Beau geste
Shara est comme un cadeau : c'est surtout le geste qui compte, un beau geste de cinéma. Le film a des envies de beauté, une photo miraculeuse, une sensibilité à fleur d'objectif, un son tout doux, et des plans séquences portés bluffants dans leur petite économie. Ce n'est pas l'hyper-maitrise de
Elephant, dans un même registre "regard divin et distancié" mais sur quelques moments, le fond et la forme atteignent un petit nirvana sans forcer, sans chercher le "grand" sens, l'épate pour cinéphile. Les plans d'ouverture et de fermeture, véritables opéra minimalistes, la discussion entre la mère et la fille, le baiser tout mignon entre les deux ados, les séquences de la fête et de l'accouchement sont des blocs d'une rare pureté. D'autres plans sont trop étirés, se cherchent ou sont en trop.
Shara aurait été encore meilleur sous forme de petite bombe ramassée en une poignée de plans séquences. Il aurait également gagné à dire encore moins de choses, lui qui n'est déjà vraiment pas causant. L'histoire du frère "retrouvé" nous embrouille, alors que les silences, les maisons vides nous racontent beaucoup en toute limpidité.
La danse de l'oubli
Shara ne se différencie pas complètement d'un Suzaku dont il partage une certaine parenté. Cette parenté d'une famille incapable de faire le deuil, ici de leur enfant disparu voilà cinq ans, de manière totalement anodine. Tandis que Suzaku posera le deuil que bien plus tard (pour la disparition de Kozo), Shara le fait dès les premières quinze minutes, comme pour soutenir tout au long de ces 100 minutes la douleur d'une famille, d'un fils incapable de se séparer de l'image de son frère, lequel lui dressera un portrait grandeur nature, une nature morte. Kawase Naomi réussit là où on ne l'attendait pas forcément. Si la photographie est toujours tout en contraste jusqu'à l'aveuglement, sa caméra se place bien mieux qu'à l'accoutumé, captant en quasi-live chaque séquence, volée, et la fait tenir debout avec brio, en témoignent les tours du force introductifs en plans-séquences, troubles et mystérieux. Un son de clochette (récurrent, déjà entendu dans au moins 2 de ses films), deux gamins qui jouent avec un saut d'encre, et une fuite. La caméra les poursuit, se perd, les retrouvent et ne les lâchent plus, jusqu'à ce que le pire arrive.
La cinéaste joue alors de son recul face à une situation quasi désespérée, et même si elle se filme en tant que mère, filme sa famille, puis une autre, l'absence pesante du fils se ressent par les excès de rage de son autre enfant, incapable d'entendre raison dans une séquence poignante où ce dernier nie la disparition de son frère, retenu par les bras solides d'un père lui aussi abattu mais mature et conscient. Cependant il continue à aller de l'avant. La patte purement visuelle de la cinéaste, reconnaissable parmi cents du fait des nombreux gros plans sur les "enfants" de son potager, fleurs et jeunes pousses évoquant la naissance, la vie, (thème qu'elle poussera à son paroxysme 3 ans plus tard dans l'impudique Naissance et maternité) amène aussi à l'attachement que l'on éprouve à ses travaux. Mais toute la douleur accumulée par la disparition de Kei disparaîtra partiellement grâce à l'évènement même de la ville de Nara, la fête du Basara, et permettra à ses hôtes de voir le véritable côté des choses et de prendre un tout nouveau chemin pour l'avenir, tout comme la naissance d'un nouveau petit frère pour Shun en fin de métrage. Et cette parade, d'une puissance rare, est accentuée par la férocité d'une pluie battante, n'empêchant pourtant pas les festivités de continuer car cette rage est au fond de chaque être dansant, la pluie et les gênes climatiques ne sont qu'en surface. Et cette parade de rassembler aussi les coeurs, menée par Yu, déterminée. Un film coup de poing.
Parade de premier choix
Le cinéphile à la recherche du tour de force, de la "leçon de mise en scène", de la "scène d'anthologie" dont il décortiquera chaque effet de montage et chaque cadrage ne trouvera rien de tout cela dans Shara. A sa manière tout sauf tapageuse, Shara apporte pourtant du neuf sous le soleil du cinéma japonais. Sa seule leçon, c'est celle d'un cinéma attentif. Et qui en étant attentif réussit à capter de purs moments de grace.
