La voix du samouraï en casquette.
n'est pas mon Suzuki préféré. Trop guilleret, trop déconneur et ultime dans le je-m'en-foutisme. Presque un film rebelle, anarchiste, où le Maître étalerait ses plus grands coups de gueule sur le système nippon. A force de faire des hommes formatés et aussi carrés qu'un rubicube, le japon cour un grand danger et la moindre étincelle peut faire éclater de véritables excès de violence. C'est le cas de cette élégie, où les élèves (pourtant très adultes) règnent en maître sur la ville en organisant des combats ultra violents pour le simple but de se défouler et de payer un verre aux copains.
Intéressant dans le fond car véritable critique, mais décevant dans la tournure que prend cette oeuvre : tout est tourné et malaxé en grand-guignolesque, souvent "trop" et sans la crainte de tomber dans le grotesque et le ridicule (Suzuki voulait justement que ses combats soient mis en scène avec ironie). C'est ainsi que les affrontements entre "clan" s'avèrent être tous théâtralisés au plus profond sans la moindre gène, quoi de plus normal à vrai dire tant les personnages sont tous craignos.
Le film reste ceci dit parsemé de touches d'amour tantôt rigolotes (la leçon de piano avec le sexe) tantôt déchirantes (le dernier plan d'adieu entre les deux amoureux) toutes filmées avec un grand soin. L'élégie de la bagarre reste dans tous les cas un excellent film, véritable pamphlet sur la violence, mais son traitement aurait mérité plus de folie, plus de lyrisme comme sait si bien le faire Suzuki.
Esthétique : 4.25/5
Musique : 3/5
Interprétation : 3.5/5
Scénario : 3.75/5
la voie hilarante du samourai
Avec son titre en forme de canular vu qu'il est celui d'une féroce satire du désir de destruction, l'Elégie de la Bagarre voit Suzuki poursuivre le travail de sape des valeurs japonaises traditionnelles initié par ses contemporains Oshima et Kobayashi. Mais contrairement à ces derniers, il accomplit ce travail en utilisant l'arme du rire et du délire permanent
Comment ne pas voir en Kiroku, un étudiant plus fasciné par la bagarre que par les cours de philosophie qui reve de s'engager dans l'armée et est secrètement amoureux de sa voisine Machiko, une caricature poilante de MISHIMA Yukio? Sauf que Kikoku est un aspirant Mishima du Japon villageois des années 30 qui n'a pas les moyens de ses ambitions. Bien loin du désir de maitrise de soi de son modèle, il prend vite peur devant ses collègues de l'organisation paramilitaire de pacotille de son collège. Son "apprentissage" de la voie du samourai donne lieu à de grands moments d'hilarité (l'apprentissage de la maitrise de soi dans la foret entre autres). Et bien loin de l'attachement de l'écrivain à l'empereur du Japon, les membres de la milice n'ont aucune vision politique et utilisent l'organisation comme prétexte pour extérioriser leur pulsions violentes (Kikoku écrira d'ailleurs dans son hilarant journal intime "je ne me masturbe pas, je dépense mon énergie dans la bagarre"). Leur physiques et leurs attitudes grotesques sont loin de se conformer à l'idéal de beauté physique incarné par Mishima. Pour en revenir à Kikoku, le film va se charger de démolir ses reves de grandeur: ses marches au pas dans le village avec un air ultraaffecté en font la risée de tous, il peine à se justifier lorsqu'un membre de la milice le surprend à tenir la main de Machiko. Ses attitudes à l'égard de cette fille sont d'un ridicule complet: il n'arrive qu'à mal imiter ce qu'il a vu au cinéma en lui offrant un bouquet de fleurs torse nu à l'église, en lui tenant la main de façon maladroite ou dans ses pitoyables tentatives de suivre des leçons de piano avec elle. Sans parler de la lettre qu'il lui enverra avec un rond où sera indiqué "pose tes lèvres ici". Il ne réussit qu'à se faire virer du collège. Dans un autre collège, ses penchants violents ressurgissent mais le bouquet vient à l'armée où il est puni et condamné à marcher sur des punaises pour avoir porté une chemise militaire avec un aigle style T-Shirt de Biker (!!!) que son caporal considère comme un tatouage (!!!) d'où infraction au code militaire. Mais les plus beaux moments comiques du film proviennent des guerres de milice: duels ridicules entre samourais dans une foret où l'un des miliciens se réfugie en haut d'une tour en bois, fuite éperdue des miliciens en voiture, bagarres dans un poulailler, les prisonniers suspendus comme des poulets. On me dira que ce n'est pas hypersubtil mais le propre d'une satire est de grossir le trait.
