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Aeon Flux

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les avis de Cinemasie

2 critiques: 4.38/5

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1 critiques: 4/5



Arno Ching-wan 4.5 “You can’t give it, you can’t even buy it, and you just don’t…
drélium 4.25 Une quasi révolution de l'animation et de la SF.
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


“You can’t give it, you can’t even buy it, and you just don’t…

…get it! » (traduction au dernier paragraphe).

On triche un peu sur ce coup là, car bien qu’il soit d’origine coréenne CHUNG Peter est de nationalité américaine depuis le début des années 80... Peu importe ami cinémasien, copain cinemanimésien et poto cinématoucourien, c’est pour la bonne cause ! Eh oui très cher internaute cosmopolite, à l’heure où l’on s’extasie sur les libertés prises « de risque » par le Studio 4°C, il est bon de revenir sur les rares incursions dans ce que l’animation sait pourtant faire de mieux : délirer sur son format, réfléchir sur ses capacités à narrer une histoire de mille et une manières colorées, et ce de la façon la plus subversive qu’il soit : sexuelle, violente et dérangeante !! C’est la fête ami interpolite, amusons-nous gaiement! !

Ouh je sens que ça va être une prise de tête ce texte là...Pour faire simple, disons que Peter Chung en a eu marre de raser la moquette et qu’il a décidé de la fumer. Ainsi, des Razmokets il passe à Aeon Flux, série allumée de partout et à la liberté créatrice exponentielle. Au début des années 90, c’est-à-dire à la fin du XXème siècle pour les moins de 6 ans qui savent lire, MTV ne barbotait pas encore à ce point dans le real-TV. La chaîne s’était risquée à créer ce concept génial qu’est Liquid TV, un programme nocturne constitué de courts-métrages animés dingos et pas mal osés. Au-dessus du lot et en quelques secondes de visionnage, la série Aeon Flux marquait d’un tatouage intérieur indélébile les souvenirs télévisuels de spectateurs adeptes de changement, des télévores ne sachant pas encore qu’ils devraient aller jusqu’à changer leurs couches pour tenter d’assimiler un inassimilable difficilement (di)gérable.

Le premier épisode est un court métrage de 12 minutes qui, à l’époque, avait été diffusé par tranche de 6 épisodes de 2 minutes. Existent 5 autres tous petits courts métrages et le gros morceau, 10 épisodes d’une bonne demi-heure chacun. Les premiers courts ne sont pas bavards, ils privilégient le rythme haletant - c’est de l’argent - à une quelconque trame, aidés qu'ils sont par l'excellente bande originale de Drew Newmann qui insiste sur l’expérience sensorielle immédiate du show. Les sensations ne sont pas dénuées d’intelligence pour autant, le premier court donne clairement le ton en commençant par nous présenter Aeon comme une héroïne magnifique affrontant seule le monde entier pour ensuite développer des dommages collatéraux et s’attarder sur deux victimes issues du monceau de cadavre fluxien, deux hommes de mains quelconques et anonymes se révélant être une homme et une femme une fois leurs masques retirés. Ce sont deux amants tristes à l’idée de se perdre, achevés sans aucun remord ni temps d’arrêt par notre fière guerrière en perpétuel mouvement. Les courts métrages suivants s’amuseront à tuer régulièrement Aeon jusqu’à ce que la série développe davantage son seul et unique fil rouge, celui unissant sa ceinture de cuir au corps fiévreux de Trevor Goodchild, ennemi premier de notre walkyrie et amant de toujours.

C'est quoi ce truc?...Le pseudo-monde de SF dans lequel vivotent nos deux tourtereaux sado-maso est peu crédible mais ses aspects organiques démesurés aident à apprécier ce maelstrom délirant comme un triturage de chair et d’âmes perturbées très cronenbergien. Ainsi les attirances bizarres de son Crash trouvent un écho certain dans l’épisode 2 « Thanatophobie » (1995), où une femme éprouve beaucoup de plaisir à se faire tripoter la moelle épinière par des outils de chirurgie glacés. Le chara design agressif de Chung cautionne cette idée, proche en cela de celui de ONDA Naoyuki ( Parasite Dolls). Ca n’est pas toujours bandant pour les non-déviants, c’est plus malsain que véritablement excitant, mais l’aspect à ce point libéré de ce défouloir fait qu’on adhère à cette vague de « Allez tous vous faire f… ! ! » dont le flux d’Aeon est outrageux, gratuit, scandaleux et nécessaire, nettoyant une crasse sur laquelle Trevor passera une seconde couche à l’aide du reflux, un courant contraire tout aussi récurent bien que tout aussi éphémère. D’où une répétition ? Non, d’où l’intention pour Trevor de passer sur une Flux passée là avant lui, d’où des incidences sur l’environnement, le sien, le nôtre.

