Xavier Chanoine | 4.25 | Important film d'animation sur le bombardement d'Hiroshima |
drélium | 4 | Ouf, on se détend un peu après le premier volet. |
Adaptation du célèbre manga de Nakazawa Keiji sorti en 1973, le Gen d’Hiroshima des studios Madhouse est une œuvre qui n’a que très peu perdu de son impact malgré le poids des ans. Optant pour un matériau de base rassemblant les souvenirs de son auteur au moment du largage de la bombe atomique sur Hiroshima, l’œuvre n’en est que plus poignante. S’étalant sur plusieurs années, entre les prémices du ravage jusqu’à la survie d’une partie de la famille Nakaoka, Gen d’Hiroshima n’a pas à rougir face au mastodonte sur le bombardement d’Hiroshima pondu par le studio Ghibli cinq ans plus tard, le bien nommé Tombeau des lucioles. Il n’y a sans doute pas ici la précision chirurgicale de la direction artistique du film de Takahata Isao, mais malgré les contraintes d’une adaptation d’un manga comptant 10 tomes pour deux films d’un total de 3 heures, le résultat demeure d’une grande puissance.
Gen Nakaoka est d’ailleurs un bel exemple de courage et d’abnégation, jeune garçon portant sur ses épaules tout le poids de la tristesse d’une nation dévastée par la bombe. Du souhait de son défunt père, il doit se comporter comme le blé fort (qui même piétiné, pousse sur les sols les plus déplorables) et sans cesse aller de l’avant. Il faut dire que le garçonnet a déjà tout vu malgré ses dix ans, comme les siens périr sous les flammes (seule sa mère, enceinte, a survécu), les habitants d’Hiroshima devenus des zombies à la recherche de la moindre vivre. Rien qui n’entache sa volonté d’aider les inconnus (le soldat qui ne se doute pas qu’il est déjà mort, le petit orphelin, le vieillard du second film…) ou sa mère souffrante des radiations et qui vient de donner naissance à la petite Tomoko. Le premier film, réalisé par Masaki Mori, nous place quelques jours avant et après le bombardement, en y montrant sans toutefois atteindre un haut niveau de complaisance, les atrocités de la dévastation : l’atteinte sourde et tétanisante du largage est un des moments forts du film, avant de virer dans une bouillie de couleurs flashy qui ont aujourd’hui pris un sacré coup dans la panse. Heureusement que la suite revient à une austérité et une noirceur graphique en accord avec les terribles propos du film, sans toutefois basculer dans une horreur tellement opaque qu’on peut difficilement y sortir : malgré des épisodes qui nous amènent à penser qu’il n’y a aucun espoir de s’en sortir, l’épilogue contredit la donne de fort belle manière.
Mais trois ans plus tard, là où le second film débute, les flashs sont encore présents. Une manière d’ailleurs plutôt roublarde de nous rappeler les évènements du premier épisode. Gen a grandi, tout comme l’orphelin recueilli dans l’opus précédent, considéré à présent comme un nouveau petit frère. Sa mère est faible et continue de sacrifier son énergie pour ramener un peu d’argent malgré les efforts de ses deux petits protégés : Gen va à l’école tandis que son complice aimerait bien passer son temps ailleurs. Souhait bientôt réalisé avec l’apparition d’un vagabond et d’une mystérieuse jeune fille dont la mèche cache de sérieuses brûlures. Ces deux vont rapidement s’avérer être d’une aide précieuse pour les deux loustics bien désireux de bosser au marché noir pour ramener quelques sous et soulager leur mère dont les jours sont à présent comptés. Touchée par les radiations dans l’air et ce bien après le bombardement, elle fait partie de ces centaines de milliers de japonais décédés des années après les 6 et 9 août 1945, et Gen d’Hiroshima n’oublie pas de nous rafraichir la mémoire à travers la pluie noire et ces malades qu’on ne diagnostique même plus lorsque l’on sait quel mal les touchent. Malgré tout, ce second film est une merveille d’optimisme et de combat de tous les instants, dans un Japon finement passé à la loupe, où l’armée américaine nettoie le terrain tout en apportant produits et cigarettes bien de chez eux, où l’on envoie par la force les jeunes vagabonds dans des refuges et où les yakuzas semblent de plus en plus dominer les ruelles. Et tout y passe pour survivre : vol de métaux sur des chantiers, graines de blé plantées ça et là, aide mutuelle pour bâtir des abris et sauver le vieillard du coin ou encore vols des récoltes des paysans du coin, bien décidés à ne pas céder leurs précieux trésors même face aux plus démunis : comme un écho bien différent au poisson volé par les enfants à un vieil homme au début du premier film, avant d’être offert par ce dernier face aux arguments des petits. L’heure est à présent à la survie. Et il y a cette belle douceur incarnée par le personnage mélancolique de la jeune brûlée, se battant contre elle-même et le regard des autres.
Mais Gen d’Hiroshima, dans son ensemble, est aussi un beau portrait sur l’enfance, l’amour et l’amitié. Des thèmes jamais traités sur le ton de la niaiserie même si le film (et la narration) vit par le regard du jeune Gen. Les moments où le courage et l’espoir prédominent sur les souvenirs du bombardement offrent ainsi de superbes instants de cinéma, aussi déchirants que drôles à se tordre. C’est bien là toute la force de ce diptyque adapté d’un matériau que l’on sait plus dur encore dans son traitement et ses propos. Pourtant, difficile de quitter ces deux films sans avoir un peu souffert et partagé le quotidien de ces survivants, bataillant pour se reconstruire une vie.