Visionnaire conditionnée
Malgré la tonne de DVD et BR qui traînent sur ma pile - Double détente incluse -, j’éprouve l’envie, là, tout de suite, de revoir un bon vieux Double Vision. Pourquoi ? Parce que je viens de voir la photo d’un œil en gros plan sur la toile. Du coup, hop, je repense aux deux pupilles de cette Double vision, une série B de luxe – plus gros budget jamais tourné à Taïwan à l'époque – bien nommée puisque je l’ai déjà matée deux fois, dont une première à Deauville, tard, avec une salle endormie, moi y compris. Allons-y pour une triple vision ?
Je me souviens de l’ambiance moite, de cette impression étrange et pas désagréable de regarder le film du dimanche soir en même temps qu’un ovni underground – une soucoupe dans le sol ? – complètement taré. Je me souviens d’un David Morse jouant comme s’il avait pour handicap une turista virulente au bide et un climat ne lui réussissant pas ; ce qui réussit au film, exotique en diable. De la partie, le diable. C’est qu’il fait chaud en enfer, très chaud, si chaud même que les taïwanais se foutent bien qu’un type soit retrouvé mort noyé assis dans son bureau pourvu qu’on rallume cette satanée climatisation ! Que cela ait été voulu ou non, la torpeur est palpable et l’enquête cotonneuse, endormie et endormante – dans le bon sens de l’ambiance - jusqu’aux trois-quarts du film où, là, une boucherie mémorable s’en vient réveiller tout son monde. Jusque-là, les petits tracas de tout un chacun prédominent et le climat assomme le chaland nonchalant. Tony Leung KF lisse bien le pathos pourtant surchargé de son personnage – trauma, fille muette, divorce en cours -, David Morse, loin de sa banquise, peine à faire exister le sien le temps de quelques rares lignes de dialogues mais le tout passe bien grâce à une bonne mise en scène, à la chouette photo et à une zic sympa, toutes américanisantes et bienvenues sur ce ride post-Seven barré à la Peter Hyams. La violence surgit lorsqu’on ne s’y attend pas – on ne dira jamais assez à quel point le titre de la Milkyway, Expect the Unexpected, symbolise le ciné asiat’ qu’on aime -, les rebondissements du scénario, génial et lovecraftien à mort, sont frapadingues mais fascinants, l’imagination tourne à fond les ventilos, les morts sont gratinés, les effets spéciaux ont encore de la gueule, Taipei est photogénique et le méchant de service continue de m’épater sur le chouette final. En ces temps de dézachkahisation, ce film mutant, comme en avance sur son temps, prend sacrément de la bouteille. Ou alors, ce que souligna joliment Ordell sur un film jap', la médiocrité se perd-t-elle. A méditer.
Du pour et du contre...
Double Vision est un mix pas inintéressant entre films marquants occidentaux (Le Silence des Agneaux, Seven) et culture plus asiatique (le monde Taoiste). Son intérêt principal vient de la confrontation des deux mondes, l'occident plus cartésien (incarné par le sympathique David Morse) et l'orient plus spirituelle (incarné par Tony Leung Ka-Fai). Autre qualité évidente, la qualité de la production, le film est propre sur lui, la réalisation efficace et sans chichi, la photographie de même. Mais d'un autre côté, le final un peu compliqué vient gâcher la bonne impression laissée par les deux premiers tiers, sans génie mais plutôt bien menés.
Dommage car David Morse et Tony Leung formait un duo plutôt convainquant, même si on aurait aimé les voir un peu plus tôt ensemble. David Morse a toujours été un second rôle de qualité dans les productions américaines, et il signe ici aussi une performance correcte. Tony Leung hérite d'un rôle plus intéressant où il démontre à nouveau la variété de son jeu. Tout comme son homonyme dans Infernal Affairs, il parvient à porter sur son visage l'histoire de son personnage. Très appréciable donc, surtout que le bon Tony se fait de plus en plus rare sur le grand écran.
Le reste du casting se montre également convainquant, entre scènes d'enquête et passages familiaux autour de la famille de Tony. L'arrivée de la culture asiatique dans l'enquête est également bienvenue, histoire de ne pas faire qu'un film inspiré/copié des grands classiques du genre. Le film prend alors une tournure fantastico/dramatique assez bienvenue, et on se dit que même si tout cela n'a rien de follement original, on passera un très bon moment. Hélas le film perd un peu de rythme et d'intérêt après une scène d'action bien gore. On pourrait discuter de la nécessité de cette scène, mais elle a le mérite de casser le rythme et de surprendre. Le film devient ensuite moins intéressant, comme si le scénariste tentait trop de surprendre.
