Basé sur un concept intéressant et casse gueule (une femme dévoile face caméra les abus sexuels qu'elle a subi depuis son plus jeune âge, sa narration étant entre-coupée d'interventions d'inconnu(e)s qui donnent leur avis sur les faits et extrapolent sur la suite des événements), Endless Night s'en sort très bien grâce à une actrice principale très convaincante et la liberté d'expression des intervenants. Déjà il faut savoir que cette docu-fiction est tirée d'une histoire vraie, de plus les commentaires de chaque intervenants sont également de vrais propos recueillis par le réalisateur... et là ça fait froid dans le dos ! Même si PAN Jialin a forcément gardé les avis les plus marquants et tranchés, leur analyse de la situation est tout simplement ahurissante. On se retrouve face à une société profondément machiste qui culpabilise et juge chaque acte féminin alors qu'il dé-responsabilise et cautionne l'acte masculin, même le pire...
Cette fiction réalité, forcément viciée par le choix des protagonistes, est extrêmement intéressante et enrichissante sur la pensée « générale » d'une société en pleine mutation (économique et culturelle du moins). Il faut tout de même bien garder à l'esprit qu'il y a forcément eu une sélection des témoignages. À noter que la dernière scène, l'unique séquence qui n'est pas un échange verbal et qui met donc en scène un acte physique, est complètement maladroite et casse la bonne tenue de l'ensemble. Dommage.
A la façon d’un cadavre exquis, Endless Night se construit, se fantasme et s’extrapole à partir de quelques éléments de l’histoire d’une femme bouleversée par des aventures sexuelles pour le moins ambigües. Des interlocuteurs triés sur le volet pour leur raisonnement machiste, à l’emporte-pièce voire pervers sont interviewés les uns après les autres, contribuant à créer une ambiance qui peut mettre mal à l’aise et provoquer un rire plutôt grinçant : aurions-nous répondu des choses plus censées et moins discutables à leur place ?
On pense à Mystérieux objet à midi pour la forme, à Sade pour le fond. Endless Night se distingue en tout cas sur 2 points : une excellente idée de mise en scène minimaliste quand on est fauché côté budget, et surtout une preuve éclatante que les langues se délient en Chine communiste du point de vue sexuel – même si certaines mentalités sont encore boursouflées de préjugés…
Pour être franc, il est difficile de s'attendre à quelque chose de bien précis, de bien concret lorsque l'on évoque le postulat de départ de Endless Night, docu-fiction réalisé par Pan Jianlin, qui propose ni plus ni moins qu'une succession de témoignages dont le thème est ciblé sur le viol d'une jeune femme, Guan Na, subit à l'âge de 15 ans. Le cinéaste se la joue mariole puisqu'il tente de faire croire par des moyens absolument déments la véracité des discours de chacun, évoqués avec un naturel oscillant entre confondant et trompeur, d'où ce drôle de sentiment une fois la projection terminée. Des chinois de Chine populaire de condition sociale très variée (la jeune chinoise dynamique dans l'air du temps, l'intello philosophe, le beauf, le diseur de bonne aventure) évoquent donc leur sentiment quant à cette affaire malsaine, sans aucune retenue quelconque, proposant des témoignages faits d'hypothèses et de points de vue purement subjectifs très souvent hilarants car une fois encore, sans retenue particulière. Leur franchise fait mouche et même si le caractère scabreux de certains témoignages peuvent provoquer une certaine indignation auprès des ligues catholiques ou autres bobos cinéphiles, il faut tout de même conserver l'aspect second degré en tête (qu'il soit justifié ou non) de l'oeuvre pour pleinement profiter d'un docu-fiction qui sort de l'ordinaire parce qu'il tente (une fois encore par tous les moyens, bons ou mauvais) de mettre en avant les pensées de chacun sans pour autant y porter un jugement, ce n'est pas le but du cinéaste, comme un interviewer qui se doit de garder son objectivité sous peine de ne pas avoir les réponses voulues.
Le documentaire est aussi particulièrement cohérent et bien construit, chaque partie étant dissociée de manière visible, découpée par les quelques passages montrant une Guan Na absolument meurtrie même des années après son viol, ce sont aussi les seuls moments véritablement noirs et poignants d'une documentaire qui se veut réaliste -trompeur?- d'où une possibilité de lectures assez conséquente. Certains témoignages frisent donc l'incorrect à plus d'une reprise, chacun disant ce qu'il a sur le coeur lorsqu'il est question d'évoquer le viol de Guan Na : auraient-ils aimer y participer? Le violeur avait-il des raisons qui justifient ce viol? Guan Na était-elle une débauchée? Et eux, qu'est-ce qu'ils pensent de tout ça? Auraient-ils préféré une tournante ou pratiquer le viol à l'abri des regards? Certains répondront que oui, au risque de déraper sans gêne dans la complaisance ultime pour que le cinéaste puisse scander haut et fort que les occidentaux ont tous une image différente de la "vraie" Chine populaire. A la fois absolument hilarant, sans doute très vrai, ce vrai/faux documentaire est une bouffée d'air frais marquante à plus d'un titre, saupoudrée d'une autodérision déconcertante (dans le bon et mauvais sens du terme) qui provoquera soit l'indignation la plus totale soit le respect du spectateur qui aura vu chez ce cinéaste une paire de cojones sorties bien à l'air, ou de manière plus "politiquement correcte", un joli pied de nez à l'encontre des bien pensants.