Arno Ching-wan | 2.25 | On y croit 15mn puis ça part grave en roue libre |
Xavier Chanoine | 1 | Une comédie wu xia sans intérêt |
Anel | 2 |
Lorsque Francis NG passe à la réalisation d’une comédie pour la seconde fois avec Marco Mak, on peut de nouveau craindre le pire. Orientée action et rappelant les belles heures du wu xia comique des années 80-90, mais souffrant justement de cette comparaison, Tracing Shadow semble faire pâle figure dans les rayons par son absence de nouveautés. Ce qui pouvait parfaitement passer dans une comédie du début des années 90 comme le Handsome Siblings d’Eric Tsang, avec son beau duo Andy Lau/Brigitte Lin, paraît ici en inadéquation totale avec l’univers poussiéreux mais filmé comme un clip, de la Chine médiévale si rabâchée dans les productions hongkongaises. On peut également repenser au Butterfly Lovers de Jingle Ma, naufrage divertissant n’ayant aucune ambition si ce n’est de moderniser par ses techniques de filmage et son jeu d’acteur niveau drama, la belle légende folklorique des papillons amoureux. Tracing Shadow revisite quant à lui ces films de ninja teintés de fantastique mais rehaussés ici d’une épaisse couche d’humour typique de la comédie hongkongaise, qui ne fera rire que les plus endurcis ou habitués de ce cinéma d’un autre âge.
Ce qui est le plus dommage ici, c’est cette manière d’évoquer tout un pan du cinéma de divertissement et de culture folklorique sans proposer une vraie vision de cinéaste(s) si ce n’est celle de rendre hommage à quelques figures bien connues du cinéma de Hongkong, Jackie Chan, Jet Li et Andy Lau notamment par l’intermédiaire d’un trio d’acteurs qui ne proposent rien d’autre qu’une prestation en forme de caricature ni drôle ni méchante, juste terriblement plate et gadget à l’image des techniques de mise en scène clippeuses dont fait preuve Tracing Shadow. Les deux cinéastes ont bien compris qu’il fallait filmer comme l’on filme la publicité ou la musique pop à la télévision pour attirer une clientèle résolument jeune, et non pas celle qui irait se déplacer pour Night and Fog de Ann Hui. Le film est donc à peu près sûr d’attirer du monde, notamment par la présence de Francis Ng, pas aussi ringard que dans le Turning Point d’Herman Yau, au point d’être plutôt bon dans le rôle d’un sabreur nonchalant. Côté casting, rien de bien nouveau à l’horizon, on retrouve toujours des protagonistes archétypes du genre, sans la once de fantaisie qui aurait pu démarquer Tracing Shadow d’un autre film, si ce n’est de présenter des traits immédiatement reconnaissables –forcément, trois d’entre eux sont des sosies- et des jeux cabotins, sans quoi la comédie de Hongkong ne serait pas grand-chose.
Triste d’en arriver là, le film ne semble avancer qu’en ayant un œil dans le rétroviseur, comme s’il ne pouvait aller plus loin que l’hommage rendu à ses pères qui ont inventé ou remis au goût du jour le wu xia fantastique ou la comédie kung-fu. Le personnage rebelle et grande gueule de la jeune protégée de Francis Ng a tous les gimmicks de Charlène Choi, Pace Wu tente de reproduire ce qui faisait tout le côté sulfureux et mystérieux de Brigitte Lin, et le personnage faussement noble joué par Jaycee Chan n’arrive jamais à être drôle, l’expression « tel père tel fils » perd ici donc tout de sa saveur. Si la comédie ne marche pas tant que ça, les chorégraphies de Ma Yuk-Sing sont écrasées par un montage beaucoup trop découpé, les reléguant clairement au second plan. Il était pourtant question de furtivité et d’ombres ? Tout va tellement vite, tout est tellement fait pour flatter l’œil de manière abusive (la fameuse poursuite sur les toits, filmée au ralenti, de nuit et sous la neige) que seul le côté purement artificiel du film surnage un ensemble de médiocrité, qui ne sera jamais sauvé par une histoire autour d’une carte au trésor sans intérêt aucun.