Aeon le vaut sacrément bien!Aeon est une belle rebelle, l’agent des Monicans, une organisation fantôme dont on ne sait pratiquement rien si ce n'est qu'Aeon semble parfois plus forcée d'agir comme un brave soldat obéissant que comme une militante activiste. Formatée? Parfois oui, parfois non selon le supplément d'âme alloué à son clône ou à elle-même. Trevor est l’archétype du capitaliste cynique, chef des Breens, « de la race des gagnants » comme on dit, méchant qui ne l’est pas tant que ça puisque la série aurait pu tout aussi bien s’appeler « Trevor Goodchild » que les points de vue n’auraient pas changé : il n’y en a pas. Ces données emboîtées les unes dans les autres forment un grotesque bras d’honneur visant les conventions et tous les divertissements manichéens de base (pléonasme), les auteurs ayant choisi d'attaquer la difficulté et les différents paradoxes de nos petites vies, de ces pensées et principes s’opposant frontalement et systématiquement à nos désirs et sentiments. Dès lors le ton et le message sont durs à cerner, l’œuvre n’est clairement pas facile d’accès et même une fois lancé son concept de série elle n’aura de cesse de rester un ensemble de courts métrages liés entre eux par… rien, aucune accroche réelle n’ayant été créée ni même pensée par les instigateurs de la série. Gros pic de liberté inconcevable, Aeon Flux a permis à Peter Chung et ses collègues de s’éclater à fond avec cette Aeon dont ils ont tous forcément été amoureux un jour ou l’autre, une icône forte issue d’une série ultra-freudienne nous montrant un monde fantasque finalement très réel où toutes nos actions ne seraient guidées que par nos sens. Actions justifiées auprès des autres par des apparences trompeuses et des raisons obscures en guise de livre d’histoire rationalisant ce qui ne l’est pas. Sous ses dehors d’ancêtre de Trinity matrixienne - et la sainte trinité m’habite – Aeon (1) est une femme avec un grand « F », celui de « fouet » mais aussi celui de « fragile », une lettre coincée entre un « E » éphémère et un « G » gigantesque. Aeon n'est qu'une "femme fourmi" ridicule au milieu d’un monde tellement inhumain qu’il en deviendrait presque extraterrestre. A l’inverse et devant sa force de caractère on en arrive à la comparer à la créature arachno-flippante de l’introduction de La Cité interdite de KAWAJIRI Yoshiaki, une bestiole-femme prédatrice beaucoup plus puissante qu’une simple fourmi. Dans les deux cas c’est un objet sexuel passif et fragile ou dangereux et dominateur selon la situation.

Aeon Flux est une femme incompréhensible parce que contradictoire, une de celles qui voudraient survivre et sauver un monde qu’elles trouvent pourri mais tomberaient éperdument amoureuses d’ordures égoïstes représentant presque tout ce qu’elles exècrent. La série envoie valdinguer tout principe acquis, de ceux habituellement encouragés par une certaine forme de cinéma, celui caressant dans le sens du poil une vision passive du monde et poussant les gens à acheter leur ticket de ciné pour financer le parti du vide et… Je m’égare. De Lyon. Je te l’échange contre ta rue de la paix ok ? Que je ? Que j’aille me faire ?… Noooooonnn…

Pouf, pouf.

Tout comme Kawajiri, Peter Chung construit des plans séquences de ouf en tournicotant autour de ses personnages mutants pour dynamiser l’action mais aussi traduire son essoufflement et son aspect dérisoire. Bill Plympton n’est pas loin non plus (2), on pense particulièrement à lui lorsqu’un court métrage démarre en trombe avec un roulage de palots vu de l’intérieur. Deux langues s’y enroulent dans un grand bruit, l’objectif étant – parce qu’objectif il y a – qu’une d'elles ouvre le capuchon d’une dent factice de l’autre pour en faire ressortir adroitement un document confidentiel défense qui parle de [CONFIDENTIEL DEFENSE ON A DIT]. Ca n’est pas grave, je voulais juste parler des langues plymptoniennes. Voilà, c’est fait. Les 5 derniers épisodes mis en scène par Howard Baker sont beaucoup plus calmes, un brin plus faiblards par leur mise en scène dirons-nous car ils perdent en folie furieuse ce qu’ils gagnent en potentiel dramatique. Ce qui aura cependant - et avouons-le - permis à la série de perdurer une fois son concept de base répétitif épuisé après seulement quelques épisodes.