Mais outre les situations, les décalages du film peuvent provenir de la mise en scène: le montage alterné lors d'une bagarre dans la salle de classe, l'utilisation de la caméra portée pour renforcer le ridicule d'une bagarre à coups de bols de riz, le filmage suggéré de la scène où Kikoku utilise son sexe (!!!) pour jouer du piano, les plans rapides et surcadrés sur le professeur pour souligner que les élèves trouvent son enseignement ridicule, la surexpostion de certaines scènes de bagarre. Par cette surenchère, Suzuki semble vouloir se venger de l'interdiction d'utiliser la couleur pour le film de la Nikkatsu. Mais le détournement par Suzuki du scénario très politique de Shindo Kaneto ne s'arrete pas là. Il se livre également à un jeu de massacre du cinéma japonais de l'age d'or en faisant intervenir certains de ses personnages typiques dans le film et rajoutant ainsi au décalage: Machiko ressemble à une jeune femme sensible dévouée à celui qu'elle aime échappée des mélodrames sociaux des années 50 et elle intervient parfois dans des scènes où la neige est censée renforcer les émotions -le final avec son départ au couvent-. Vu le ridicule de celui qu'elle vénère, l'hilarité s'empare du spectateur. Un paysan kurosawaien voit sa plantation massacrée par les voyous bagarreurs. Il y a aussi le traitement grotesque du chambara mentionné plus haut. Seul bémol: le final inquiétant sur la concrétisation du coup d'état contre le régime en place qui fait pièce rapportée après le traitement délirant qu'avait fait subir au scénario Suzuki.
Au final, ni le cinéma japonais ni les valeurs japonaises traditionnelles ne ressortent intactes de ce jeu de massacre d'une heure et demie mais le spectateur ressort hilare de cette pochade capable d'allier un sens inoui du délire surréaliste et une grande acuité de regard sur le Japon de son temps. Trois décennies plus tard, son contemporain Fukasaku confirmera la capacité du cinéma japonais à charrier un propos des plus sérieux au travers des idées les plus délirantes.
Rival schools made in Suzuki land
Aaah , la bagarre ! * quel plaisir de se friter un bon coup histoire de décompresser après les cours, voilà une activité des plus saine qui permet d’évacuer son énergie refoulée. Comme dirait Jean-Paul Loth : "c’est là qu’on voit les hommes !". Et puis c’est même, pourquoi pas, un solide remède pour évacuer ses envies sexuelles de jeune taureau. Notre héros justement, sympathique et grand gaillard, beau gosse mais largement soupe au lait, est très amoureux d’une jeune et belle adolescente ce qui le perturbe beaucoup dans sa virilité. Il ira même jusqu'à caresser rapidement les plaisirs du piano et de la poésie pour tenter de séduire sa belle. Mais bon, c’est (presque) un homme non de non ! Il ne peut s’empêcher d’aimer les plaisirs de la bagarre ! * Même si il n’a rien d’un grand combattant, bien au contraire. Aucune importance, ce qui compte c’est le courage et l’énergie qu’on y met. Se sentir exister en défendant l’honneur de son clan, voilà une bonne raison pour la bagarre ! * Viré pour désobéissance aux règles militaro-scolaires, il imposera bien vite sa virilité primitive dans sa nouvelle école.
Dans "élégie de la bagarre", on se croirait par moment dans "la guerre des boutons" sauf que les garnements sont des adolescents et que le système en place est bien moins libertaire. Ils inventent des armes aussi délirantes qu’inutiles comme la lame de rasoir dans la visière de casquette, les frondes à pics, etc. Inutiles car elles serviront finalement peu. Chacun préfère hurler bien fort pour faire entendre sa force, à la manière des jeunes coqs sans cervelle. Suzuki décrypte très habilement une jeunesse qui se perd dans un système rigide et désuet. Il n’est pas là pour filmer des combats mais plutôt pour l’idée même de la bagarre, moyen primaire de socialisation où on se jette dessus sans aucune stratégie pour montrer qu’on est des hommes, une bagarre sans code qui tisse les liens sociaux comme dans "la guerre des boutons".
En plus de ce concept déjà très anarchique, Suzuki se délecte à faire voler en éclat la cohérence de son récit en pariant sur une ironie comique omniprésente qui passe bien avant le reste. Tout est prétexte à des scènes nonsensiques aux cadrages surréalistes qui se rit subtilement de la bêtise des jeunes élèves qui ne savent pas trop ce qu'ils font mais s'en fichent éperdument. Rien n’est sérieux avec Suzuki, encore plus dans ce film. Pas de vrais héros ni d’héroïsme, pas de méchants ou de véritable haine en face. Juste l’entrain et la folie des jeunes qui aiment la bagarre ! * Au final c’est un joyeux délire satyrique à l’ambiance unique et typique des excès de Suzuki : inventif, décalé, critique, graphique et à contre courant mais aussi assez déroutant. Enfin, c’est déjà pas mal puisqu’il fait tout son possible pour dynamiter un scénario de commande basique et ultra codé et termine même sur une petite morale qui légitime le sujet, la bagarre ! * Bon moyen de devenir un homme, un vrai, avec des c..... !
* Façon Franck Dubosc
Juste pour exemple, j'ajoute aussi au compte de la créativité de Suzuki la simple scène ou Machiko fait ses adieux à Kikoku qui regorge de plans exquis (le plus invisible, un mouvement de caméra hallucinant d'intensité au moment ou Machiko se retourne..). C'est moins voyant que dans ses autres films mais la touche visuelle de Suzuki est ici encore de chaque instant.
?