Au final le film n'est pas raté, mais il n'est pas complètement réussi non plus. On apprécie les efforts de Tony Leung et plus globalement de voir un mélange orient/occident pas trop cliché. A essayer donc, mais sans en attendre des miracles.
Attends, c'est pas mal !
Les films de genre bien budgettés à vocation internasheunole commencent à fleurir aux quatre coins de la planète, et c'est une très bonne chose. Enfin, a priori (y'a des pays qui produisent des actioners avec Eric et Ramzy paraît-il, il faudra enquêter !). Taiwan, la patrie du cinéma à deux à l'heure vu de chez nous, n'échappe pas à la règle. Visez donc le propos : un buddy-movie fantastique starring Tony Leung ("Celui de L'amant", comme on dit si bien en France) et surtout David Morse (L'armée des 12 singes, Les Langoliers). Tu parles qu'on a hâte de voir ça, surtout que la bande-annonce est assez alléchante !
Le film démarre comme un thriller assez intrigant, mais finalement pas si original. Les morts étranges, on a déjà vu ça dans Hypnosis. Devant l'étrangeté des meurtres, justement, la police fait appel à un profiler du FBI pour aider à pister le(s) tueur(s). Et David Morse (Yo!) qui débarque à Taipei, on aimerait voir ça plus souvent. C'est ce qui -malheureusement ?- retiendra surtout l'attention pendant la durée (et quelle durée) du métrage. Le résultat ? Infiniment plus sympathique qu'un Michael Douglas qui débarque à Osaka avec sa grosse artillerie.
Ainsi, la confrontation entre les deux policemen est vraiment croustillante, du véritable bon boulot. Accessoirement, autour d'eux, l'enquête peut progresser. Et l'intérêt de même. Acting performant, beauté des images, scènes chocs (le temple !), tout s'entremêle pour scotcher le spectateur. Et bon sang, c'est furieusement étonnant, les SFX sont splendides ! Pourtant, le récit est plombé par la volonté trop persistante de l'auteur de brouiller les pistes. C'est certes moins raccoleur qu'une 6e victime, mais on n'y gagne pas en limpidité, au contraire. Le résultat reste tout de même vraiment bon et largement supérieur à une flopée de thrillers qui eux trouvent une diffusion internationale sans sourciller. Mais c'est toujours la même histoire...
18 janvier 2003
par
Chris
Un produit de vidéo club en Sélection Officielle à Cannes
Chaque année, il y a un vrai nanar caché dans les sélections du Festival de Cannes. En 2002, c’est Double Vision, mystère de la Sélection Un certain Regard, sous produit taiwanais financé par Columbia Asia (productrice de Tigre et dragon). Même au Marché du Film, on a vu mieux. C’est tellement incongru à côté du reste le sélection qu’on se demande quel deal obscur a poussé les sélectionneurs à fermer les yeux (car il faut être aveugle pour voir en Double Vision un bon film) de manière à ce que la Columbia fasse de la pub pour la prévisible sortie mondiale du produit, avec interviews de Tony Leung Ka-Fai à la clé.
L’avantage du machin est de rappeler, au cœur même du festival de Cannes, ce qu’est la majorité de la production cinéma en Asie : du produit calibré, regardable, avec un scénario embrouillé (ça traite de la corruption dans la police jusqu'à l'immortalité), parfois quelques idées visuelles et des effets gores sans retenue. Double Vision ressemble à un banal polar horrifique de Hong-Kong, avec photo de Arthur Wong, chef op’ du premier OUATIC ou piètre réalisateur de Viva Erotica et Le sens du devoir 3, tout ce qui pouvant trahir l’origine taiwanaise ayant été gommé. Sauf peut être, c’est un peu du fantasme mais je le note quand même, la petite fille qui a un air frappant, jusque dans les mimiques boudeuses, de Hsu Chi à 10 ans (sisi !).
