor empêche l'émergence d'un vrai héros. De plus, le rythme est franchement lent et le film se base plus sur une ambiance assez bizarre plutôt que sur un rythme trépidant. Enfin, les moyens sont corrects, mais certains passages font tout de même un peu cheap hélas. Bref, à cause de ces défauts, Era of Vampires n'est pas et ne sera jamais un classique. Mais il ne mérite pas du tout le quasi anonymat dans lequel il est plongé pour le moment. Le DVD US de très bonne qualité l'en sortira peut-être un peu, mais le fait qu'il coupe la scène finale en en changeant totalement le ton est assez déplorable...
Mais non, ça reste plutôt plat et creux malgré quelques bonnes scènes de frite qui tirent leur épingle du jeu, des effets "petit gore" sympas et un bon méchant-très-méchant, l'humain pas le vampire/zombie qui, lui, semble pétrifié dans son maquillage de fortune.
Sympathique série B assez rythmée, mmmmoui. Divertissement inventif, non. C'est justement beaucoup trop classique et pris au sérieux tout le long pour être réellement rafraîchissant. Où sont passées la verve et la surprise des bons vieux films HK. Décidément, j'ai beaucoup de mal avec les influences du cinéma moderne sur les films de genre made in HK. Toute la créativité d'un Zu, d'un Mr vampire, d'un Exorciste chinois ou d'un Iron monkey... disparue à jamais ? Difficile de renouveler véritablement un genre. Pari encore une fois perdu ici pour ma part.
Avec Era of Vampires, Tsui Hark tente par yes man interposé de réactiver le genre du film de vampires, synonyme à Hong Kong de kung fu comedy, en y introduisant un élément horrifique ainsi que l'idée occidentale de chasseur de vampire. A défaut de déboucher sur un nouvelle réussite majeure, il en résulte une série B correcte.
On pourrait couper la filmographie de Tsui Hark en deux: d'un coté les films haineux à l'égard des genres cinématographiques étrangers (les Tsui Hark US, Time and Tide pour le film d'action, Black Mask 2 pour le film de superhéros), de l'autre ceux qui cherchent à réinventer des genres locaux avec par moments une certains distance mais sans cynisme (the Blade, Legend of Zu). Si dans Time and Tide la haine de Tsui Hark débouchait sur une tendance parodique qui ne nuisait pas au coté divertissant du film mais le soutenait, on ne pouvait en dire autant des films US et surtout du récent et navrant Black Mask 2 qui poussait la tendance à son paroxysme. Era of Vampires se situe dans la seconde catégorie de films et comporte peu d'éléments créant de la distance. Dès le début du film, on retrouve au niveau de la photographie d'un film se déroulant presque exclusivement de nuit la Workshop's touch et ce n'est pas une mauvaise chose loin de là, la photographie est un des gros points forts ici. Visuellement, on est loin de l'inventivité des précédents Tsui Hark: cela décevra certains mais la mise en scène a le plus souvent une vraie ampleur classique qui participe au traitement plutot romanesque d'un récit de chasseurs de vampires de type série B. Par moments, on retrouve dans les scènes d'action quelques mouvements de caméra qui propulsent le spectateur à l'intérieur de l'action comme dans les précédents Tsui Hark. A défaut d'etre inventifs, le montage de scènes de combat sans psychologie et leur réalisation sont efficaces et tranchent avec les récentes tentatives pseudo-artistes d'un Zhang Yimou. Parmi les quelques belles idées de mise en scène, on a les filtres rouges qui incarnent la capacité des personnages à bien voir de nuit (un écho à l'idée d'infrarouge) ainsi que le dévissage de focale du début qui fait passer le plan de quelques lueurs à un plan large de cavaliers.
Venons-en au scénario qui est à la fois l'intéret et le talon d'achille du film. Au départ, on a l'impression que Tsui Hark veut nous emmener en terrain connu, celui du films de chasseurs de vampires à la Carpenter qui représente la continuation du film de commando viril. Mais très vite, la multiplication de personnages va donner lieu à des petites sous-intrigues qui, bien loin de perdre le film, lui donnent un aspect romanesque grace à des seconds roles capables de faire exister des personnages stéréotypés: les brigands qui essaient de dérober le trésor la nuit du mariage, leur chef attiré par l'or se situant sur les lieux du drame, la fiancée qui est un enjeu pour celui qui fait régner la terreur comme pour un des chasseurs de vampires. Pour ce qui est des premiers roles, si le personnage de Lam Suet existe par sa seule force de présence à l'écran et celui du chasseur de vampire amoureux grace au scénario, on ne saurait en dire autant des deux autres chasseurs que l'on a du mal à distinguer ainsi que du sifu. Vu que le scénario n'a pas développé les rapports entre le sifu et le "commando", leurs retrouvailles ainsi que le combat final sont en deçà du potentiel émotionnel des situations. Globalement, l'ampleur du récit et le passage d'une sous-intrigue à l'autre permettent au spectateur de ne pas s'ennuyer tout le long du film mais lui font perdre de l'impact émotionnel (si au niveau combat le film est efficace, il l'est bien moins d'un point de vue horrifique). Un autre point contestable est l'usage de la voix off qu'on trouve au début et qu'on retrouve d'un coup sans prévenir à la fin pour ménager un coup de théatre sur le narrateur et créer une petite distance vis à vis des "héros" et de leur devenir. Ce dernier point est une idée déjà vue mais efficace, mais si tel était le but pourquoi l'avoir abandonnée durant tout le film?
Au final, si tout n'est parfait et que l'on pourrait attendre bien mieux de Tsui Hark, il ne faut pas bouder son plaisir: à défaut de feu d'artifice, c'est un relatif retour en forme après la déception Black Mask 2. Désormais, Tsui Hark va se tourner vers la télévision pour tenter de se relancer financièrement comme artistiquement. Cette situation fait un peu penser à un Michael Mann qui après des échecs publics sur grand écran avait utilisé le petit écran pour se relancer et revenir au cinéma enrichi de cette expérience. Tout le mal que l'on souhaite à Tsui Hark est que la meme chose lui arrive.