MMMMMH!!!Vous allez dire : « Monsieur, tout ceci n’explique pas le générique, la mouche vivante dans les cils, ni cette phrase étrange du début, reprise d’ailleurs pour le titre de votre texte ». Mmh… Extrapolons. « Paul, j’extrapole ? » « Ok vas-y, extrapole ! » « Extra Paul ! ». En effet, le générique du premier court se caractérise par cette mouche remontant une joue jusqu'à se faire attraper par un battement de cil, une scène étrange qui nous interpelle autant que la fameuse phrase clôturant le générique d'introduction de la série. La mouche était le nom d’une coquetterie du XVIIIème siècle, une époque pendant laquelle les femmes aimaient à coller des boutons de beauté factices près de leur bouche pour ajouter à leur sensualité. C’était une mode. Aeon Flux crachant un bon gros glaviot sur ce concept même, peut être que cette image choc est une provocation envers un bon sens qui « ne l’est que s’il est partagé par tous », donc pas par elle. Cette scène n’aurait alors un sens esthétique que pour son créateur, avec pour explication quelque chose du genre : « Je fais ce que je veux d’abord ! » Avec ses cheveux et avec ses cils, peut-être, mais avec Cécile ? La mouche est un insecte, nous avons déjà abordé cet aspect de l’infiniment petit dans l’infiniment grand un peu plus haut. « Les hommes tombent comme des mouches devant Aeon », ok, mais en partant du principe que ces cils ne sont pas forcément ceux d’une Aeon bi-sexuelle affirmée (3), cette dernière deviendrait cette mouche prisonnière d’un piège qui, à l’origine, n’en est pas un. D’où des interactions hasardeuses dues aux battements d’ailes de cette mouche. D’où ceux du papillon. D’où la théorie du chaos exposée dès l’ouverture du premier des 10 épisodes, un chaos littéralement révéré par nos deux tourtereaux. Les amants d’un jour d’Aeon meurent pratiquement à chaque épisode et il en va de même pour les maîtresses de Trevor. Cet environnement ne sert ainsi qu’à attiser la passion de nos amants-ennemis, futés puisqu’ils ont compris que si leurs deux corps arrivaient à constituer un seul et même papillon ils seraient alors invincibles et n’auraient plus à craindre un quelconque incident puisqu’ils en seraient eux-mêmes à l’origine. Il fallait y penser. Sauf qu’un effet secondaire pour le moins fâcheux est survenu : leur couple bat de l’aile, forcément. Ces deux vampires forment ainsi un tourbillon destructeur qui n’aura de cesse de bousiller jusqu’à l’intégralité de leur environnement pour faire fluctuer leurs sentiments et continuer - ou essayer - de donner un sens à leur existence. Papillon de nuit, papillon nuit.

Roulez jeunesse!La phrase en français dans ce texte: « tu ne peux pas le donner, tu ne peux pas l’acheter, tu ne peux même pas le saisir » (cf. titre critique) semble évidemment s’adresser à Trevor, mais rien n’est moins sûr. Aeon l’aime, elle narguerait ainsi son homme pour mieux l’attirer dans ses filets ? Ou dans ses cils ? « Cécile, ils sont faux tes cils ! ! », « Comme ton filet mon cher. On le mange avec des haricots ? », « C’est la fin Cécile, ça ne peut plus continuer comme ça! », « La fin des haricots ? Attends, j’ouvre la boîte… ». Certains préfèrent voir dans ce leitmotiv une baffe infligée à un spectateur sado-maso, une vanne lui affirmant qu’il ne peux pas donner ce qu’il ressent en découvrant Aeon Flux puisque même si elle lui plait il n’est pas en mesure de l’acheter ni même de la saisir car elle n’existe pas : elle est dessinée. De toute façon vous n’êtes pas son genre. Dès lors le plus maso serait son dessinateur ?... Je ne comprends rien Aeon, rien de rien. Ca n’est pas grave du moment que tu me fouettes. Fouette-moi, vas-y, fouette-moi s’il te plait. Vas-y oui ! AAAAH, OUI, VAS-Y ! ! ENCORE ! ! FOUETTE-MOI ENCORE ! ! LA OUIIII…

(1) J’adore l’écrire, j’adore ce prénom, j’adore Aeon, votez Aeon !

(2) Bill Plympton et Yoshiaki Kawajiri se sont rencontrés hier au bar « chez Gégène » à Vesoul. Gilles a enregistré ça, planqué derrière son buisson : « Salut Yosh ça va ? » « Cool Bill, et toi ? » « Relax-tranquille Yosh. » « Oh ben tant mieux dis moi. Et alors Highlander: Search for Vengeance ça avance ? » « On en parlera un autre jour Bill. » « Dommage, j’aurais bien aimé savoir moi... »

Merci à Gilles pour l’info.

(3) Ils le sont, on voit très bien une partie de sa coupe de cheveux avant que la mouche n’atteigne l’œil. Mais après tout, Aeon ayant une multitude de clones (épisode 3 : « Une dernière fois pour toute »), peut-être se piège t’elle toute seule avec sa propre conception du monde.



08 mai 2006
par Arno Ching-wan


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