Le premier quart d’heure, plutôt intriguant quoique un peu énervant, semble nous raconter dix histoires à la fois. Puis bientôt il n’en reste qu’une seule, malheureusement banale, de secte tueuse mélangé à du mysticisme taoïste pour les gogos et la fin repart dans une explosion scénaristique qui confine au n’importe quoi, car la mise en scène ne suit plus du tout. Les situations deviennent soit incompréhensibles, soit prévisibles jusqu’au comique : la petite fille muette va ainsi se mettre à parler, pour dire le mot le plus bateau au moment le plus mélo. Tout cela a déjà été surfait à Hong Kong depuis dix ans. On garde surtout en tête la belle prestation de David Morse (le voisin flic de DANCER IN THE DARK), aussi égaré dans le film que son personnage dans l’histoire. Pour le reste, avec une bonne dose de cool, des carbonara, une bière et deux fans de Tony Leung, Double Vision peut faire une bonne soirée vidéo.
Louche
Intéressant film à ses débuts, arrive ce qui était à craindre : la résolution est loin de tenir ses promesses; pire : elle est noyée dans une envolée pseudo-philo-lyricique expéditive et poussive, qui ompose la "double vision" = un second visionnage. Personnellement, je n'ai pas le courage de la faire, même si le début est vraiment excellent, réalisation et mise en scène superbes et les acteurs tous formidables.
Une curiosité, certes et un réalisateur à suivre de près !
Bof
Pas convaincant...
L’idée de ce film n’est pas vraiment originale, elle ressemble à d’autres scénarios, la double pupille en plus. Seulement DOUBLE VISION n’est pas pour autant sans intérêt, lassant… cela est simplement dû au fait que le jeu des acteurs permet d’effacer quelques pâleurs du scénario. En effet,Tony LEUNG Ka-Fai en particulier et David MORSE sont vraiment irréprochables. Je pense que ce qui pose problème dans ce film est la fin, bâclée à mon goût, on n’aurait préféré autre chose que la mort des deux principaux acteurs alors qu’on pensait le film fini. Personnellement, je pense que le réalisateur aurait dû couper les 20 dernières minutes et s’arrêter au moment des « retrouvailles » de l’inspecteur Huang Huo-tu avec sa famille parce qu’après cela fait trop « rebondissement de dernière minute » ; déjà que le film est assez déprimant, j’aurais peut-être préféré un « happy end » pour clore DOUBLE VISION. En tous cas, il se laisse regarder sans ennui… donc à voir pour le plaisir.
Fumisterie
Honnêtement, j’avoue que l’idée de voir rassembler Tony Leung Ka-Fai et David Morse (Indians Runner) dans un même film, et en plus de cela dans un thriller horrifique (genre que j’apprécie particulièrement), m’a poussait à acheter le vcd.
Et bien, j’ai eu… je ne fais pas vous faire patienter plus longtemps… j’ai donc eu… euh parfois on a l’impression que le réalisateur veut refaire Seven, si si ! Et vas-y que je te fais la présentation de la petite famille du flic Tony Leung qui vit (quand il n’est pas parti) avec sa femme et sa fille dans un appart’ bruyant. Et les crimes ne sont pas montrés, on ne voit que leur conséquence, ça vaut d’ailleurs quelques scènes bien dégueux. Mais bon je continue à me demander si le réalisateur n’aurait pas du axer un peu plus son film sur l’enquête, plutôt que d’enfoncer son histoire dans des considérations peu emballantes, du genre étude psychologique. Ca y est on connaît ça a déjà été fait plusieurs fois. Parfois très bien (Seven, Le Silence Des Agneaux) parfois très mal (quasiment tout le reste).
Alors quand on a compris que le réalisateur est un peu dépassé par les événements, on essaie de se rattacher à quelque chose… allez les rapports entre les deux flics, Tony l’asiatique et David FBI Morse. C’est pas gagné étant donné que c’est platement évoqué.
Subitement on a droit à une scène gore dans laquelle les décapitations et autres démembrements ne se comptent plus, mais bon sang qu’est-ce que ça viens faire là !
… donc j’ai eu tort de prendre ce film. Qui est un véritable navet de chez Bonduelle.
A éviter, donc.
Du sous Seven pour spectateurs paumés.
Quand à Taïwan on a plus d'idées, que la spiritualité se confond dans la naïveté fauché, que la construction est usé de trop de récits fatigués, que les images n'ont plus de sens que dans des palimpsestes désincarnés depuis tant d'années, que le sampling d'un Fincher déjà trop utilisés en solutions expéditives par ceux qui ne savent plus regardé soit le leitmotiv d'une insouciante originalité qui ne trompe que d'amnésiques décérébrés, il ne reste plus qu'un ennui mortifère d'une confondante vacuité où l'on sort fondamentalement crevé.