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The Beast Must Die !

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les avis de Cinemasie

1 critiques: 3.5/5

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5 critiques: 4.3/5

visiteurnote
Samehada 4
Mohamed Bouaouina 5
Sauzer 4
Pikul 4.5
Mounir 4


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Le Cimetière de l'Immorale

Attention, cette critique contient énormément de révélations sur le film, il est préférable d'avoir vu le film avant de lire la critique ! 

Le film dont il est question a toute une histoire. Tiré d'un roman d'Haruhiko Oyabu écrit en 1958, The Beast Must Die ! connaîtra l'année suivante une première adaptation cinéma avec Tatsuya Nakadaï. Puis une version réalisé en 1974 avec Hiroshi "Kamen Rider" Fujioka à l'ambience Giallesque. Vint ensuite la version de 1980 traitée ici même, puis un remake tourné en 1999 par Masato Hironichi, incarné par Kazuya Kimura et écrit par le scénariste prolifique du Yakuza-Eïga, Toshiyuki Morita. Un autre roman de Haruhiko Oyabu fut également utilisé pour The Resurrection of the Golden Wolf, la précédente collaboration du quator Yusaku Matsuda(interprète)/Tôru Murakawa(réalisateur)/Shuichi Nagahara(scénariste de Most Dangerous Game)/Seizô Sengen (directeur de la photographie). Oyabu a de son coté également inspiré les grands pontes de la Nikkatsu, il est en effet le créateur du célèbre détective Tajima, héros de Détective Bureau 23 et de La Jeunesse de la Bête, tous deux réalisés par Seïjun Suzuki. Si The Beast Must Die ! a aussi beaucoup marqué les esprits, c'est en partie grâce à la performance impressionnante d'un Yusaku Matsuda au sommet de son art. Pour faire vivre son personnage, Matsuda n'a pas hésité à se refaire la dentition et à suivre un régime draconien de quinze kilos. Une performance qui rappellera celle d'un autre grand acteur ; Christian Bale pour The Machinist qui avait perdu vingt-huit kilos pour incarner un ouvrier insomniaque.

La trame est assez simple, un jeune homme du nom de Kunihiko Date est accusé du meurtre d'un flic infiltré et du massacre de caïds de la mafia dans un casino. Dans le roman , Date est un champion de tennis prometteur. Les différentes adaptations n'ont pas hésité à modifier quelque peu le personnage. Dans la version de 1959, contexte oblige, Date est un jeune étudiant révolutionnaire. Le remake de 1999 le transforme en un jeune imprimeur au chômage (cette version tient plus du Couperet de Donald Westlake que de l'oeuvre originale). La version de Murakawa propose, selon moi, la variation la plus intéressante, la plus sombre aussi. Matsuda y incarne un grand reporter revenu complètement traumatisé de la guerre du Viet-nam. Contexte qui donne toute sa force à ce film noir intense.

L'enquête policière n'a ici qu'un rôle secondaire, Murakawa et le scénariste Shoichi Maruyama (scénariste attitré de Matsuda depuis The Execution Game, troisième volet de la trilogie des Yûgi et véritable base pour Old Boy de Park Chan-wook) évacuent rapidement les enjeux de l'enquête : le film a peine commencé, on sait déjà que Kunihiko Date est un criminel, que le meurtre dont l'accuse l'inspecteur Kashiwagi est bel et bien commis par lui. Ce qui intéresse notre quatuor de choc (Matsuda/Murakawa/Maruyama/Sengen) n'est pas le fait que Kunihiko Date soit un criminel, qu'il essaie d'échapper à la police (d'ailleurs, le souhaite-il vraiment ?). Non, ce qui les intéresse , c'est de dépeindre la tragédie du personnage de Date, un homme proche de l'autisme traumatisé par l'enfer qu'il a vécu au Vietnam, un homme perdu qui poursuit un but dérisoire : braquer la Banque de Tokyo.