Action, émotion, rire sont au rendez-vous . Les acteurs jouent tous juste, une mise en scène simple mais efficace . Un bon film qu'il faut voir plusieurs fois pour apprécier toute la suptilité et l'ironie dont fait preuve Suzuki Seijun .
surement un des mes Suzuki préféré!!
Suzuki s'étant plains que la Nikkatsu ne vendait pas bien ses films, il décida de tourner quelques films en noire et blanc pour économiser et pouvoir mettre l'argent dans la promo.
Tourné entre Tokyo Drifter et Banded to Kill, Elegie de la bagarre est surement un de ses plus personnel et poétique.
Situé dans les années 30, le film est d'une poésie romantique absolue doublé d'une parodie des films d'actions.
Le héro est un jeune étudiant bon dans la baguarre.
Il demeure en résidence dans une famille catholique qui ont une fille dont il est amoureux. La voyant comme une Jeanne D'Arc, comme un ange pure, il a de la difficulté avec l'idée du sexe. Est-ce mal? Est-ce sale?
La jeune fille elle, s'éveille en toute innocence aux charmes masculins "Ho il est si masculin mamant!!"
Le héro laisse aller/transfere son energie sexuelle dans la bagarre.
Bien sur en filigrane nous avons la monté du facisme qui exploitera si bien ces jeunes frustrés, violents...
Mais toute la première partie du film nage dans la poésie et l'action. LEs bagarreurs se regroupent en bande, fabrique des armes inventives (et tout de même dangereuses) digne des Ninja et se cassent la gueule. En fait, on assiste à un film d'action. Sauf que la violence est mise en scène comme un jeux, même si ce sont des jeux sanglants.
Il y a des trucs hilarant et lucide. Comme le journal du héro:" Oh mon amour, je ne me masturbe plus désormais, je me bas!" (je parle ici des sous-titre de la version anglaise).
Où la scène il joue du piano, culotte baissé avec son.... avant de se trouver gêner par une statue de la Viergeet un crucifix.
Forcé d'Aller vivre en campagne, on a droit encore à des scènes drôles et inventives alors que la rivalité régions et cité fait rage. Alors que le héro et ses copains affrontent un groupe local (genre de chemise brune de campagne, groupe jeunesse de droite valorisant les traditions samourai) on assiste à une véritable parodie de chambara.
Sabre, boken, armures de samourai, armes étranges ect etc On se croirait dans un films de la Shaw ou un film de Ninja avec Sonny Chiba dans les années 80. Sauf qu'ici ce sont des jeunes dans les années 30 qui jouent aux samourai, se battent pour des questions triviales ect ect
Pourtant, ce n'est pas si innocent. Ils se font mal pour de vrai et à la fin tout devient tragique. En effet, ces même jeunes sont envoyés en Chine. Le régiment passant devant l'héroine éplorée, qui ayant décidé de devenir "bonne soeur" malgré son désire pour le héro, nous donne une image dure, symbolique.....
Et le héro qui décide de se joindre à un révolutionnaire.
En effet, il a rencontré un type étrange dans un café. Ils n'ont échangé aucun mots, mais il a été impressionné. La tragédie est que ce type est un leader Nationaliste qui fera un coup d,état et qui sera prit et executé. Jeunesse perdue et sensible au charisme de certaint leaders
La frustration sexuel du à la religion et la société, les jeux sanglant, la virilité et le machiste, et enfin, tout ces éléments manipulés par les groupes d'extrême droite.
Ce film à l'air plus sobre, mais il tout aussi inventif que les autres. MAis alors que Tokyo Drifter n'était que style, ici la forme sert tellement le sujet que le film semble sobre...
MAis c'est bourré d'invention, de trucs si ingénieux.... que l'on se dit que Suzuki méritait mieux...
Un must touchant et toujours d'actualité.
(il semble qu'il y est un grande part auto-biographique de la jeunesse de Suzuki)
La leçon de piano
Une nouvelle fois freiné par la NIKKATSU d'agir à sa guise, Suzuki se voit imposé le tournage en noir et blanc.
Que cela ne tienne, Suzuki est aussi à l'aise dans les jeux des ombres, que dans ses délires pop-art en couleur et il en profite cette fois pour expérimenter le traitement même de son image par une mise en scène parfois surprenante.
Détournant une nouvelle fois un scénario de Shindo, Suzuki s'approprie les méandres de al difficile adolescence. Entre virilité et cœur émoustillé par des sentiments amoureux, le personnage principal ne sait plus où donner de sa tête. Aussi maladroit dans l'un comme dans l'autre, il s'enfuit quand il s'agit de se battre pour de vrai ou begaye quand il lui faudrait déclarer sa flamme.
Pendant du personnage d'Alex dans "Orange Mécanique", il s'attaque à la société avec la même désinvolture, mais avec bien plus de cœur et de naïveté.
D'un matériel que l'on devine aisément écrit de manière romancée, Suzuki tire un film sommet de l'irrévérence, mais désamorcée par la débilité de son personnage principal, auquel on finit tout de même par s'attacher.
Et à Suzuki de prouver, que l'on puisse associer film d'art et essai avec un esprit contestataire.