Toute la clé de Shara est dans la superbe séquence de la parade : une fete japonaise traditionnelle qui pourrait paraître aussi usée et datée qu’une fete de rue d’une ville de la France profonde mais investie de vie par les nuances dans les regards des spectateurs, des caméras portées pleines d'énergie, quelques mouvements furtifs de focale et une averse impromptue. Ou comment rendre la tradition vivante en la revisitant pour l’emmener ailleurs. Les situations de Shara ne sont en effet rien d’autre que du mille fois vu dans le cinéma japonais, presque de « l’estampillé japonais pour grand festival » : ces appartements traditionnels, ces diners en famille, ces moments intimistes, tout ceci n’est qu’un creuset mille fois arpenté par les cinéastes de l’age d’or (Naruse, Ozu) et leurs héritiers ; quant à l’idée de disparition, rien que du déjà vu chez Teshigahara ou Kurosawa Kiyoshi. Sauf que si Kawase n’arpente pas des territoires neufs, elle permet à ceux-çi d’etre féconds en les arpentant autrement. Là où l'aspect contemplatif Suzaku était principalement marqué par le passé de photographe de Kawase, Shara semble plutot découler de sa veine documentaire. On y tourne autour de moines bouddhistes en prière, la caméra y suit deux gamins qui courent en étant légèrement en retrait : ici, le style caméra à l’épaule, bien loin d’un certain formatage du cinéma d’art et essai aussi navrant que celui des blockbusters, manifeste l’amour que Kawase ressent pour ses figures du quotidien d’une petite ville nipponne, son désir de capter immédiatement tous les détails de leur quotidien, sa volonté d’etre attentive à un morceau de nature, au tracé d’un couloir ou à des portes s’ouvrant au passage de la caméra.
A un enregistrement contemplatif de la réalité (trop…) attendu dans un film japonais, Kawase substitue l’enregistrement dans l’action, comme si le désir de filmer la vitalité consécutif à un Lettre d’un Cerisier Jaune en Fleurs qui montrait la mort à l’œuvre trouvait une traduction directe dans sa forme. Et si la séquence d’ouverture donne l'impression que la cinéaste se regarde filmer, Kawase n’hésite pas le reste du temps à ajouter une certaine ampleur à sa mise en scène. Shara élague également les défauts qui rendaient Suzaku rébarbatif malgré quelques beaux moments de cinéma : le film est bien réglé d’un point de vue rythmique, la photographie est moins originale mais permet au spectateur de s’impliquer émotionnellement, le film a un déroulement quotidien mais évite les répétitions, leur préférant une variété révélatrice des changements progressifs à l’intérieur de la cellule familiale et là où Suzaku voulait briser la frontière fiction/documentaire, Shara est plutot une fiction avec son fil conducteur –la disparition et ses rapports avec l’idée de fécondation- mais aussi ses petits chemins de traverse –la préparation de la fete, les amours adolescentes avec la scène très émouvante du baiser- ce qui le rend plus agréable à suivre. Kawase évite constamment le double écueil de la distance trop froide et de l’exçès de pathos, leur préférant une légèreté jamais mièvre. Autre écueil évité, celui trop évident de la fécondation-belle scène d’accouchement- comme substitution à l’etre disparu, la naissance ne comble pas un vide, elle crée simplement d’autres rails où l’existence peut s’insérer pour avancer. Un peu comme Kawase permet par son regard documentaire à une idée du cinéma japonais de l’age d’or d’éviter de se figer donc lui offre une (sur)vie autre.
Vie qui est aussi la sienne –le film doit également à son expérience de la grossesse- cette fois bien intégrée à la fiction, offrant un film ancré dans sa nation mais dépassant cet ancrage pour tendre à l’universel. Son stakhanovisme derrière la caméra (cf article sur la Rétrospective de la Gallerie du Jeu de Paume) n’aura donc pas été inutile pour qu’elle confirme sur format long les espoirs suscités par ses courts et ses documentaires.
Tous mes remerciements à Paris Cinéma.