On peut d'ailleurs comparer The Beast must die ! de Taxi Driver du quatuor DeNiro/Scorsese/Schrader/Chapman tant le traitement des personnage se rapproche. Ce film noir est placé sous le signe du spleen (comme tout grand film avec Matsuda). la plupart des scènes se déroulent dans l'appartement de Date, une sorte de cocon où il vit reclus, se protégeant d'un monde auquel il n'appartient déjà plus. Il se réfugie dans l'écoute de la musique classique, une douloureuse musique. The Beast must die ! est très peu bavard. Lorsque Date s'adonne à de longs monologues, il dévoile un être brisé qui a atteint le point de non-retour. Le film prend des allures de quête existentielle lorsque durant le massacre du casino en début de film, Date trouve un Colt comportant une mystérieuse inscription. Ainsi commence une tragique chasse au trésor, une confrontation mortelle même, puisque son associé convoite lui aussi le butin. Leur association s'achèvera après une fuite éperdue lorsque dans une grotte se régleront enfin les comptes.

Outre le personnage de Date, Les autres rôles sont, eux aussi, très bien développés. Tetsuo, le jeune métis à moitié psychotique, l'inspecteur placide et opiniâtre Kashiwagi, qui se révélera, dans le mauvais sens du terme, très humain, et Reiko, la jeune femme tragiquement amoureuse de Date. Une belle galerie de personnages capable de donner de l'épaisseur à cette tragédie humaine. En effet, tous finiront par mourir par et à cause de Date. Tetsuo meurt pour avoir compris trop tardivement que son associé est plus dangereux et moins grande gueule que lui, l'inspecteur Kashiwagi sera tué parce qu'il s'est engagé dans une association avec Date qui le dépasse. Quant à Reiko, elle sera impitoyablement abattue par son Date-san pour avoir commis l'erreur de croire qu'elle pouvait le sauver, qu'elle pouvait l'aimer. Date lui fera comprendre de la manière la plus atroce qui soit. Les seconds rôles sont tout aussi excellents, Takeshi Kaga donne au personnage de Tetsuo une fougue rappelant celle de son partenaire sur la série TV Howl at the Sun !, Hideo Murota (inoubliable "Requin" dans Guerre des Gangs à Okinawa, entre autres) affiche la cinquantaine lucide pour ce policier. Et Asami Kobayashi rayonne en femme tragiquement romantique.

Autre changement de taille au niveau du scénario, sa conclusion. Le roman original se conclut par le meurtre de Tetsuo par Date sur la terre battue après une partie de tennis dont s'est probablement inspiré Miiké pour son duel au ping-pong dans La Cité des Ames Perdues. Dans le film avec Nakadaï, après le braquage final, Date part en toute impunité. Tandis que dans la version 1974, Fujioka est criblé de balles par la police. Dans le remake de 1999, Date se rend au flics qui le libère aussitôt, ne croyant pas une seule seconde à son histoire. A l'origine, La version de Murakawa devait s'achèver au moment où Date tend la main vers le ciel après avoir assassiné son associé, avec la très sombre, mais magnifique, thème accompagnant le générique de fin. Les trois auteurs (Matsuda/Murakawa/Maruyama) choisiront de réaliser un épilogue tragique fortement symbolique où Date est abattu quittant l'opéra. Le mystère planera toujours sur l'auteur de l'assassinat. En effet, on voit l'inspecteur marcher au loin tel un zombie alors qu'il était censé être mort en cours de film. La scène accompagnée d'une musique mélancolique à souhait conclu The Beast must die ! de façon aussi onirique que déchirante. La musique tient ici une place primordiale. Date est amateur de musique classique, il écoute du Debussy, du Satie, du Schubert et surtout l'Adagio d'Albinoni, utilisé à très bon éscient (le charme tragique que cela procure). De magnifiques thèmes ouvrent et concluent le film. Dans le générique d'introduction, un blues mélancolique nous montre Date errant sur notre monde tel un fantôme en quête de revanche, les premières notes débutant aussitôt que Date ait massacré des yakuza dans un casino. La sobre orchestration symphonique de la fin donne à l'assassinat de Date une sombre allure de requiem.

