Ghost Dog | 2 | Ironie du sort |
Ordell Robbie | 2.5 | Manque de singularité dans son traitement formel et narratif. |
Sonatine | 3.75 | Teinté de nostalgie |
Au moins 2 paradoxes peuvent caractériser Le cerf-volant bleu : le premier, c’est que si Tian Zhuangzhuang y raconte les malheurs de « réactionnaires » pourchassés par de bons « révolutionnaires » maoïstes dans les années 60, lui même fut dans le collimateur des autorités chinoises à la sortie du film en 1993 pour thèse trop révolutionnaire… Il n’y avait pourtant pas de quoi fouetter un chat ; à part la dernière scène de rébellion envers une injustice endurée depuis 15 ans par une mère et son fils, sans doute mal prise 5 ans seulement après les évènements de la place Tien An Men, le film fait principalement partager la vie quotidienne difficile d’une famille chinoise comme des millions d’autres sous le régime extrémiste de Mao. Et c’est sur ce constat qu’apparaît le second paradoxe : si la censure n’avait pas frappé de plein fouet Tian ZZ en l’empêchant de tourner pendant 7 ans et en obligeant les producteurs à monter Le cerf-volant bleu en dehors de Chine, ce film serait peut-être passé bien plus inaperçu…
Pourtant, les atouts ne manquaient pas : une magnifique reconstitution du Pékin des années 50/60, un scénario qui sent le vécu, une mélodie récurrente émouvante à elle seule, et surtout une période de l’Histoire passionnante marquée par la négation de l’homme au détriment d’un idéal nationaliste totalement absurde. Mais malgré tout, rien à faire, on s’ennuie. La réalisation virtuose de Tian, à grands coups de panoramiques, semble tourner à vide devant le peu de rebondissements de l’intrigue, les scènes qui s’étirent en longueur sur 2H20 et le détachement très Hou Hsiao Hsien du regard de l’auteur face aux évènements dramatiques secouant la Chine : la mort de Shaolong dans un camp de rééducation est par exemple présentée de manière floue et sans émotion aucune, alors qu’il était l’un des seuls personnages attachants de la première demi-heure.
Ajoutons que, manque de chance, le film est sorti la même année que Vivre ! de ZHANG Yimou, qui traitait exactement du même sujet. On a beau essayer, impossible de ne pas faire la comparaison… Et sur ce point, il n’y a pas photo, Zhang a signé une œuvre bien plus touchante et convaincante que Tian, où Gong Li impose son charisme et sa prestance avec bien plus de conviction que Lu Liping, finalement assez terne dans son rôle de mère courage. Quant à la symbolique du cerf-volant, gage de liberté et de légèreté dans un monde oppressant, elle est intéressante mais un peu limitée.