Etrange
En effet le postulat de Shara est la disparition d'un jumeau dans une famille banale de Nara ; en fait on assiste à une tranche de vie d'une famille japonaise. Alors bien sûr le film n'est pas exempt de longueurs et défauts cependant il devrait plaire sans difficulté à tous les amoureux du Japon. Certaines scènes comme celle de la fête locale où les jeunes dansent dans la rue, celle de l'accouchement ou encore lorsque la caméra suit le vélo du frère du disparu qui traverse plusieurs rues de la ville respirent l'ambiance de là-bas. Une vraie plongée au cœur du Japon.
Pour les défauts il y a bien sûr ces longueurs quasi-inévitables du fait que la réalisatrice KAWASE Naomi désire qu'on s'installe dans le quotidien de cette famille. Il y a également cette caméra qui bouge un peu trop par moment, du genre "regardez c'est filmé comme si on n'était pas là, c'est un reportage et pas un film", seulement même quand la caméra s'arrête d'être en mouvement, elle continue à trembloter sur place, c'est relativement énervant.
Shara n'est donc pas un chef d’œuvre et possède des défauts marquants dont certains sont cités ci-dessus, cela n'empêchera pas les amoureux du Japon d'apprécier l'ambiance générale qui se dégage du film.
Joliment intimiste
Shara est une étonnante plongée dans un Japon profond - rarement filmé comme ça, avec ses petites ruelles, ses intérieurs traditionnels, ses fêtes typiques et ses habitants lambda confrontés aux rudesses et aux bonheurs de la vie. Caméra à l'épaule, Kawase parvient à capter de jolis moments de cinéma, se regarde parfois un peu trop filmer et n'évite pas les longueurs, mais le ton et le rythme, autrement plus enthousiasmant que dans son pensum Moe no Suzaku, permet au spectateur de se familiariser avec cette petite famille pas très bavarde. Attention cependant : la scène de fête ne dure que 10 minutes, s'imposant comme pierre angulaire du film, mais pas du tout comme l'élément central que l'affiche peut laisser supposer. Shara est bien un pur film d'auteur relativement hermétique, qui ne plaira pas à tout le monde.
Présences sensibles
Les toutes premières images du film l'annonçaient pourtant clairement... Le cinéma de Naomi Kawase n'est pas celui de la narration. Rejetant le descriptif au profit de la mise en place d'une subtile mécanique de l'évocation, la réalisatrice se focalise sur la cellule familiale en adoptant une démarche de captation de l'instant. Les bouleversements engendrés par la disparition d'un être ne sont dès lors jamais mieux suggérés que par ce qui compose l'espace même dans lequel évoluent ces individus confrontés aux blessures du passé. Espace dans lequel la caméra, prolongement de l'œil de la réalisatrice, se déplace avec une subtile vivacité visant à capturer l'instantané sans artificialité aucune.
Cinéma de la contemplation ? Certainement pas. Au contraire, l'œuvre de la cinéaste est affirmation de l'environnement en tant que corps cinématographique et ne saurait en aucun cas réduire le paysage à l'état de simple décor. Positionné comme lieu de connaissance du monde, le paysage se fait renforcement d'une réalité et induit dès lors un rapport fort entre les hommes et leur environnement.
Cinéma de la sensibilité ? Cela est plus probable. Si, comme Jonas Mekas, Naomi Kawase pose son regard sur des instants du monde et inscrit son œuvre dans un cinéma du personnel, les vibrations perçues à l'image ne sont pas tant celles de la caméra que de son regard. Quand la réalisatrice filme les espaces vides, c'est pour faire vivre ces objets hantés par les souvenirs du passé. L'environnement acquiert, comme chez Jean-Daniel Pollet, une dimension humaine. Le paysage vit sans l'homme et s'affirme dès lors comme présence sensible témoignant d'un morceau de l'histoire du monde.
Assommant
Shara est le premier film de Kawase Naomi que j'ai vu ; dès les premières images j'ai compris que ce film ne serait pas une partie de plaisir . La mise en scène est assez déroutante et lente, les acteurs ne sont pas mauvais ; cependant Shara ne m'a touché et émut que lors de la parade, c'est le seul moment où j'ai ressentit de l'émotion car elle était communicative et palpable .