La mise-en-scène de Murakawa est magnifique et annonciatrice de celle de Ferrara dans son chef d'oeuvre Bad Lieutenant. Il joue beaucoup avec des plans-séquences sans dialogues (voir la trilogie Yûgi), donnant un côté onirique et rendant ainsi le film encore plus insoutenable (les scènes dans l'appartement de Date, les scènes à l'opéra, le braquage, la roulette russe dans le train, l'affrontement final dans la grotte), tout ça grâce au génie du chef-opérateur Seizô Sengen (Journal d'un Voleur de Shinjuku, Le Petit Garçon, La Légende des 8 Samouraï, Tokyo Blues, le film live de Maison Ikkoku et la plupart des chefs-d'oeuvres avec et de Matsuda), véritable maître du plan-séquence. La séquence du train est une scène très intéressante. On voit les personnages sous leur vrai visage. Date qui reste fidèle à lui-même, Kashiwagi dont on découvre d'abord le coté humaniste (il comprend ce qu'a dû endurer Date au Viet-nam), pour finalement nous montrer que comme tout homme, il a l'appât du gain dans le sang. Puis Tetsuo, qui d'associé grande gueule passe à simple homme de main.

Arrive le moment traumatisant de la roulette russe où, Date en maître du jeu, montre au flic ce qu'est la peur. Ce dernier, d'abord n'y croit pas un instant, mais quand l'homme en face de lui tire un coup vide, il comprend enfin que Date n'est pas une grande gueule, qu'il peut le tuer à n'importe quel moment (d'ailleurs c'est ce qu'il fait quand il voit son otage lui échapper). Après le meurtre de l'inspecteur, voila que Date s'adonne à un mini-massacre dans le train, il assassine quelques contrôleurs trop curieux. Cette scène est un grand moment cathartique, la folie de Date éclate enfin sous les yeux d'un Tetsuo terrorisé. Dans le grotte, dans son monologue délirant, Date craque, il a besoin de toute cette barbarie pour évacuer cette rage qui le minait. Ce geste de la main qu'il fait après avoir tué Tetsuo, nous montre qu'il peut enfin accepter la mort. Le tout dernier plan, tourné de très loin et dilaté au montage (donnant l'impression d'une extrême chaleur ensoleillée), est plus que pessimiste, non pas par la mort même de Date, mais par le fait que l'on a assisté pendant tout le film, de manière quasi-impuissante, à la détresse et la chute d'un homme qui ne demandait qu'à quitter ce monde, à la manière de Ishikawa dans Le Cimetière de la Morale de Kinji Fukasaku. Car, que l'on ne s'y trompe pas, Date ne meurt pas à la fin du film (d'ailleurs, The Beast must die ! s'arrête net sur un plan fixe, juste au moment où Date commence à s'écrouler, ne montrant pas l'homme vraiment mort), en réalité, Date était déjà mort pendant la guerre au Viet-nam, ne lui a survécu qu'un simple corps désincarné, vide de toute humanité.

The Beast must die ! marqua la fin (provisoire) de la très fructueuse collaboration entre Matsuda et Murakawa qui se sépareront par la suite (même si ils tourneront ensemble Bara no Hyoteki où Matsuda fera une apparition mémorable et surtout The Chaser, téléfilm policier se déroulant aux Etats-Unis, qui sera le dernier oeuvre de l'acteur), non pas pour de futiles querelles, mais simplement parce qu'ils ont donné le meilleur d'eux même et livré leur œuvre ultime, leur apothéose. Un peu comme (selon moi) DeNiro et Scorsese qui ne collaboreront plus ensemble après le grandiose Casino. Au terme d'un tournage éprouvant, The Beast must die ! sera récompensé par le Blue Ribbon Award, l'équivalent des Oscars au Japon : meilleur film, meilleur acteur, meilleur réalisateur, meilleur scénario, etc . La critique comprend définitivement que Yusaku Matsuda n'est pas qu'une belle gueule, et qu'il peut être aussi un acteur exceptionnel qui joue avec ses tripes, qui vit son personnage plus qu'il ne le compose. Malgré l'extrême noirceur du film, le public saluera aussi sa performance qui lui offre les portes de projets plus ambitieux en compagnie de grands auteurs tels Eiichi Kudô, Seijun Suzuki, Yoshimitsu Morita, Kinji Fukasaku, Kiju Yoshida ou bien encore l'écossais d'Hollowood Ridley Scott. Un film majeur à ranger du côté de Taxi Driver, du Cimetière de la Morale et de Bad Lieutenant

(Version corrigé par son auteur du texte original paru sur le site Eïgagogo)

06 juin 2006
par Mohamed Bouaouina


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