Ordell Robbie | 4 | Risibles Amours |
Le petit charme de cet Amour à Umukbaemi ne se situe pas son score médiocre. On ne peut pas dire non plus que sa réalisation soit bluffante. Cependant, la mise en scène a le mérite de pointer son regard vers des zones délabrées pauvres pourtant pas si éloignées géographiquement de Séoul, de savoir parfois se mettre à distance du pathétique de certaines situations, de filmer avec la sensualité de cadrages rapprochés une scène de sexe, de travailler les reflets lors d’un dialogue, filmer des pieds avec fétichisme comme explorer caméra à l’épaule une habitation. Et savoir regarder ses personnages, son environnement, c'est finalement mieux que tous les tours de force clinquants de la terre...
Reste que le point le plus réussi du film se situe dans son script. Script démarrant de façon tonitruante en présentant son « héros » comme un homme se faisant éjecter sans ménagement et avec violence par sa femme de son foyer parce qu’il est arrivé trop tard. Avant de déclencher un long flash back qui fera revenir au point de départ. Le film commence ainsi par décrire le départ de Séoul du couple pour le village et l’on sent déjà poindre les frustrations d’un mari ne se sentant pas respecté par sa femme, possessif et d’une femme préférant le monde urbain. Avant de se lancer dans la description de la naissance progressive d’une passion entre le mari devenu ouvrier dans une usine textile où travaillent seulement des femmes et une femme mariée. Description se faisant en toute légèreté. Le travail à l’usine, les rapports entre les ouvrières sont ainsi dépeints avec un naturalisme n’excluant pas un certain humour dans les remarques des ouvrières. Cette passion s’insère dans un quotidien fait de travail répétitif mais aussi de moments de détente entre ouvrières. Et lorsque les rapprochements entre les deux etres se confirment, la pudeur, la retenue se combinent à une maladresse et un ridicule qui font sourire voire rire. Pas d’exaltation de la rébellion, juste une passion rafraîchissante mais pas forcément romantisée.
Et ensuite, lorsque le film revient vers la mariée humiliée, vers ses frustrations dues à son passé professionnel dans la prostitution que lui font sentir son mari et sa belle famille, le film se met à progressivement basculer vers le mélodrame sans surcharge de pathos : Jang Sun Woo évite d’appuyer par la musique ou la mise en scène un pathos déjà porté par les acteurs. Et il offre alors le portrait d’une femme enragée, n’ayant pas peur de violenter l’homme qu’elle a aimé pour venger son humiliation. Avant de s’offrir une fin toute en regrets. Durant tout ce temps, le film aura eu le temps d’offrir ces scènes clichés sans lequel le cinéma coréen ne serait pas ce qu’il est : scènes sous la pluie, scènes de gifle, scènes de saoulerie. Sans bénéficier pour autant d’un scénario sans reproches : si multiplier les voix off était une belle idée, la voix off de Park Jong Hoon se fait parfois trop envahissante, exprimant des choses visibles à l’écran grâce au jeu des acteurs.
Le film est en outre porté d’un bout à l’autre par des acteurs –Park Jong Hoon en tête- convaincants aussi bien dans la retenue que dans le pathos. La grande force de l’Amour à Umukbaemi, c’est sa fraîcheur. Fraîcheur naturaliste donnant à ce qui n'est pas un coup d'essai un charme de premier film...