Lent ou simplement ennuyeux
Le cinéma de Naomi Kawase est subtil, fin et raffiné ; tout le monde est en général à peu près d'accord sur cela. Mais très franchement, si l'on aborde Shara d'une autre manière, on peut dire que le film plonge dans un niveau d'ennui absolument abyssal. Je suis toujours très dubitatif quant à la sincérité de ceux qui affirme le contraire. Objectivement, si le cinéma est un art qui séquence le temps par le biais du montage, on peut même se demander si on est bien en présence d'un film, tant les rushes semblent avoir été accolés en d'interminables séquences de non-dits, de silence et de hors sujets. Mais il y en aura encore pour dire que c'est précisement là le charme du film...
Une tranche de vie
...la manière de filmer est assez surprenante...il ne faut pas se mettre trop près de l'écran car les mouvements sacadés de la caméra sont très désagréables!!
un grand bravo à la jeune héroine qui apporte la fraicheur dans ce film
Fiction ou reportage,faites votre choix...
SHARA aura autant de quoi dérouter le spectateur peu familier de la culture japonaise que fortement intéresser celui qui est un peu plus habitué de la "chose nippone".
La réalisatrice NAOMI KAWASE est issue du milieu documentariste, cela se voit!
Le part-pris est celui du reportage,caméra souvent à l'épaule,son direct avec trés peu de musique aditionnelle,plans-séquences allongés,impression voulue de réalisme.On est proche de ce cinéma-vérité des années 60 et 70 qui écumait les festivals du monde entier.Et il faut reconnaître que SHARA a tout du "film de festival",un peu plombant à force d'abstraction.
Le postulat de base,la disparition mystérieuse d'un être cher au sein d'une famille ordinaire vivant dans l'ancienne capitale impériale Nara, est traité de façon assez vague,fil rouge d'un scénario qui veut parler de beaucoup de choses pour se perdre un peu en route.
Les scènes se déroulent alors,mais leur aspect brut nous donne souvent l'impression d'assister à un docu plutôt qu'à un film de fiction:les préparatifs de la fête de Basara,les déambulations à vélo des deux adolescents complices,leur course éperdue dans les ruelles de Nara,les rituels boudhistes,l'accouchement,la vie dans une maison japonaise traditionnelle...Une façon vraiment intéressante de découvrir une ville, une culture,de l'intérieur,de manière trés esthétique aussi,mais la valeur "fictionnelle" du film est mise alors de côté.Surtout que certaines scènes ont tendance à s'allonger et deviennent irritantes, et que la caméra tremblotte en permanence et finit par donner le tournis.
Mais ces défauts réels ne sauraient faire oublier les qualités de l'oeuvre.Ainsi au hasard d'une scène surgit l'émotion, aussi brute que la façon de filmer:la discussion entre la jeune fille et sa mère en rentrant des courses,ou un secret familial est dévoilé sans avoir l'air d'y toucher, qui rapproche paradoxalementun peu plus les deux femmes, ou le baiser maladroit entre les adolescents,et bien sûr le point central de l'histoire, le défilé de la fête de Basara.Moment intense,trés coloré,sonore, ou la longueur de la scène est cette fois intégrée au climat du film,et ou les regards des protagonistes dévoilent leurs sentiments mieux que des mots.Instant magnifié par l'averse soudaine,la fiction scénarisée rejoint la réalité des traditions représentées.
L'austérité jusque-là de mise se libère et laisse affluer l'émotion,palpable,directe.Enfin!
Le final est en forme d'espoir en l'avenir,avec cette naissance qui compense un peu la perte d'un proche disparu.L'idée n'est pas nouvelle,mais au moins la devine-t-on sincère et bien amenée.
Cette chronique nous laisse quand même un goût d'inachevé,dommage que la réalisatrice garde une certaine froideur pour son sujet et ses personnages durant la plus grande partie du film.A ne pas choisir entre reportage et cinéma de fiction,elle nous donne cette oeuvre toujours intéressante mais qu'à de trop rares moments captivante ou émouvante.Peut-être avec son prochain film...
Sympa, mais un peu décevant...
Le film nous plonge vraiment dans l'intimité de la famille japonaise, on se croirait presque dans un reportage parfois. C'est malheureusement ce procédé qui m'a d'un autre côté déçu. On a en effet de ce fait de nombreuses longueurs, ainsi que impression d'un travail d'amateurs... :/
Le scénario n'est pas non plus transcendant, et laisse le spectateur dans l'attente sans jamais vraiment rien développer. A vrai dire, le film laisse sous-entendre beaucoup trop de choses pour pouvoir être dedans. Bref, malgré tous ces petits défauts,
Shara est tout de même intéressant et se laisse regarder tranquillement :)
Love love love
Shara reprend la révolution instaurée par la nouvelle vague là où elle s'est arrêté. Sa capacité et sa foi dans un cinéma hors de toute convention est un moment rare et unique à célébrer. Son incroyable force à tisser le réel avec la fiction, son éblouissante liberté de mise en scène sont des joyaux qui font table rase de près de 40 ans de cinéma. Dans Shara Kawase accompagne, scrute, comme une présence familière. Les mouvements qui empreignent ses plans sont comme une série de regards participants, à la fois personnage, confident, présence intime qui trouve toujours la juste distance. La bonne mesure dans l’espace. Tout n'est qu'un intense maillage en pointillé. Les non-dits des points de suspension, des creux dans lesquels les rapports humains se glissent, remettant perpétuellement en jeu toute forme de narration explicite. Chronique familiale, portrait d'une absence ou de la perte, Shara murmure, laisse les mots, la parole toujours un peu sur les bords et en dedans.
Tout Shara cherche plus à panser qu'à penser. Il y est question de deuil et de renaissance. Le film est comme un mouvement d'affects qui trouve son pic et sa quintessence émotionnelle lors de cette grande fête populaire de Basara. Moment rare et précieux de cinéma, où la rythmique singulière et festive, devient un passage où la foi dans la communauté (au sens large) renaît jusqu'à l'implosion de larmes torrentiel venu du ciel. Immense preuve et territoire d'amour, la fête de Basara c'est ce qui fait d'un regard entre Yu et Shun le lien d'entre tous les liens. Tout et tous se tisse, le père et son fils, Yu et sa mère, les uns dans et avec les autres. Le plan saisi tout, d'un rien et d'un tout simultanément. La vie y est alors suggérée dans les plus petits recoins de ses blessures et de ses joies. L'euphorie grandit, monte comme une force libératrice, prête à verser sur les plaies le plus beau des sérums de vérité. Chacun y "brille de mille feux". Nous en avons les larmes aux yeux. L'intensité est si simple et presque trop évidente. Nous sommes face à l'un des plus beaux moments de cinéma de tous les temps.
Tant de libertés qui mettent en déroute toutes les conceptualisations des pseudo auteurs mondialisés du cinéma contemporain est un moment d'extase. Ce qui n'est qu'un détail. Le plus éblouissant c’est que jamais Kawase n'emprunte, et ne se soumet à la moindre règle, même celle qu'elle pourrait s'imposer. Elle brise sans cesse ses raccords. Les plans s'y syncopent. De la course entre Shun et son frère, à Shun et Yu à vélo, perdus dans ce labyrinthe qui n'est qu'un immense territoire prompt au déplie des émotions des personnages et de la vie, les juxtapositions alternent les points de vue sans l'once d'un formalisme. Le cadre bouge comme une caméra embarquée, portée dans une attente et recherche constante de proximité qui chérie avec un amour d’une justesse inouï. Resserrant les passés et les peines tout en les laissant fuir. S’arrêtant devant un baiser face auquel soudainement l’extrême prudence et délicate retenu du geste d’enregistrement devient un moment où nous sommes presque de trop. Irradié par tant de beauté ténu. Kawase, parfois proche d'un certain Jonas Mekas, filme une mémoire au présent. Pour le présent, y être, s'y installer apaiser. Pour qu'enfin la réconciliation avec ses fantômes advienne, trouve le repos. Que ce vent soufflant dans les ruelles, faisant teinter les clochettes des souvenirs comme des cicatrices trop cristallines, vive, puisse enfin s'éteindre dans un dernier soupir. Et laisse la place au miracle de la vie, advenant sous le regard d’un frère qui ne remplacera jamais un autre.
Un peu mou
Joli histoire, mais assez pauvre. Il manque quelques rebondissements.
Passage préféré: la fête où tout le monde danse en jaune dans les rues, et le début où les garçons sont encore enfants.